Grouillot, gratteur, nègre : mais qui sont ces architectes affublés de qualificatifs aussi terribles ? Les architectes salariés s’étant désignés eux-mêmes ainsi, on espère qu’il y a plus d’autodérision que de mépris dans ces épithètes. Ils témoignent de l’évolution d’un système apparu il y a deux siècles à peine, celui d’une forme d’exercice professionnel de l’architecture appelé « libéral ». Autrefois étape intermédiaire vers l’acquisition du statut d’architecte, le salariat est aujourd’hui devenu une profession en soi, vécu souvent comme un échec ou une impasse au regard de l’image idéalisée de l’architecte. Ces questions font l’objet de notre dossier d’octobre.Sans que cela n’ait jamais été formulé clairement, dans la plupart des débats qu’a fait naître la réforme de l’enseignement de l’architecture, le statut des architectes salariés s’y dessine toujours en creux. Pour pouvoir porter le titre d’architecte, il faudra désormais, après l’obtention d’une « licence d’exercice », avoir acquis l’expérience technique et réglementaire que ne peuvent pas dispenser les écoles. À défaut de quoi, on ne pourra jamais revendiquer la maîtrise d’œuvre d’un bâtiment. On pourra néanmoins travailler comme salarié en agence, dans des entreprises ou des organismes publics. Or c’est paradoxalement dans cette fonction que le salarié doit assumer toutes les tâches techniques et réglementaires, de la conception au chantier, en passant par les contentieux. Le système semble se mordre la queue et l’on comprend alors que la difficulté à réformer l’enseignement portera toujours sur la question de la redéfinition du statut d’architecte. C’est pourquoi, à l’heure de la co-existence de petits ateliers traditionnels et de la constitution de grandes agences sur le modèle des entreprises, au sein d’une société qui n’a que faire de l’architecture, peut-être faut-il engager une réflexion en profondeur sur l’exercice même de l’architecture, au risque de faire exploser le cadre obsolète dont nous avons hérité.
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