Paris, Bordeaux, Nice : quelle innovation dans le développement urbain ?

Rédigé par Christine DESMOULINS
Publié le 02/11/2015

Foret Verticale - Chartier Dalix

Dossier réalisé par Christine DESMOULINS
Dossier publié dans le d'A n°240

RÉINVENTER PARIS ? 

Comme tant d’autres maîtres d’ouvrage, la Ville de Paris incite les architectes qui réalisent des équipements à éviter les ATEx. Qu’en pense Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris chargé de l’architecture et de l’urbanisme ? Chef d’orchestre de la consultation Réinventer Paris, il oriente sa communication vers l’innovation. Son ambition est de faire émerger « 23 projets d’exception qui marqueront le territoire » et formeront une nouvelle catégorie de « projets privés d’intérêt général ». À mi-parcours, les 75 équipes retenues ont, dit-il, « relevé le défi de concevoir l’innovation urbaine au-delà du geste architectural : dans la mixité fonctionnelle et sociale, les manières de coconstruire un projet, les matériaux… Elles savent traiter certaines innovations en profondeur et proposer des projets à la pointe des nouveaux usages. » Insistant sur la multidisciplinarité des équipes et le nombre de partenaires mobilisés, dans des milieux comme l’art, la gastronomie et l’agriculture urbaine… Au-delà des projets retenus, il se félicite des synergies et des connexions que cet appel à projets a engendrées. Interrogé sur la façon dont seront conciliés les objectifs d’optimisation de la charge foncière et l’innovation technique et architecturale, avec sa part d’études et d’expérimentation, il s’engage « à ce que l’innovation, et non la charge foncière, soit le premier critère de choix. En laissant les candidats proposer un prix adapté au programme, nous avons vu émerger des projets très différents et le jury a pu sélectionner les meilleurs, dès lors que la charge foncière et le programme semblaient cohérents. Le panel et la qualité des projets déposés prouvent qu’innovation et rentabilité ne sont pas incompatibles. Il s’agit seulement d’un changement de paradigme dans la manière de concevoir les projets urbains ». On peut légitimement s’interroger sur la compatibilité de cette prétention novatrice avec les budgets dont disposent les promoteurs pour conduire ces projets et rémunérer les maîtres d’oeuvre. « Hormis la présence d’un architecte, la composition des équipes était entièrement libre. Certaines équipes retenues n’incluent pas de promoteur, car la Ville souhaitait laisser les candidats s’organiser à leur gré pour inventer de nouvelles formes de partenariat, répond Jean-Louis Missika. Nous avons cependant entendu les craintes des architectes quant à la façon dont serait traité leur travail. Nous avons donc demandé que le même architecte suive le projet de sa conception à sa réalisation. Nous avons aussi demandé aux équipes de nous préciser, lors de la remise de l’offre, les modalités de leur travail commun, afin d’éviter tout abus. Le processus de “Réinventer Paris” a été inventé et adapté en temps réel. Au terme de la compétition, les participants seront sollicités sur leur retour sur expérience, dans l’optique de nouveaux appels à projets. » 



COMMENT CONCILIER LES OBJECTIFS D’OPTIMISATION DE LA CHARGE FONCIÈRE ET LA PART D’ÉTUDES LIÉE À L’INNOVATION TECHNIQUE ET ARCHITECTURALE ? 



À BORDEAUX : FAIRE BOUGER LES LIGNES 

Michèle Laruë-Charlus est directrice générale de l’aménagement de la Ville de Bordeaux. Forte de sa volonté de décloisonner les critères du logement, elle s’attelle à déverrouiller des règles pour inventer des produits inédits où les habitants finiront à leur rythme une partie des travaux (voir son interview sur la politique de terrain du quartier Brazza, d’a n° 235, mai 2015). Au terme d’une réflexion de longue haleine, elle fait bouger les lignes en inventant des dispositifs avec des notaires et des avocats. « On ne peut plus continuer à accumuler les règles et les oukases et il faut cesser de demander aux promoteurs de faire plus grand, plus beau et moins cher, car c’est irréaliste. En 2016, la Ville va acquérir du foncier dans le quartier de Brazza et nous avons convaincu des promoteurs de réaliser des logements neufs à finir avec l’objectif de permis de construire fin 2016. C’est ce que nous appelons les volumes capables (2100 euros/m2 avec 2,5 mètres de hauteur de plafond et 2400 euros/m2 avec 5 mètres de hauteur de plafond. Un 45 m2 avec 5 mètres de plafond se vendra donc 108000 euros pour une capacité finale de 90 m2. Les acquéreurs feront ensuite leurs travaux à leur rythme et selon leur budget. C’est du logement sur mesure. Le volume capable est une liberté – à prix abordable donnée à un acquéreur – d’occuper et de faire évoluer dans le temps un espace intérieur dans une enveloppe construite répondant aux normes réglementaires en vigueur. Nous réfléchissons à la façon de faire évoluer le cadre législatif pour que les promoteurs travaillent en VEFI (vente en état futur d’inachèvement). Le problème sera d’éviter les effets d’aubaine à la revente. Lors d’un congrès d’Infonavit (un fonds national permettant aux ouvriers d’obtenir un crédit d’achat pour leur habitat) au Mexique, Alejandro Aravena tenait à peu près le même discours. Il sera le prochain commissaire de la biennale de Venise sur le thème du logement. C’est un signe et une chance. » À Caudéran, quartier résidentiel de Bordeaux, le PLU limite désormais les hauteurs à 7 mètres. Dans ce qui s’apparente à une vraie ville de 40000 habitants, la question des maisons individuelles dans de grands fonciers incite la Ville de Bordeaux à réfléchir à une opération « construire dans son jardin », qui permettrait, en adaptant le PLU et en l’ajustant à la parcelle, une constructibilité supplémentaire avec un double avantage : lutter contre l’étalement urbain par une densification horizontale donc, mais aussi apporter une réponse aux propriétaires occupants vieillissants soucieux d’améliorer leurs revenus sans quitter leur environnement familier. « Face au vieillissement, bailleurs et promoteurs sont assez démunis. Je pense qu’il faut y travailler avec Saint-Gobain et j’y réfléchis aussi avec Frédérique Monjanel, directrice du développement immobilier d’ADIM », poursuit Michèle Laruë-Charlus. Intéressée par l’appel à idées récemment lancé par la Caisse des Dépôts (voir sur darchitectures.com « Logements : un appel à projets innovants de la Caisse des Dépôts »), elle milite pour les ATEx et prépare le lancement d’un grand concours d’idées sur les lotissements en milieu périurbain. 



À NICE : UNE APPROCHE GLOBALE 

Alain Philip, directeur général des Services techniques de la métropole Nice Côte d’Azur, mène lui aussi des projets d’envergure au sein d’une zone urbaine qui regroupe, entre mer et montagne, et notamment dans la plaine du Var, une palette de communes très contrastées par leur géographie autant que leur contexte économique et social. Il insiste sur le fait que l’expérimentation est à la fois une approche globale et une attitude ouverte : « L’expérimentation et l’innovation ne peuvent pas être coupées de leur contexte. Aujourd’hui, pour l’aménagement des territoires, elles résident autant dans l’ingénierie budgétaire, le mode de gouvernance et l’approche sociale que dans “le technique” et “le réglementaire”. C’est cette approche globale expérimentale qui a permis à la métropole Nice Côte d’Azur et à la Ville de Nice de mener qualitativement leurs projets dans des délais réduits. Cet appel constant à “l’inventivité” et à la flexibilité constitue le fil conducteur d’une politique d’aménagement et de développement qui dégage ainsi des marges d’investissement indispensables, tout en continuant à produire des projets mieux adaptés à l’évolution des problématiques posées. En cela, l’Opération d’intérêt national de la plaine du Var offre un champ d’expérimentation privilégié. Dans le cadre évoqué ci-dessus, il est évident que la Ville et la métropole, en tant que maîtres d’ouvrage, ne s’interdisent pas la possibilité d’avoir recours aux ATEX si besoin est. »  

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