Architecte : Coton, de Visscher, Lelion, Nottebaert, Vincentelli Rédigé par François LAMARRE Publié le 14/12/2015 |
Espace d’art et de patrimoine, de conservation et de création, le Centre Keramis témoigne d’une industrie défunte qui a façonné la cinquième ville de Wallonie. Enroulé autour de trois fours historiques, Keramis célèbre le feu prométhéen et la plasticité de la matière en modelant le béton comme de la terre.
Des
16 hectares hier occupés par la faïencerie Boch, il ne reste que deux
halles jumelles abritant les trois derniers foursbouteilles de
Belgique et un grand vide promis à urbanisation, centre commercial à la clé.
Ces vestiges classés en 2003 témoignent des origines de La Louvière, cinquième
ville de Wallonie née de cette implantation des frères Boch en rase
campagne, à proximité du canal de Charleroi et au coeur d’un bassin houiller.
Originaire de Lorraine et enracinée au Luxembourg, l’entreprise familiale Boch
prend alors pied en Belgique – devenue indépendante en 1830 –, son premier marché,
juste après avoir fusionné les manufactures sarroises de Mettlach et de Villeroy,
orientées vers le marché rhénan. Opérationnelle en 1844, la manufacture de La
Louvière est alors baptisée Keramis en hommage aux céramistes de la Grèce antique.
Deux ans plus tard, sa production dépasse celle de Septfontaines,
l’implantation historique de l’entreprise au Luxembourg. Au XXe siècle,
les Trente Glorieuses marquent l’apogée du site avec 1300 ouvriers et une
production de 9000 tonnes répartie à égalité entre la vaisselle et le
sanitaire dans les années 1960. Puis la crise pétrolière de 1973
amorce son déclin. Boch La Louvière connaît une première liquidation
judiciaire en 1985, laissant 800 employés sur le carreau. S’ensuit
une existence chaotique jusqu’au dépôt de bilan en 2009, un soi-disant
repreneur écoulant les stocks et procédant au dépeçage du site
jusqu’en 2011. C’est « la dernière défaïence », triste fin mise en
spectacle par un dernier carré d’employés… aujourd’hui reclassés au
sein du Centre Keramis.
LE
CRU ET LE CUIT
À
la fois musée et centre de création, Keramis a pour ambition d’entretenir
la flamme en dévoilant les collections constituées par les acteurs publics
au cours de la lente agonie du site et en élevant son histoire au
rang de tradition vivante à travers l’accueil de jeunes céramistes et
d’activités artistiques connexes. Le thème du feu prométhéen est au
centre de l’institution culturelle, à l’instar des trois vieux
fours-bouteilles alignés dans l’ancienne halle industrielle phagocytée
par le nouveau bâtiment. Choisi en 2010 parmi cinq concurrents, le projet
du collectif d’architectes Codelenovi enrubanne littéralement les halles
jumelles pour trouver les salles d’exposition et les différents
espaces fonctionnels requis par le programme. Volontaire est le contraste entre
le nouvel ouvrage en béton gris et les vieilles halles en brique
enveloppées sur trois côtés, établissant une dialectique dynamique des
matériaux et des espaces entre le cru et le cuit, l’arrondi et l’anguleux,
le lisse et le rugueux, le sombre et le lumineux… La forme déliée et
comme moulée du bâtiment rapporté fait ouvertement allusion au travail
de la céramique, la plasticité du béton renvoyant à celle de la terre
avant cuisson. Et pour que l’analogie soit encore plus explicite, une
intervention artistique se déploie sur le ruban des façades pour graver en
surface sur 4000 m2 un effet de texture évoquant le décor d’une faïence rétro ou
les craquelures d’un grès flammé. Mais c’est à l’intérieur que l’ouvrage
séduit définitivement par ses espaces enroulés dans les circonvolutions
d’une peau de béton satiné et de vitrages cintrés intégrant une partie des dispositifs
scénographiques. L’autre partie, inhérente au mobilier, est à la hauteur
de cette architecture d’une élégance et d’une matérialité contenues,
le projet ayant été validé en tout point par les cinq architectes associés
pour la circonstance. Placés au coeur du dispositif, les trois fours
classés sont en situation de rayonnement symbolique sur le bâtiment
recomposé, l’espace public attenant et la frange urbaine de la friche. Premier
maillon d’une reconquête, le Centre Keramis rejoue l’histoire de la ville
à 160 ans de distance. Le signe d’une renaissance.
MAÎTRE D’OUVRAGE : INSTITUT DU PATRIMOINE WALLON
ASSISTANT À LA MAÎTRISE D’OUVRAGE : CELLULE ARCHITECTURE DE LA FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES
MAÎTRE D’OEUVRE : CODELENOVI, ASSOCIATION MOMENTANÉE DES ARCHITECTES GAUTHIER COTON, MICHEL DE VISSCHER, XAVIER LELION, ANNE-SOPHIE NOTTEBAERT, ANTOINE VINCENTELLI
BET : JZH & PARTNERS (STABILITÉ), SOPHIA GROUP BELGIUM (TECHNIQUES SPÉ- CIALES)
INTERVENTION ARTISTIQUE : JEAN GLIBERT
GRAPHISME : SALUTPUBLIC
SHON : 3800 M2
BUDGET TOTAL : 10 MILLIONS D’EUROS HT
FINANCEMENTS : RÉGIONWALLONIE (60 %), FEDER (30 %), FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES (10 %), VILLE, MÉCÉNAT
CALENDRIER : CONCOURS, 2009 ; OBTENTION DES PERMIS PATRIMOINE ET URBANISME,
2011 ; CHANTIER, SEPTEMBRE 2012-AVRIL 2015 ]
Maîtres d’œuvre : FMAU, mission complète ; responsable projet, Frédéric Martinet&… [...] |
Maître d’ouvrage : NFU, ADIM Nouvelle AquitaineMaîtres d’œuvre : NP2F architectes… [...] |
Maître d’ouvrage : ministère de la Culture Maîtres d’œuvre : NP2F architectes… [...] |
Maître d’ouvrage : Mairie de Paris SLA 20Maître d’œuvre : L’Atelier Senzu (arch… [...] |
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