Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ? - D'A n°258

Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ?

Vidéogramme du film Catenar, réalisé par un suiveur de James Cameron.
La Chute de Babel, tableau de Caspar David Friedrich, en réalité peint par un épigone du faussaire Han van Meegeren.
Usine de désalinisation d’eau de mer projetée par un émule intempérant de Dominique Perrault.

Immergé à la pointe la plus méridionale de la Norvège, posé sur la côte rocheuse, échoué sur un fond sablonneux, le restaurant offre une salle d’une centaine de couverts. Les poissons profitent de la grande fenêtre panoramique de onze mètres par quatre pour contempler, médusés, le spectacle de la faune terrestre et friquée venue se goberger là. Les moules, quant à elles, rendent grâce à ses concepteurs, qui ont habillé la carapace d’un béton grossier pour qu’elles se fixent et se reproduisent. On ne sait encore rien de la carte de l’établissement. Peut-être la cuisine en serat-elle confiée à un disciple du chef René Redzepi. Après avoir fermé son restaurant de Copenhague, sacré meilleur du monde, celui-ci en a ouvert d’éphémères au Japon, en Australie et au Mexique, avant de revenir s’installer dans une ferme danoise. Une seule vérité pour le génie scandinave des fourneaux : le local, tout le local, rien que le local. Alors, dans l’assiette, algues, mollusques, poissons, crustacés et coquillages. Ce qui convergerait avec l’ambition déclarée de Under, prétendant être, entre les services, un centre de biologie marine. Le bar à champagne échappe cependant au dogme locavore. Après tout, il serait possible de céder à l’ivresse des profondeurs, tout en se prenant une petite ligne de coque. Mais enfin, tout cela serait moins coûteux pour les uns, et nettement moins lucratif pour les autres. Et pendant ce temps, des poissons (et des migrants, et des enfants) meurent.

JPR