Denis Dessus à propos de la loi ELAN

Rédigé par Marguerite PIERRE
Publié le 19/01/2018

Denis Dessus, Président du Conseil National de l'Ordre des Architectes

L’Ordre national des architectes a manifesté dans la presse son inquiétude quant à l’avant-projet de loi Evolution du logement et Aménagement Numérique (ELAN). Nous avons demandé à son nouveau président, Denis Dessus, de nous préciser les points qui lui semblaient les plus menaçants (mais aussi les plus prometteurs) pour l’architecture.

Le projet de loi ELAN, une vraie réponse à la question du logement ?

 

L’avant-projet de loi Evolution du Logement et Aménagement Numérique (ELAN) brasse large. La conférence de consensus organisée au Sénat a d’ailleurs réparti les sujets abordés en 5 ateliers thématiques : accélération de la construction et la simplification des normes de construction et d’urbanisme, la réforme du secteur du logement social, le parc privé, la revitalisation des villes moyennes et les enjeux liés à la cohésion des territoires.

Nous sommes bien sûr intéressés par une démarche qui réunit tous les acteurs, ce qui permet d’appréhender les différentes problématiques. Certaines mesures reprennent nos propositions comme l’élargissement des opérations d’intérêt national (OIN) à l’échelon territorial (GOU). La volonté de simplifier ainsi les procédures d’urbanisme va dans le bon sens, ainsi que le raccourcissement des délais d’instruction ou la lutte contre les recours abusifs ; c’est le cas aussi de la dématérialisation de l’instruction des permis de construire quoique je comprenne mal le peu d’ambition d’un projet de loi qui ne l’impose qu’en 2022 aux grandes communes et oublie les EPCI et les permis Préfet alors que dès 2018, la dématérialisation des marchés publics est obligatoire.

De même, la possibilité laissée aux maîtres d’ouvrage d’innover dans les grandes opérations d’urbanisme (GOU) est intéressante mais seulement si ces montages sont qualitatifs, avec des objectifs architecturaux, urbains, environnementaux. Cela nécessite la mise en œuvre des moyens pour l’obtenir, comme une programmation forte et des concours d’architecture et d’urbanisme, pour l’émergence de véritables projets urbains.  

Il est intéressant que le projet se préoccupe de la revitalisation des centres villes, revitalisation qui ne relève pas que d’une loi logement, et qu’il sera donc difficile de résoudre de façon législative.

Mais bien d’autres points du projet m’inquiètent. La production du logement dépend de multiples facteurs économiques, sociétaux, culturels, et peut se bloquer rapidement si l’on ne prend pas le temps d’appréhender tous les effets des modifications engendrées par la loi. Que va-t-il ressortir de cette concertation menée tambour battant ? Où sont dans ce projet, les leviers permettant de construire mieux et moins cher, et de répondre aux besoins des centaines de milliers de mal logés ? Les volets environnementaux et culturels sont absents, le patrimoine n’est évoqué que pour limiter le rôle des ABF.

Plus grave encore, le gouvernement entend, notamment pour ce qui concerne la réforme du logement social, procéder par ordonnances, en niant de fait l’apport  du débat parlementaire.

 

L’USH a annoncé, pendant les débats au Sénat, qu’elle souhaite sortir des contraintes de la loi MOP et s’affranchir de la démarche qualité qu’elle impose.

Nous soutenons le secteur du logement social, nous soutenons ses organismes dans une période où leur action est fragilisée, mais qui se doivent de rester exemplaires en recourant, au-dessus des seuils, au concours qui seul permet le débat et l’obtention de choix architecturaux et techniques pertinents.

Le concours limite les recours et contentieux, en obtenant l’accord de la collectivité, et des différents acteurs associatifs, sur le projet, en les associant au sein du jury, et en gagnant ainsi du temps sur le déroulé de l’opération.

 

La problématique des VEFA doit être abordée, car le recours systématique à ce système d’achat de logements sur le marché de la promotion est en train de générer de multiples effets pervers, surcoûts, urbanisme et logements sans intérêt.  Il doit donc être recadré et sécurisé car la pratique actuelle ne respecte plus les règles et définitions de l’achat public en VEFA.

Les personnes les plus pauvres sont logées dans le secteur privé dégradé. Résoudre ce problème nécessite une politique de la rénovation du bâti, qui fait d’ailleurs l’objet d’un plan gouvernemental qui ne contient pas pour l’instant les propositions capables de massifier la rénovation.

Si la loi ne donne pas encore les leviers pour résoudre le mal logement, inadmissible dans un pays comme le notre, il est encore temps d’améliorer le texte.

Il faut conforter les acquis de la loi SRU, élargir l’accès au logement social, répondre aux besoins sur tout le territoire et non seulement en zone non tendue, réfléchir le logement en cohérence avec son environnement, services publics de proximité, transports, activité économique…

Il faut également ce qu’une loi ne peut imposer, l’implication de tous les acteurs de terrain, l’émergence de « projets de ville », utilisant intelligemment le foncier public et les outils de gestion urbaine.

Pour nous architectes, il est essentiel de peser les conséquences des évolutions proposées. Agir dans la précipitation en se libérant de toute contrainte n’est jamais bon, ni pour le territoire, ni pour les citoyens. Répondre vite à des besoins immédiats est toujours une erreur, la ville est complexe, elle évolue, se transforme. On a pu largement le voir ces 50 dernières années avec la politique des modèles, qui réapparait d’ailleurs dans le projet de loi, ou l’étalement urbain.

Nous devons aux générations futures, de réfléchir avant de produire, et de mettre en place des procédures exemplaires pour construire la ville de demain, au bénéfice de tous.

 

Denis DESSUS

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