Architecte : L’Escaut et Atelier Gigogne Rédigé par Asli ÇIçEK Publié le 11/12/2015 |
Pour reconvertir la chapelle des Ursulines à Mons en Artothèque, les architectes de l’Atelier Gigogne et de L’Escaut ont inséré un volume témoin du présent dans un passé qui est pris en compte, mais ne peut plus être modifié.
En
1952, l’architecte allemand Hans Döllgast est chargé de rénover l’Ancienne Pinacothèque
de Munich. Initialement conçue par Leo von Klenze en 1836, elle a été
lourdement endommagée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Döllgast
s’est refusé à réparer l’édifice selon les canons de la restauration
classique. Son but : mettre l’accent sur l’importance de l’histoire
sans accepter le moindre compromis. Autrement dit, des pans de la
façade détruits devaient rester visibles. Il les a ainsi reconstruits en
briques en omettant sciemment la finition avec l’enduit ocre et les
ornements d’origine. Par ce geste simple mais fort, la confrontation avec
l’histoire est devenue à ce point manifeste que l’édifice demeure encore
aujourd’hui un objet d’étude saisissant. Nul besoin d’explications
détaillées, l’observateur saisit d’emblée que quelque chose est arrivé
à l’édifice, un événement destructeur qu’il ne faut pas oublier. Si le
parti pris de Döllgast a été controversé à l’époque, il a su fédérer
au fil du temps des partisans toujours plus nombreux. À l’intérieur,
l’architecte a appliqué le même principe provocateur qu’à l’extérieur
en conservant les murs nus où cela était nécessaire. Il a aussi redonné toute
sa fonctionnalité au grand escalier qui mène du vestibule aux salles
d’exposition à l’étage supérieur. Se divisant selon deux directions
parallèles à la façade extérieure, cet escalier crée aussi une élévation intérieure
: les visiteurs avancent alors entre les deux façades de briques avant
d’entrer dans l’espace néoclassique de von Klenze.
RÉNOVATION
VISIBLE
En
transformant le couvent des Ursulines en une vitrine de présentation et de
conservation du patrimoine de Mons, les architectes bruxellois de
l’Atelier Gigogne et de L’Escaut ne subissaient pas l’ombre écrasante de
l’histoire, comme ce fut le cas pour Döllgast. Bien qu’une partie du
couvent ait également été bombardée pendant la Seconde Guerre
mondiale, le projet de transformation confié aux architectes en 2013
ne concernait que la chapelle qui portait les stigmates de son âge. Ici,
la problématique de la préservation du monument, soulevée par
Döllgast il y a soixante ans, reste tout aussi pertinente. Pour le
couvent, les architectes ont été bien sûr confrontés au déclin d’une
vénérable bâtisse de 350 ans qui avait subi d’inévitables rénovations pour
survivre. Mais en 2013, le bâtiment devait être repensé entièrement pour devenir
un lieu public qui accueillerait le patrimoine municipal de Mons. Il y a
eu une tendance architecturale à conserver des parties de la
construction d’origine. Celle-ci s’affiche très subtilement dans les
rénovations telles que celle de la Tate Britain, par Caruso
St John (2010), où l’original est indemne et se ponctue de quelques éléments
contemporains discrets, ou dans la confrontation directe avec l’histoire,
la voie choisie par David Chipperfield Architects pour le projet du
Neues Museum à Berlin (2009). L’approche des architectes pour l’Artothèque
porte aussi les traces de cette tendance. Elles sont néanmoins plus visibles
que pour les rénovations précitées. À Mons, l’intérieur de la chapelle
accueille un nouveau volume divisé en espaces de stockage et en un
étage de bureaux. Ce volume occupe un peu plus de la moitié de la
longueur de la chapelle, ménageant un espace d’entrée modeste. Dans la
largeur du bâtiment existant, le nouveau volume est séparé des murs
et de la chapelle par ce que les architectes appellent une faille : une
distance physique qui accueille toute la circulation. Étroit et
droit, un escalier en béton conduit directement au premier niveau et se
prolonge par une rampe pour atteindre l’escalier en colimaçon à l’arrière,
trait d’union entre les niveaux supérieurs. Au rez-de-chaussée, la
faille assure également la circulation horizontale, permettant une connexion
visuelle avec le stockage des peintures et un accès direct à la sacristie. Celle-ci
est désormais la salle d’exposition de
l’Artothèque virtuelle, qui affiche la face cachée de cette grande
collection à l’aide d’écrans tactiles. Les architectes y ont joué les
scénographes d’un espace virtuel, orchestrant, dans le mobilier simple,
les objets se référant à ceux utilisés dans les laboratoires et le
stockage. Les vitrines verticales sont utilisées avec parcimonie et abritent
de nombreuses pièces qui sont expliquées sur les écrans tactiles et
peuvent être consultées en détail. Ce mode de gestion de la
collection constitue une partie importante du projet, étant donné que
l’espace accessible au public est limité à la sacristie à côté de la
nef de la chapelle qui contient déjà le nouveau volume. Grâce à une
interface simple et efficace, le visiteur peut facilement et avec plaisir
découvrir toute la collection – une priorité pour les architectes qui
ont su persuader le bon programmeur de créer leur scénographie virtuelle.
STIGMATES
Contrairement
à cet espace d’exposition quasi dématérialisé, le nouveau volume inséré
dans le bâtiment existant en impose par sa présence matérielle. Rappelant
l’élévation intérieure créée par Döllgast avec l’escalier de
l’Ancienne Pinacothèque, le volume résulte en une façade dominante avec
un motif rhomboïdal créé par des éléments structurels en forme de V peints
en blanc et qui font écho aux pilastres de la nef. L’ensemble de la
construction s’incline vers le plafond de la chapelle et brille de sa propre
personnalité, faisant obstinément face aux vieilles pierres de la
chapelle, comme s’il en était le petit-fils. Mais cette présence
architecturale n’est perceptible que si l’observateur regarde vers le
haut, car la ligne de faille limite la distance permettant d’embrasser
la façade du regard. Le volume rigide – un bâtiment en lui-même – semble bloqué
dans l’ancienne chapelle, et crée un contraste volontaire avec son
enveloppe. Les lieux illustrent cette interprétation : les éléments
ajoutés sont les témoins du présent, le passé ne peut être ignoré, mais ne peut
plus être modifié. À cet égard, les architectes ont adopté une attitude
très rationnelle face au projet, en faisant du programme et de son
accessibilité les principales questions. Au lieu de redonner son
lustre d’antan à la chapelle et d’y placer un élément sans grande
inspiration, les fonctions envahissent littéralement l’espace
intérieur préexistant avec ce nouveau volume. Celui-ci intègre le mur de
la chapelle uniquement sur la face ouest et associe ainsi
parfaitement son visage buriné au nouvel intérieur. On assiste à un
dialogue très direct entre l’ancien et le nouveau, entre les
finitions et l’infrastructure, comme le démontre l’escalier en colimaçon Ã
l’arrière, sur le quatrième niveau, où la structure de bois grossière du
toit de la chapelle est totalement exposée. Dans le même temps, cet
escalier s’élève dans le nouveau volume, de la même manière que
l’escalier du clocher bordant leur mur mitoyen, clairement comparable à une
coupe longitudinale. Alors que l’ancien bâtiment reste décelable sur les
surfaces de l’ensemble de sa structure, avec les stigmates du temps, l’intérieur
de la chapelle est devenu un volume d’organisation efficace. En dépit
de ces confrontations, voire de ces conflits, tant sur le plan des matières
que de l’attitude, la perception générale de tous les espaces est
remarquablement claire. Les gestes posés par les architectes dans le
cadre de ce projet permettent d’aller à la rencontre de l’histoire sans
perdre de vue le présent, ou inversement, et en résulte une démarche sui
generis rafraîchissante.
MAÎTRE D’OUVRAGE : VILLE DE MONS
MAÎTRE D’OEUVRE : L’ESCAUT ET ATELIER GIGOGNE
ÉTUDE DE STABILITÉ : JZH & PARTS
PROGRAMME : RÉHABILITATION DE L’ANCIENNE CHAPELLE DU COUVENT DES URSULINES EN
ARTOTHÈQUE
SURFACE : 2 200 M2
COÛT : 7,2 MILLIONS D’EUROS
LIVRAISON : AVRIL 2015
Maîtres d’œuvre : FMAU, mission complète ; responsable projet, Frédéric Martinet&… [...] |
Maître d’ouvrage : NFU, ADIM Nouvelle AquitaineMaîtres d’œuvre : NP2F architectes… [...] |
Maître d’ouvrage : ministère de la Culture Maîtres d’œuvre : NP2F architectes… [...] |
Maître d’ouvrage : Mairie de Paris SLA 20Maître d’œuvre : L’Atelier Senzu (arch… [...] |
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