Charpente bois des voiles de verre de la Fondation Louis-Vuitton, Frank Gehry architecte. |
Dossier réalisé par Christine DESMOULINS Irlandais et architecte de formation, Tom Gray analyse les atouts et les lourdeurs du système français. Travaillant en France depuis 1992, il est l’un des fondateurs de T/E/S/S, un BET et atelier d’ingénierie créé en 2007 et reconnu pour ses compétences dans les structures complexes et l’enveloppe du bâtiment. |
DA : QUELLES SONT LES PARTICULARITÉS DE
VOTRE STRUCTURE ET COMMENT TRAVAILLEZ-VOUS AVEC LES ARCHITECTES ?
Tom Gray : C’est avec Matt King et Bernard
Vaudeville que nous avons fondé ce bureau d’études, un atelier
d’ingénierie qui s’est fortement impliqué récemment dans l’étude de
l’enveloppe et des voiles vitrés de la Fondation Louis-Vuitton. En travaillant
avec les architectes pour répondre aux spécificités de leurs projets novateurs,
nous essayons de développer des solutions techniques qui le soient aussi, tout
en étant compatibles avec une industrie en pleine évolution. Les
architectes cherchent une expression juste adaptée à notre société
qui vit au rythme des changements accélérés liés aux attentes de la société,
aux modes de financement, aux méthodes d’approvisionnement des bâtiments, tout
cela étroitement imbriqué dans le rôle croissant du numérique et
l’économie mondialisée. Pour l’industrie de la construction,
maîtriser ces changements est un défi. Si l’on sait faire preuve
d’intelligence et d’une vision, l’époque s’avérera stimulante pour
innover sur tous les fronts au bénéfice de tous.
DA : LA FRANCE VOUS PARAÎT-ELLE PROPICE À
L’INNOVATION ?
TG : En France, on note un certain
malaise face aux changements et le pays paraît parfois mal structuré
pour profiter pleinement de la situation. Ces évolutions sont d’ailleurs
parfois plus facilement intégrées par des économies émergentes qui
construisent une infrastructure neuve sans avoir, comme ici, Ã
modifier profondément un système d’organisation et des processus figés.
Dans cette étape critique, on peut craindre que la France ne perde
confiance en elle. Elle doit mieux s’informer de certains principes
et de solutions appliqués à l’étranger et, bien sûr, les observer avec un regard
critique avant de les adapter aveuglément. Certains modèles sont
potentiellement utiles. Il y a cependant toujours des difficultés
quand un pays adopte hors contexte un système extérieur dans des applications
qui intègrent ses traditions et ses méthodes de travail. Il ne faut pas
non plus négliger les retours d’expérience critiques dont ces
dispositifs font l’objet dans leur pays d’origine. Après vingt ans dans l’Hexagone,
je suis pourtant très impressionné par la capacité d’organisation grâce Ã
laquelle la France a su réaliser toute une panoplie de constructions
publiques d’échelles variées, des grandes infrastructures aux crèches
de quartiers qui sont d’une qualité exceptionnelle au plan international. Pour
moi et nombre de confrères internationaux avec qui j’en discute, cette capacité
de construire tient à une très riche tradition de construction rarement
présente ailleurs.
DA : NOTRE SYSTÈME EST DONC PERTINENT…
TG : Le système français a de solides
avantages par rapport à d’autres pays. Reconnue pour cette grande
intelligence et ses capacités de structuration rationnelles, la
France peut pourtant souffrir d’un manque d’agilité liée à son
organisation trop « top down » et trop introvertie, qui peine Ã
réagir à la rapidité des mutations qui fonctionne souvent selon d’autres modèles
d’organisation. Elle a ainsi réagi très tardivement aux questions
environnementales mais, une fois l’importance du sujet avérée,
l’évolution de sa gamme industrielle a été impressionnante, avec une mobilisation
très rapide des compétences et d’une intelligence technique dans nombre de
domaines. Les solutions adoptées manquent hélas souvent de souplesse,
faute d’être centrées sur la méthode et non le résultat. Une approche
plus « bottom up » et plus ouverte vers l’international eut évité le
retard et débouché sur des méthodologies plus simples et plus souples. Aujourd’hui,
la France est plus ouverte et plus connectée ; l’importance de
l’innovation a été reconnue et des mesures sont prises pour la
promouvoir. Il reste des chantiers à aborder et l’évolution doit continuer
dans ce pays qui devra chercher avec sensibilité un équilibre entre ce
qu’il y a de meilleur dans son propre système et de nouvelles
méthodes, sans faire table rase, au risque de nier ce qui fait sa force.
DA : QUE DIRE DES ATEX ?
TG : Souvent critiquées, les ATEx sont
justement un bel exemple de point fort du système français. Bien que
perfectible dans son fonctionnement, ce dispositif formidable permet
à un bureau d’études d’avoir accès à une organisation qui l’oblige à mener
une vraie réflexion pour défendre un principe technique auprès d’un comité d’expertise
en bénéficiant de l’expérience de ses membres. Au lieu de freiner
l’innovation, ce système l’a, au contraire, activement soutenu en
fournissant un cadre dans lequel nous pouvons travailler de façon
responsable et considérée.
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