À la sempiternelle commande d’un « équipement culturel emblématique », l’Atelier Fernandez & Serres, fidèle à ses habitudes, répond par un bâtiment qui s’impose naturellement, sans céder à l’ostentation. Par sa matérialité et sa volumétrie, le centre culturel de Vertou, en Loire-Atlantique, s’ancre avec force sur un territoire avec lequel il établit de subtils liens.

Depuis la création de leur atelier en 2001, Stéphane Fernandez et Ivry Serres ne dérogent pas à leurs règles, défendant au fil de projets toujours impeccablement pensés et réalisés une architecture privilégiant le ressenti à la démonstration : révéler l’invisible, assumer une certaine idée de la matérialité, s’affirmer sans bavardage inutile. À Vertou, une commune au sud-est de Nantes, il fallait tout leur savoir-faire pour se départir des écueils d’une commande éculée, de celles qui peuvent conduire au pire : un « bâtiment culturel emblématique » qui devait endosser le rôle de « marqueur urbain » pour la ville. Fort heureusement, Vertou a frappé à la bonne porte en se tournant vers l’atelier aixois. 

Lauréat du concours en 2011, l’Atelier Fernandez & Serres fut repéré par l’actuel maire de Vertou, Rodolphe Amailland, pour la crèche de la Duranne1, un bâtiment jaune canari réalisé à Aix-en-Provence au milieu des genêts. Mais la banlieue nantaise n’a que peu à voir avec les traditions provençales. Le nouveau centre culturel de Vertou s’installe à l’angle de deux rues, dans une banale zone pavillonnaire au cœur de la ville. Le programme s’inscrit dans la politique culturelle de Nantes Métropole, qu’il vient compléter en offrant sur quelque 1800 m2 un lieu de répétition et d’expéri- mentation. 

UNE STRATÉGIE : LA « RÉSONANCE » 

Le soutien inconditionnel de la municipa- lité, un PLU permissif, un ABF ouvert, un budget absolument incompressible, le tout dans une métropole dont on sait la bienveillance à l’égard de l’architecture contemporaine, telles sont les conditions d’éclosion de cette opération. Soucieux de s’inscrire dans l’histoire de la ville, les architectes ont misé sur la matérialité et sur une toiture expressive pour capturer l’environnement et en offrir une lecture nouvelle. À la sacro-sainte notion d’intégration, ils préfèrent celle de « résonance », plus propice selon eux à définir la stratégie déployée pour bâtir ce centre culturel. 

Ils se sont ainsi entichés de l’église existante en tuffeau, envisagée comme un point d’ancrage. « L’idée était de tenir le centre-bourg entre ces deux équipements cultuel et culturel », explique Stéphane Fernandez. Le dialogue est également établi à une autre échelle, celle du grand paysage, toujours présente dans la production de l’atelier. « Le bâtiment est un prisme qui fait le lien entre l’histoire de Vertou et son paysage, un lieu qui fédère toutes les énergies en place. » Dans le hall, une grande fenêtre ouvre sur le paysage vertavien. Ailleurs, les vues sont pensées avec attention. À cette relation physique s’ajoute la matérialité de la pierre qui tutoie celle de l’église. Au tuffeau, mécaniquement faible, se substituent des contre-murs de 8 cm d’épaisseur en travertin italien qui enveloppent le centre culturel et lui donnent sa force expressive. Sur deux niveaux, dont un en sous-sol, le programme s’organise sur un plan en équerre autour du parvis extérieur qui cristallise la relation visuelle avec l’église et affirme la notion de seuil à l’entrée de la ville. « Quand nous concevons un bâtiment public, nous élargissons systématiquement notre champ d’action à l’espace public. Le bâtiment ne s’arrête pas à la façade, mais avec l’espace public », note Stéphane Fernandez. Dédié à la pratique associative et au spectacle vivant, ce centre regroupe des studios de danse, théâtre et musique, une salle polyvalente et un plateau pédagogique équipé pour recréer les conditions réelles de représentation. L’ensemble est régi par des espaces de circulation généreusement dimensionnés afin de faciliter le croisement des différentes disciplines. 

JEU DE TOITURES 

Pour définir la volumétrie de leur bâtiment, les architectes ont simplement levé la tête et constaté qu’à Vertou les toitures n’obéissaient à aucune orientation privilégiée. « Cette spécificité s’est imposée comme une source de projet. Construire, c’est trans- former la réalité. Ce jeu de toitures exprime notre vision de Vertou, notre regard sur la ville en fonction de notre sensibilité. » Ainsi, malgré l’hypothèse première d’une toiture plate, celle-ci s’est rapidement envolée au gré des nombreuses maquettes d’études jusqu’à trouver sa forme finale. « C’est une façon, non pas de s’intégrer en termes d’échelle, mais d’établir des correspondances avec ce qui se passe autour. » Ainsi, le bâtiment va chercher les grandes lignes du paysage, crée des relations fines avec son environnement, tisse des tensions, contribuant ainsi à renforcer sa présence sans avoir à trop en faire. Structurellement, le bâtiment repose sur des murs porteurs périphériques et des planchers béton, avec une isolation par l’extérieur. À Vertou comme dans toutes les réalisations de Fernandez & Serres, une grande attention est portée au détail. C’est le calepinage soigné de la pierre, le travail délicat du soubassement, l’élégante couvertine en béton en trois dimensions. Autre marotte de l’atelier, la dissimulation de la technique. La toiture se compose d’une superstructure métallique recouverte de plaques de béton fibré de 15 mm, calepinées et fixées sur cette charpente. L’espace vide libéré sous l’ossature concentre la tripaille du bâtiment sans aucun élément apparent. Ainsi, cette cinquième façade, élément identitaire du projet architectural, se fait également utile, témoignant de la propension du tandem aixois à ne rien laisser au hasard.

Maître d’ouvrage : Mairie de Vertou

Maître d’œuvre : Atelier Fernandez & Serres

BET, économiste et OPC : TPF-i ingénierie

Façades pierre : Sportiello Bâtiment

Coût travaux : 5 205 000 euros HT

Surface planchers : 1 801 m²

Calendrier : concours, avril 2011 ; chantier, septembre 2012 à juillet 2014

Lisez la suite de cet article dans : N° 234 - Avril 2015