L’Atoll, centre commercial à Angers

Architecte : Antonio Virga et AAVP Architecture/Vincent Parreira
Rédigé par François LAMARRE
Publié le 04/09/2012

Apparu ce printemps aux abords d’Angers, l’Atoll est un ovni architectural qui renouvelle le genre ingrat du centre commercial de périphérie sous une image globale sophistiquée. Tout est affaire de décor, l’enveloppe dissimulant les structures d’un hangar enroulé autour d’un espace planté à l’aménagement soigné. Un « hangar décoré Â» à la Venturi ?

 

Au pays phare de la grande distribution, l’architecture des centres commerciaux et autres grandes surfaces peine à faire rêver. Autant dire que la relève des grands magasins d’autrefois tarde à se manifester. Quelques réalisations récentes préfigurent un renouveau, surnageant dans un océan de médiocrité. Encore ces dernières se raccrochent-elles à la ville existante ou à des friches industrielles si possible lestées de vieux bâtiments folkloriques. Le patrimoine sauve la mise comme aux Docks du Havre (Reichen et Robert & associés), quand les ouvrages neufs cherchent leur âme dans l’ancrage contextuel, entre aménagement urbain et typologie commerciale : caserne de Bonne à Grenoble (Valode & Pistre), Confluence à Lyon (Jean-Paul Viguier)… En périphérie urbaine, toute ambition disparaît et le bâti se plie à la norme du lotissement commercial et de la boîte en bardage, son corollaire.

 

Un ovni dans le bocage angevin

La surprise n’en est que plus grande à Angers, où la Compagnie de Phalsbourg sort le grand jeu avec l’Atoll, une entité commerciale autonome, implantée en sortie d’agglomération et refermée en boucle sur elle-même. Il s’agit là d’une création ex nihilo campée sur 22 hectares au sein d’une ZAC à vocation économique et commerciale qui en compte 53, dans un environnement encore agricole.

La chose tient de l’ovni et s’appréhende en vision tangentielle depuis la route de Rennes : une volute blanche et nuageuse s’enroule à la croisée des voies et s’illumine la nuit d’une dentelle plus ou moins mordorée. L’apparition est fantomatique, la forme mystérieuse, presque magique. Elle s’apparente à un anneau déformé en patatoïde qui développe 91 000 mètres carrés et recèle une cinquantaine d’enseignes consacrées pour l’essentiel à la maison, avec pour « locomotives Â» deux grandes surfaces : Alinéa (groupe Mulliez) et Castorama. L’initiative en revient à la communauté d’agglomération Angers Loire Métropole, qui a souhaité contrer l’arrivée d’Ikea à Nantes par une offre alternative. Et si l’agglomération angevine compte 400 000 habitants, la zone de chalandise visée est du double, justifiant l’existence de 2 700 places de parking au sein du cercle.

 

Créativité et prise de risque

L’attractivité ne se décrétant pas, l’architecture est appelée en renfort pour conquérir ce large public de clients potentiels. Un anneau pour accéder à l’or périurbain ? Le concours lancé par l’Agglomération en 2007 et remporté par la Compagnie de Phalsbourg consacre le projet inédit de deux jeunes agences associées pour l’occasion, lesquelles s’imposent devant des ténors de la profession enrôlés par des poids lourds du secteur. Prime à la créativité, prise de risque à la clé ! La Compagnie de Phalsbourg, qui déclare « refuser la médiocrité du commerce périurbain Â», joue gros dans l’affaire et avoue s’être fait quelques frayeurs avec le retournement de conjoncture qui a suivi.

Si l’opération a un peu traîné en raison d’une commercialisation plus difficile que prévu, le promoteur-investisseur n’a jamais abdiqué de son ambition architecturale et Philippe Journo, son PDG fondateur, s’est mêlé de tous les choix, y compris de matériaux, se rendant souvent sur le chantier aux côtés des architectes Antonio Virga et Vincent Parreira. Un triumvirat opérationnel, sinon complice.

 

De l’anneau au paquet cadeau

Le surcoût de la qualité architecturale et paysagère recherchée est évalué à 30 % par rapport à une opération ordinaire dans un tel contexte et la coque ajourée qui emballe l’ouvrage représenterait à elle seule une majoration de 20 millions d’euros sur un investissement total de 145 millions d’euros. Mais elle fait tout l’attrait du centre et lui façonne son image, occultant des structures disparates en béton armé pour les commerces courants et en charpente métallique pour les deux grandes surfaces intégrées à l’anneau. Surtout, cette coque qui culmine à 12 mètres de hauteur englobe la voie de livraison des commerces sur son tour extérieur (1,6 kilomètre), dissimulant toute la logistique, source de pollution visuelle. Sur son tour intérieur (1 kilomètre), elle souligne d’un auvent sinueux les vitrines qui composent la promenade, atténuant le galon des enseignes qui court au-dessus. Trois porches entaillent cette ronde pour livrer accès au cÅ“ur de l’anneau où l’aire de stationnement (1 300 places) se fond dans l’aménagement paysager du lieu, et accessoirement au parking souterrain sur deux niveaux (1 400 places). Au total, entre l’intérieur et les abords de l’anneau, les espaces verts représentent 6 hectares plantés de 600 arbres, dont de beaux sujets ornementaux, et de milliers d’arbustes.

Le pôle restauration qui en occupe le centre prend la forme d’un village ordonné autour d’une place orthogonale. Ses maisons, de simples prismes aux angles arrondis sur l’extérieur, sont habillées d’un lattis vertical en pin Douglas, à l’exception toutefois d’une célèbre enseigne américaine qui a imposé ses conditions… Sur le pourtour, de gros galets lisses en composite ciment-verre font contraste, abritant des boutiques spécifiques au contact de la promenade. Tous ces volumes disséminés au cÅ“ur de l’anneau sont établis à une cote de 5,50 mètres qui préserve la lecture des enseignes en périmètre. La séduction de la parure et le raffinement de l’aménagement paysager ont fait le succès de l’Atoll dès son ouverture au printemps dernier, avec plus d’un million de visiteurs, mi-curieux, mi-clients, au cours du premier mois. L’ai-je bien emballé, demande l’opérateur ? Le chiffre d’affaires le dira.

 

Une coque dentelle

D’une géométrie complexe, tout en double courbure, l’enveloppe a exigé de premières études entre divers matériaux, dont la fibre de verre, avant de se concrétiser sous la forme d’une coque en aluminium perforé pour la fiabilité de l’outil industriel. Cet ouvrage spécifique a fait l’objet d’un appel d’offres européen remporté par Tolartois, avec Face Normandie pour la pose. Le tour extérieur est entièrement tramé sur un pas de 2,40 mètres et réalisé avec des cassettes répétitives, cependant cintrées sur des rayons différents. Plus complexe, le tour intérieur comportant un auvent ne compte plus que 50 % de cassettes établies sur cette trame. Quant aux porches coiffés de bandeaux pour la continuité du geste, ils ont exigé la confection de nombreuses pièces de forme unique, spécialement façonnées en Angleterre. L’effet décoratif obtenu par perforation de cette tôle de 3 millimètres d’épaisseur tient à un motif en losange de grande taille à l’extérieur (vue lointaine) et de taille plus petite à l’intérieur (vue rapprochée). Cette perforation est moins affirmée (diamètres réduits) sur les trois premiers mètres de hauteur afin de filtrer les vues. Une peinture blanche thermolaquée et vernie (AkzoNobel) donne à l’enveloppe son aspect nacré et légèrement réfléchissant. Un rétroéclairage modulable en intensité et nuance révèle le motif perforé en vision nocturne, transformant la coque en dentelle. Courbe et galbée, cette enveloppe se retourne à l’horizontale en toiture, dégageant les surfaces planes requises par les contraintes de sécurité et l’équipement photovoltaïque prévu à l’origine (30 000 mètres carrés ! ) mais différé pour des raisons contractuelles, afin d’améliorer le bilan énergétique, conformément aux certifications environnementales escomptées.



Maîtres d'ouvrages : Compagnie de Phalsbourg

Maîtres d'oeuvres associés : Antonio Virga architecte et AAVP Architecture/Vincent Parreira – BET : TCE et OPC, Girec Ingénierie ; AMO HQE, Elan – Concepteur lumière : Les Éclaireurs – Paysagiste : atelier Paul Arène
Entreprises en 23 lots séparés dont : VRD, Durand TP ; gros Å“uvre, Cardinal ; charpente métallique, PL Maitre ; enveloppe aluminium, Tolartois + Face Normandie
Surfaces : surface Shon, 91 000 m2 ; surface de vente, 71 000 m2 ; parking, 2 700 places
Cout :  145 millions d'euros HT
Date de livraison : concours, 2008 ; permis de construire, 2009 ; début des travaux, mars 2010 ; livraison, avril 2012


Lisez la suite de cet article dans : N° 211 - Septembre 2012

Lumière tamisée et jeux d'ombre sous les porches<br/> Crédit photo : BOEGLY Luc Le centre commercial Atoll, Angers<br/> Crédit photo : BOEGLY Luc Le centre commercial Atoll, Angers<br/> Crédit photo : BOEGLY Luc Porche d'accès du public au coeur de l'Atoll<br/> Crédit photo : BOEGLY Luc Le centre commercial Atoll, Angers<br/> Crédit photo : BOEGLY Luc plan de situation rdc filaire coupe filaire coupe ouest Détail façade

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