À côté de la machine à broyer l’imagination par laquelle passe aujourd’hui la conception de logements, la maison de vacances peut encore être un refuge pour une pensée plus libre et ouve rte à des expériences inédites. Au-delà des nombreuses contraintes réglementaires, l’ architecture du lieu de résidence principal (pour reprendre la terminologie de l’administration fiscale) se réduit souvent à l’expression du plus petit dénominateur commun : fonctionnalités précises, organisation communautaire négociée. L’habitat est alors la somme des compromis que chacun concède au bénéfice de la paix des ménages. Par leur nature même, les vacances permettent d’échapper à cette trivialité. Le temps n’y impose plus les rythmes habituels, le cercle familial s’élargit, se décompose et s’ouvre aux amis de passage. L’été prolonge l’intimité domestique en s’ appropriant les espaces extérieurs, et autorise des constructions plus légères, des techniques alternatives. De contrainte subie, l’ étroitesse des budgets peut devenir un jeu qui stimule l’imagination. L’ éphémère, le bouleversement des habitudes deviennent un prétexte pour expérimenter de nouvelles pratiques spatiales. Ce qui est insupportable au quotidien devient un jeu ou une extravagance que l’on affiche non sans orgueil. Ce marché, où l’architecture emprunte des voies marginales, n’est qu’un grain de sable sur les plages envahies depuis cinquante ans par un exotisme de pacotille où les références vernaculaires sont réduites à de navrantes parodies, produits ciblés qui distillent leur vulgarité et ravagent les paysages au nom du «bonheur au soleil». Pour notre édition de l’été, c’est donc malheureusement plutôt hors de nos frontières que nous avons trouvé des maisons aux architectures exemplaires. Conçues en dévotion au paysage, elles n’en expriment pas moins leur singularité, dans un dialogue vif et complexe avec leur environnement qui ne cède pas à la facilité d’ un mimétisme littéral.
Emmanuel Caille