Le MusVerre, Sars-Poteries

Architecte : W-Architectures
Rédigé par Maryse QUINTON
Publié le 27/10/2016

À Sars-Poteries, l’agence W-Architectures vient d’inaugurer le MusVerre, qui s’affiche comme « un lieu vivant dédié au verre Â». Si cette petite commune du Nord mise beaucoup sur ce nouveau bâtiment pour doper son attractivité culturelle, celui-ci n’est pas tombé dans l’écueil d’une architecture tape-à-l’œil. La sobriété proposée par Raphaël Voinchet puise son efficacité dans une exécution parfaite.


En ce jour d’inauguration du MusVerre, Jean-René Lecerf, président du conseil départemental du Nord, préfère désamorcer les plus sceptiques : « Bien sûr, on peut se demander s’il était raisonnable, dans les difficultés sans précédent que nous traversons, de se lancer dans cet investissement. J’assume ce choix de la précédente majorité dans la profonde conviction que les musées de notre département, au-delà d’offrir l’excellence culturelle, ont aussi un rôle essentiel à jouer de levier du développement de leur territoire. Â» Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et président du conseil général du Nord jusqu’en 2014, a également fait le déplacement ce 30 septembre 2016, veille de l’ouverture au public. « Ce musée est une folie. Mais une folie totalement souhaitée, assumée par les élus du territoire. Â» Dont acte, n’en déplaise aux réticences locales. Ne reste plus qu’à croiser les doigts pour que les 50 000 visiteurs annuels escomptés fassent eux aussi le déplacement. Car n’est pas Louvre qui veut. D’autant plus que le prestigieux label ne suffit pas à attirer les foules : le musée installé à Lens accuse une baisse sensible de fréquentation pour l’année 2015 (– 20 %). De toute évidence, le pari du MusVerre est ambitieux, pour ne pas dire risqué. Sars-Poteries, 1 500 Ã¢mes, est à 45 minutes de Mons, 45 minutes de Charleroi, une grosse heure de Lille et 25 minutes de Maubeuge qui, en 2014, a abandonné son projet fort avancé de Centre Pompidou. « Ici, on parle en temps, pas en kilomètres Â», sourit Aude Cordonnier, directrice du MusVerre.


Haut lieu de la verrerie

C’est donc au milieu de nulle part mais au cÅ“ur du parc naturel régional de l’Avesnois que le MusVerre s’est installé. Une implantation qui ne doit pourtant rien au hasard. Ancré dans l’histoire locale plutôt que parachuté au petit bonheur la chance, le MusVerre, créé sous forme associative en 1969 puis départementalisé en 1994, s’inscrit dans l’histoire de la région, haut lieu de la verrerie. Il occupait jusqu’alors une demeure bourgeoise, peu adaptée aux exigences de la conservation et malcommode pour accueillir des visiteurs. L’idée d’offrir un lieu à la hauteur de la collection – l’une des plus importantes d’Europe en matière de verre contemporain – a peu à peu fait son chemin. Il y avait eu une première tentative au mitan des années 2000. Un architecte avait été désigné mais le projet fut abandonné. En 2012, Raphaël Voinchet, lauréat d’un nouveau concours, sera plus chanceux. « Dans ces territoires fragiles, un musée comme le MusVerre nécessite un engagement politique fort pour espérer voir le jour Â», note Aude Cordonnier. Comme d’autres terres rurales, Sars-Poteries mise ainsi sur la culture pour espérer doper son attractivité et donner le sourire à son économie sinistrée.

Aussi le musée ne cache pas son ambition, comptant fermement sur l’architecture pour faire parler de lui sans pour autant verser dans une écriture ostentatoire. Il faut dire que Raphaël Voinchet s’est donné du mal. S’il ne révolutionne pas l’architecture contemporaine, s’inscrivant dans les conventions des meilleures réalisations helvètes ou hispaniques des dernières décennies, son bâtiment est remarquablement exécuté. On imagine aisément que l’absence de couvertine métallique et de signalétique tapageuse ou le calepinage impeccable en pierre bleue du Hainaut sont le fruit d’une âpre lutte. Sans compter, l’architecte toulousain a déployé son énergie dans des combats architecturaux souvent perdus d’avance. En ce jour d’inauguration, personne ne s’y trompe. L’équipe tout comme les politiques présents versent dans une sémantique – « Un écrin ! Un bijou ! Â» â€“ qui en dit long sur la qualité d’exécution, pourtant si peu démonstrative. À Sars-Poteries, tous s’accordent sur le fait que Raphaël Voinchet a su comprendre l’essentiel : leur territoire méconnu, qu’ils chérissent tant, et la nécessité de ne pas en faire trop. Bien sûr, ces volumes gris aux arêtes fièrement tendues ne passent pas inaperçus. Mais la prise en compte des haies bocagères, la sensibilité vis-à-vis du site, des constructions environnantes ou des limites ont su convaincre sans effrayer personne. Ou comment un poncif aussi éculé que « composer avec le site Â» peut donner de belles choses quand il dépasse l’argument marketing.


Géométrie simple, matérialité forte

« Une présence silencieuse suffisamment puissante Â» : en bon architecte, Raphaël Voinchet justifie son parti architectural en maniant les oxymores. Pour ne pas mettre trop fort les pieds dans le plat, le bâtiment est segmenté en cinq volumes – des digitations – qui répondent aux différentes entités programmatiques mais aussi à la topographie mouvementée : pas moins de 7 mètres de dénivelé entre la départementale qui borde la parcelle au sud et le village situé au nord du musée.

Cette fragmentation par un plan en redents résout graduellement la problématique géographique. « Il fallait assumer la surface importante à déployer, explique l’architecte. Le plus important pour moi, c’est que les habitants de Sars-Poteries se sont déjà emparés du projet et se sont approprié le symbole que porte le musée. Même si on fait très attention au site, on transforme le village et on modifie un peu son centre de gravité. Cette nouvelle organisation doit faire sens et permettre aux riverains de reconfigurer leurs espaces en douceur. Â»

Pour autant, impossible de passer à côté du MusVerre. S’il a su épouser la géographie avec intelligence, le bâtiment ne cherche pas non plus à se cacher. Il s’affirme par une matérialité forte : Raphaël Voinchet n’est pas allé chercher ailleurs ce qu’il pouvait trouver à 60 km : 850 tonnes de pierre bleue du Hainaut extraite à Soignies, en Belgique, ont été mises en Å“uvre sur 2 600 m2 de façades. Un an de pose par des compagnons locaux et un calepinage d’une impressionnante rigueur.

Sur le parvis extérieur, la pierre de l’enveloppe se retrouve au sol, tandis qu’à l’intérieur le musée tient ses promesses. Raphaël Voinchet s’est fort heureusement vu confier la scénographie et le mobilier. Sans parcours imposé, de vastes espaces blancs côtoient des boîtes noires où sont notamment exposés « les Bousillés Â», pièces remarquables que les artisans verriers réalisaient en toute liberté créative sur leur temps de pause. La grande salle offre une double hauteur aux pièces contemporaines dont la politique d’acquisition révèle de belles surprises, comme l’impressionnante robe « Seated Dress Impression with Drapery Â» de Karen LaMonte.

Le bâtiment ne rompt jamais le dialogue avec le paysage. Le béton autoplaçant de la structure porteuse prolonge le nu de la pierre extérieure. Des grandes fenêtres, souvent positionnées dans les angles, toujours au nu de la pierre, établissent des rapports frontaux avec l’extérieur. Sans jamais en faire trop, le MusVerre semble avoir trouvé sa place. Au minimalisme et à la rigueur qu’il réfute, Raphaël Voinchet préfère parler de : « La stricte expression des choses. Ni plus, ni moins. Â»



Maîtrise d'ouvrage : Conseil départemental du Nord ; Territoires Soixante-Deux, conducteur d’opération

Maîtrise d’œuvre : W-Architectures (architecte mandataire) 

Paysagiste : Kaplan Projets

BET structures et fluides : Terrell

VRD : AVR

HQE : Nobatek

Économiste : Alayrac

Entreprises : Jean Lefebvre Nord (terrassement, VRD, espaces verts, plantations) ; Tommasini Construction (gros Å“uvre, charpente métallique, étanchéité) ; Christian Lefebvre (isolation extérieure, façade pierre, dallage pierre) ; PMN (menuiseries extérieures, serrurerie) ; Les Nouveaux Établissements Module (plâtrerie, faux plafonds, menuiseries intérieures, peinture) ; Goppion, SPA/Boscher (aménagement intérieur, mobilier muséographique, vitrines, signalétique) ; Sodifra Agencement (aménagement intérieur, mobilier sur mesure) ; Silvera (aménagement intérieur, mobilier catalogue)

Surface : 3 000 m2 SDP

Coût : 10,3 millions d’euros HT

Calendrier : concours, 2011 ; études, 2011-2014 ; livraison, 2016 ]


Lisez la suite de cet article dans : N° 249 - Novembre 2016

Le MusVerre, W-Architectires (Sars-Poteries, Nord)<br/> Crédit photo : WEINER Cyrille Entrée et parvis du Musverre<br/> Crédit photo : CAILLE Emmanuel Vue intérieure : le parcours muséographique alterne des boîtes-écrins et de grandes salles blanches<br/> Crédit photo : WEINER Cyrille

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