Architecte : Patrick Berger et Jacques Anziutti Rédigé par Richard SCOFFIER Publié le 05/09/2014 |
L’église Saint-Paul-de-la-Plaine ne s’élève pas, elle surgit à l’angle de deux rues, dans un quartier en pleine mutation, à quelques pas du Stade de France, entre un arrogant immeuble neuf et un alignement de petites maisons blanches attendant sans impatience la pelleteuse mécanique qui abrégera leurs souffrances.
La parcelle triangulaire, très effilée, est méticuleusement divisée selon sa médiatrice en deux pôles siamois. D’un côté, la maison d’église, une construction industrielle horizontale qui s’ouvre sans partage sur la ville et accueille un espace convivial de rassemblement et d’échange. De l’autre, l’église, exclusivement destinée aux sacrements.
Pas de parvis pour les mariages, ni pour les messes du dimanche matin : l’édifice religieux, à première vue cylindrique, s’avance sans préliminaires au plus près de la chaussée pour bénéficier d’une lisibilité maximale et communiquer la présence de l’ins- titution dans ce secteur en expansion. Il arbore sobrement une croix de pierre massive, à la manière d’un insigne accrochée à son costume métallique, et s’annonce fermé, comme s’il trouvait en lui-même sa propre extériorité. Mais il soulève vers l’arrière de la parcelle sa robe d’aluminium anodisé dans un geste presque obscène, en nous faisant basculer dans une autre dimension de l’architecture qui rappelle certaines séquences énigmatiques du cinéma de David Lynch.
INQUIÉTANTE ÉTRANGETÉ
On peut entrer dans l’église de deux manières : soit directement en franchissant la porte principale ; soit indirectement, en passant par le point de tangence qui relie les deux bâtiments.
Par l’entrée principale, on sera aspiré par une profondeur inaccoutumée engendrée par la multiplication paroxystique des séquences spatiales. L’intensité du seuil produite par l’épaisseur inattendue de l’enveloppe – qui absorbe à cet emplacement la sacristie – est suivie par l’élévation de la nef, puis par l’écrasement du chœur dont le plafond en berceau renversé vient dangereusement frôler l’autel. Une compression spatiale immédiatement corrigée par le soulèvement du mur ouvert sur une cour. Cette dernière est fermée par un écran qui laisse cependant supposer d’autres arrière-plans. Une situation que l’on retrouve à Paris à l’église Saint-Roch avec ses chapelles en enfilade, notamment celle réalisée par Étienne-Louis Boullée. Un dispositif militant qui nous rappelle aussi que la notion de profondeur est totalement distincte de celle de transparence. Dans la maison d’église, on sera frappé par l’absence de transition qui permet de passer de l’espace du quotidien, du convivial vers un espace autre où les gestes les plus courants – se parler, partager le pain, boire – se revêtent d’un sens symbolique. Un procédé littéraire qui permet de faire presque physiquement ressentir la séparation entre l’espace du sacré et celui du profane, procédé notamment utilisé chez Franz Kafka dans Le Procès, quand K – le personnage principal – entre dans la salle d’audience où son instruction a déjà commencé par un espace totalement trivial, un lavoir où travaillent des lavandières. Quant à la structure tubulaire, elle se donne comme un tour de force, montrant un bâtiment en torsion et prêt à s’élancer, comme porté par un élan vital. Un vitalisme qui témoigne des recherches actuelles de l’architecte, corroborées par ce qu’il est possible d’entrevoir aujourd’hui de la canopée des Halles.
Maître d'ouvrage : Diocèse de Saint-Denis
Maîtres d'œuvre : Patrick Berger et Jacques Anziutti (architectes) ; Patrick Berger (conception architecturale)
Mobilier liturgique : Édouard et Antoine Ropars, Patrick Berger
Paysagiste : Franck Neau
Économie : Bureau Michel Forgue
Structure : Batiserf
Fluides : Louis Choulet
Éclairage : Ingélux
Acoustique : ACV
Surfaces : 438 m² (totale) ; 196 m² (église) ; 513 m² (jardin)
Coût : 1,7 million d'euros HT
Date de livraison : consécration par Mgr Pascal Delannoy, le 24 mai 2014
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