Design démultiplié - Entretien avec les designers de l’agence LDRP

Rédigé par Karine DANA
Publié le 08/03/2017

Mobilier de bureau, Les Éditions Théâtrales : la proposition porte sur du mobilier de réemploi. Les designers ont déniché des tables de salle à manger en bois massif pour leur donner une nouvelle existence : celui de mobilier de bureau.

Article paru dans d'A n°252

Revendiquant la double compétence d’architecte et de designer, Laurence Duca et Rémy Peyrard envisagent le mobilier comme un système de structuration et d’organisation de l’espace. Le meuble est pour eux un vecteur de transformation et de démultiplication d’usages avant d’être un objet. Nous leur avons demandé comment et avec quels processus de fabrication ils y parviennent.   

D’a : À quelle idée de l’usage et du confort votre production renvoie-t-elle ? 

Laurence Duca et Rémy Peyrard : Nous envisageons le mobilier pour encourager l’usager à devenir acteur de son espace. Il ne s’agit pas de poser une bibliothèque, un bureau, un canapé de façon immuable, mais que chaque pièce compose une certaine musique, que certains éléments s’animent au gré des usages. Cela encourage à développer une relation différente au mobilier, finalement assez charnelle. On devient partie prenante de ces assemblages. Notre réflexion va toujours au-delà de l’usage unique, pour initier des usages multiples. 

 

En quoi cette approche se répercute-t-elle sur les décisions constructives ? 

Proposer des usages différents implique en effet des assemblages spécifiques. Par exemple, pour notre mobilier Pop’Up, comme la table Aude, nous mixons des assemblages de type à mi-bois avec des assemblages mécaniques de type charnière à piano ou autre. Nous cherchons à limiter au maximum les pièces de quincaillerie, néanmoins le dessin de ce mobilier prend en compte des contraintes spécifiques pour chaque type de pièce, en termes de poids, d’arrachage, de flexion. Depuis plus de vingt ans, nous adaptons nos dessins à la mutation du métier de menuisier. Ainsi, nous avons développé plusieurs gammes de mobilier conçues à partir de machines à commande numérique. La matière est optimisée, et la mise en oeuvre s’en trouve réduite. Face à la demande, nous avons créé « Les Optimistes Éditions », une SAS dédiée pour vendre ce type de mobilier, particulièrement prisé pour les petits espaces. Nous avons fait évoluer les premiers prototypes afin que l’usager puisse repartir avec sa table, sa bibliothèque ou sa tête de lit en cas de déménagement. Il faut penser le mobilier autrement. 

 

Quelles sont vos logiques de production et en quoi le matériau bois permet-il de diversifier les offres ? 

Nous travaillons principalement le bois massif et ses dérivés : panneaux de contreplaqué, panneaux trois plis, panneaux de bois composites, etc. Et nous souhaiterions à terme travailler avec des matériaux biosourcés. Le choix d’un travail manuel ou des machines à commande numérique dépend de deux facteurs : le matériau choisi dans le cahier des charges et le nombre de pièces produites. Dans le cas d’une petite série, voire d’une pièce unique, il est préférable de partir sur un process semi-artisanal qui ne nécessitera que très peu de temps de développement au sein du bureau d’études, mais fera plutôt appel au savoir-faire de l’artisan. Les pièces seront alors traitées de manière traditionnelle : l’artisan trace ses épures, et certains éléments sont travaillés dans un premier temps en MDF (Medium Density Fiberboard, ndlr) avant d’être traités dans le matériau choisi. Une fois les aspects fonctionnels, ergonomiques et structurels validés, le meuble sera usiné, assemblé. Dans le cas d’une moyenne ou grande série, nous travaillons principalement avec des ateliers équipés de machines à commande numérique trois ou cinq axes. Nous produisons des fichiers sous format DXF, lesquels sont retranscrits par le bureau d’études afin de pouvoir programmer les machines. Là encore, une première maquette à l’échelle 1 en MDF est réalisée avec la machine à commande numérique avant que la série soit lancée. Le temps passé au bureau d’études est souvent égal au temps passé à la réalisation des pièces, aussi la rentabilité de ce type de fabrication ne commence qu’à partir d’une dizaine de pièces. Toute la gamme du catalogue Pop’Up est usinée par l’atelier TBM à Saint-Maur. Nous avons monté un partenariat avec cette entreprise et travaillons sur une combinaison, qui peut sembler paradoxale, de production sur mesure conçue de manière industrielle. Cette approche nécessite la programmation d’un logiciel permettant le recalcul des informations transmises sans avoir à les rentrer de nouveau. À terme, nous souhaiterions pouvoir adapter nos modèles de meubles aux mesures de chacun. Cette approche nous intéresse particulièrement. Nos intérieurs ont des morphologies différentes, aussi singulières que les meubles et les usages qui les composent, alors pourquoi continuer à produire des standards qui ne correspondent jamais vraiment à nos attentes, à nos vies ? 

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