Pour une lanterne
Lorsque l’État lança, il y a quarante ans, le concours du Centre Georges Pompidou, il espérait simplement obtenir la meilleure réponse possible au programme novateur et complexe qu’il avait établi. Le génie de Rogers et Piano fut d’inventer une architecture à partir de ce programme, jusqu’à en être l’expression exacerbée. Dans le même temps, ils induisirent de nouveaux usages à travers le dispositif généré par leur propre écriture architecturale. Déroutante, l’esthétique de « Beaubourg » fut violemment décriée mais, inversement proportionnel à cet opprobre fut le succès de sa fréquentation. Paradoxalement, c’est d’ailleurs aujourd’hui davantage le monument que l’on visite que ses collections exceptionnelles.
En 2003, lorsque fut lancée l’heureuse initiative d’une « antenne décentralisée » du Centre Pompidou à Metz, la tentation fut grande de vouloir rééditer l’événement de 1977, d’autant qu’entre-temps, le fameux « effet Bilbao » avait aiguisé les ambitions. Déjà investi de cet imposant cahier des charges – se poser comme un nouveau jalon de l’histoire de l’architecture –, le projet fut implicitement alourdi d’autres missions : attirer les investisseurs sur la ZAC encore vide de l’Amphithéâtre. Ne pas faire provincial. Éviter le clinquant tout en étant suffisamment prestigieux pour attirer sur Metz tous les médias du monde. Aujourd’hui, c’est tout ce fardeau d’attentes et de contradictions que semble porter le nouveau bâtiment.
Très belle, la résille de lamellé-collé est certes impressionnante. D’un point de vue symbolique, elle semble remplir parfaitement son rôle en renvoyant une image de simplicité (un chapeau de paille chinois), de légèreté (c’est une résille) et d’écologie (c’est du bois). Mais le hiatus assumé entre l’enveloppe et ce qu’elle abrite, surexprimé par le simulacre de percement des salles émergeant à travers la maille, lui donne des airs de maquette agrandie et produit des espaces intermédiaires aussi médiocres qu’inutilisables. Structurellement aberrante, et donc d’un coût exorbitant, elle finit presque par nous faire littéralement prendre la vessie pour une lanterne. Contrairement à Beaubourg, l’espace se soumet ici à l’architecture, comme l’architecture se soumet au spectacle qu’on la somme de mettre en scène. Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé : il applaudit.
Emmanuel Caille