Peut-on innover en apprenant ? Le design/build et l’apprentissage expérientiel - De la conception à la construction : l’architecture comme art de performance

Rédigé par Alberto PÉREZ-GOMEZ
Publié le 08/12/2016

Marché de producteurs de Covington, Virginie. Les étudiants du design/ buildLAB coordonnent l’assemblage du kit d’éléments préfabriqués qu’ils ont conçu

Dossier réalisé par Alberto PÉREZ-GOMEZ
Dossier publié dans le d'A n°250 d'a a traduit le texte de Alberto Pérez-Gomez paru aux États-Unis dans un ouvrage collectif:  Architecture as Performing Art, Marcia Feuerstein et Grey Reads (dirs.), (Farnham, GB et Burlington, Vermont, Ashgate Publishing 2013). Alberto PÉREZ-GOMEZ est professeur et responsable des programmes d'histoire de l'architecture à la McGill University school of architecture de Montréal, il est connu pour être l'un des théoriciens d'une approche spécifiquement phénoménologique de l'architecture.

On peut considérer que l’architecture relève d’un art de performance, en ceci qu’il s’agit d’une opération extrêmement complexe qui fait intervenir de nombreux  participants possédant diverses compétences conceptuelles et manuelles. Cette évidence a d’ailleurs amené certains critiques à remettre en cause le culte actuel de l’ego architectural et à s’interroger sur les dérives de notre système des « starchitectes Â». Des considérations similaires ont également conduit à « disperser Â» l’obligation de résultat liée à un projet, exonérant l’architecte de sa responsabilité déontologique directe – position dangereuse s’il en est1. En tout état de cause, on admet volontiers que l’architecte conçoit ou « fait des dessins Â» (ou, aujourd’hui, des représentations numériques), tandis que d’autres se chargent de la construction proprement dite. Une part de ce postulat veut que le véritable travail de l’architecte, ou son « génie Â» d’auteur, tienne à ces représentations figuratives.

Il est toutefois aisé de démontrer qu’avant le XIXe siècle, les architectes associaient généralement leur travail et leur responsabilité déontologique à une « performance Â», qui prévoyait la « réalisation Â» de bâtiments, de jardins, de structures éphémères, de feux d’artifice, de machines merveilleuses, etc. – autant d’œuvres qui relevaient du domaine de l’architecture, puisqu’elles exprimaient la possibilité d’une orientation culturelle. La construction de ces ouvrages, ainsi que leur entretien sur le long terme, leur « durabilité Â» (la firmitas de Vitruve) étaient du ressort de l’architecte. Leon Battista Alberti fut peut-être le premier, au XVe siècle, à évoquer dans son traité d’architecture l’alternative plus moderne consistant à déléguer cette responsabilité. Un choix qu’il formula plus explicitement encore dans sa célèbre lettre à Matteo de’ Pasti, maître de chantier de la basilique Saint-André de Mantoue, auquel il demandait de ne rien modifier à la « musique Â» présente dans ses plans2. Si ce changement d’attitude nous paraît aujourd’hui évident, il ne s’est pas produit du jour au lendemain. À la même époque, Antonio Averlino, dit Le Filarète, insistait lui aussi sur la responsabilité partagée du client et de l’architecte dans la genèse d’un bâtiment3 : l’architecte était selon lui la mère, qui devait porter le germe conçu par son client « en son sein Â» pendant neuf mois ; il recevait le concept (sous forme d’idées exprimées par des mots ou des chiffres), puis devait leur donner corps par des dessins et des maquettes, pour enfin permettre de transposer ces produits de l’imagination en édifices qui, lorsqu’ils auraient « vu le jour Â», devraient être maintenus en vie et en bonne santé, tout comme des enfants. Chaque étape de ce développement enrichissait l’opération et, si de nombreux autres acteurs intervenaient dans le processus de construction, c’était à l’architecte qu’il incombait en dernier ressort de garantir le résultat et d’ajouter du sens à l’ouvrage à mesure qu’il « mûrissait Â». Son travail était donc une « performance Â» ou « exécution Â» de l’idée originale, dont, plus qu’une simple transcription, il donnait toujours une interprétation, quel que fût le support matériel.

(...)


Lisez la suite de cet article dans : N° 250 - Décembre 2016

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