Logements M9D4, Paris 13e (ZAC Masséna Chevaleret)

Architecte : Architectures Anne Demians
Rédigé par les architectes
Publié le 20/05/2015

La rue Chevaleret - 400 mètres de long - était une artère morne du 13e arrondissement, totalement enclavée dans ce quartier du haut Tolbiac. Située à 9 mètres en contrebas de l’avenue de France, nouvel axe majeur de la ZAC Seine Rive Gauche, cette rue charnière va devoir s’inscrire harmonieusement dans ce vaste programme urbain que développe la SEMAPA.


En 1998, l’architecte et urbaniste Bruno Fortier gagne le concours de la restructuration de ce secteur en dénivelé. Il s'inspire de la typologie de la rue des Pyrénées - conçue dans le 20e arrondissement de Paris entre 1860 et 1920 - pour donner cette même impression de vallée habitée. Pour cela, l’architecte en chef de la ZAC imagine des escaliers à espaces réguliers de manière à « absorber » cette falaise verticale.


Aussi, dessine-t-il une rue non pas longée de « dominos » habituels, mais scandée d’îlots en quinconces, tantôt en retrait, tantôt à pique, dispositif qui rythme la rue. Deux thèmes sont également imposés aux architectes : faire usage d’un noble matériau - la brique - ; auquel peuvent s’adjoindre des éléments en métal.


Quinze ans plus tard, la réponse est satisfaisante puisqu’elle respecte le registre recommandé par Bruno Fortier, registre perceptible au travers des bâtiments nouveaux alentours : l’école Inalco d’Yves Lion, les immeubles d’habitations signés Jean-Claude Buffi, Brenac et Gonzalez et celui, tout récent, d’Anne Demians, entièrement habillé de métal.


L'immeuble d’habitations réalisé par l'agence Anne Demians s’inscrit dans le quartier neuf de Masséna, dans un agencement simple. Sur une topographie contrastée, le terrain qui lui est réservé s’étire entre les rues Léo Frankel et Chevaleret. Ce site est privilégié et sensible. Il se situe dans un quartier en complète renaissance. L’architecture de ce projet se nourrit des enjeux citadins et des directives urbaines de Paris Rive Gauche, comme des objectifs annoncés dans le cahier des charges particulières d’urbanisme et d’architecture de Bruno Fortier et de l'ingénieur Jean-Thierry Bloch.


Le socle, clairement dissocié des étages, se dresse sur deux niveaux différents de sol, permettant ainsi de rentrer, dans un même soubassement, les deux niveaux d’accès de la parcelle. Cette assise s’inscrit dans la continuité du socle en pierre de Buxy, couvrant déjà les soubassements des îlots d’à côté. Ce dispositif entre en résonance avec la brèche ouverte dans les étages supérieurs, affirmant ainsi, à une échelle supérieure, une respiration intérieure, propre à l’îlot.


Le projet tire avantage des particularités du site, en préservant la liaison piétonne entre la rue Léo Frankel et la rue Jeanne Chauvin, en l’inscrivant au droit d’un porche traversant. Ce passage est commun à tous les habitants de l’immeuble et dessert, de part et d’autre du cheminement, les halls principaux des logements ainsi que les espaces de service mis à leur disposition (vélos, poussettes, poubelles). Cette configuration permet de valoriser les espaces traversant de la parcelle. Elle favorise la perméabilité entre les espaces privés et les espaces publics.


Les commerces sont glissés dans le corps du socle qui reste adossé au volume ferroviaire dont les tunnels rejoignent la Gare d’Austerlitz. Le parvis se prolonge par un jardin d’agrément. Ce jardin se découvre depuis la rue Jeanne Chauvin. Ses lignes directrices reprennent le dessin aléatoire des fenêtres des logements. C’est un autre jardin, mais privatisé celui-ci, qui apparaît au troisième étage du bâtiment central. Il prolonge cette impression d’ouverture, déjà présente au sol, vers le haut.


Édifice et contexte urbain


La maîtrise d’œuvre entend repenser la spatialité des logements afin qu’ils soient davantage en phase avec les nouveaux modes de vie et les règles thermiques. Est mise à l’épreuve la frange ténue entre l’espace public et l’espace privé : un voile de métal tendu habille l’ensemble des façades.


Les logements : configuration


Il s’agit de dépasser la pure fonctionnalité des espaces pour s’adapter à l’évolution des attentes sur le logement en accord avec les nouveaux modes de vie des familles, qu’elles soient traditionnelles, monoparentales ou recomposées. Les logements de l’îlot M9D4 répondent à cette préoccupation par des pièces principales largement dimensionnées qui autorisent différents types d’aménagement. Les pièces de service sont conçues en intégrant des possibilités de variations spatiales afin d’étendre leurs définitions fonctionnelles. En effet, quelle que soit la position – ouverture ou fermeture – des parois coulissantes intérieures, ces pièces deviennent un prolongement de la partie la plus intime de l’appartement ou de l’espace de réception.


En outre, la cuisine est conçue comme un espace annexe du séjour, bien éclairée : elle fait partie de la convivialité de l’appartement. Là encore, le degré de fermeture de cet espace où l’on prépare les repas est évolutif puisqu’il donne à la fois sur la pièce principale mais aussi sur la ville en fonction de l’ouverture ou de la fermeture des parois coulissantes de la loggia.


Partis pris


Le regroupement et l’articulation spatiale des différentes fonctions du logement sont les clefs de cette réalisation. La répartition des différentes pièces selon les orientations est un élément fondateur de cette construction pour profiter pleinement des potentialités naturelles du site.


La demande urbaine, plutôt recentrée sur le cœur de l’îlot en ce qui concernait l’orientation principale des appartements, est apparue comme incongrue au moment où la ville cherchait à proposer de vraies réponses à cette question essentielle: « Comment prendre concrètement en compte le climat ? ». Le projet ne pouvait se dessiner dans le mauvais sens, au risque de flatter le tracé urbain et de négliger l’environnement ainsi que la performance énergétique de l’ouvrage (BBC). Il fallait alors inverser la pièce ouvrant principalement vers l’ouest, en refermant sur le nord et en suggérant de réaliser des appartements traversants. De cette manière, l’esprit clos de l’îlot était préservé.


Une vêture métallique emballait le tout. La disposition des différentes pièces dans le bâtiment, suivant les orientations, reste un élément fondamental et fondateur du projet. Les pièces principales sont largement vitrées sur les espaces des loggias et des balcons, trouvant ainsi un prolongement extérieur et une situation, de fait, qui fabrique des belvédères, à l’abri des regards.


La lumière naturelle des pièces principales n’est en rien pénalisée par ces espaces protégés, dans la mesure où elles sont orientées en sud et sud/ouest, en plein soleil, sans vis-à-vis. La maille est ajourée. Les habitants peuvent régler le degré d’ouverture des volets coulissants qui détermineront la densité de la lumière pénétrante. C’est donc par le traitement composite de la façade sud que nous pouvons atteindre plusieurs objectifs : un bon équilibrage de la confidentialité des logements ; une protection solaire complète des appartements ; une dimension sociale des logements par les loggias ; une conception graphique et technique contemporaines de l’enveloppe.


Le plan des logements


Le plan regroupe, au centre de l’appartement, les contraintes fixes et inertes de ce dernier. De grandes surfaces libres sont ainsi dégagées en façade et répondent à ce besoin de plus en plus fréquent d’espaces nus et neutres à peine chargés de meubles. Les pièces de service et les salles d’eau intercalées entre les salons et les chambres proposent des circulations actives dans un dispositif qui permet de sortir le logement du schéma traditionnel de circulation séparant les parties « jour » des parties « nuit ».


La pièce principale est au cœur du dispositif. Elle est agrémentée d’une vaste loggia et bénéficie de la proximité immédiate de la cuisine et des pièces de service. La cuisine, véritable annexe du séjour, bénéficie également d’un accès direct sur la terrasse. Les pièces de service quant à elles (salle de bains, WC, rangements) s’intercalent entre l’espace de réception et les chambres. L’agencement des pièces de service est pensé pour étendre au-delà des chambres la partie la plus intime de l’appartement afin de créer une zone de bien-être.




Texte rédigé par Architectures Anne Demians

Photographies de Laure Vasconi



Nom du projet : M9D4 / Oressence, Paris 13e, ZAC Massena Chevaleret

Programme et surface : 55 logements en accession et commerces, 4885 m² SHON

Maîtrise d’ouvrage : Vinci Immobilier

Aménageur : SEMAPA

Maîtrise d’œuvre : Architectures Anne Demians

Économiste : Parica International

BET Structure : EGIS BET

Fluide Électricité : Parica International

Coût : 6 900 000 € HT

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