Entretien avec Maxime Puissant, expert-comptable : « La taille de l’agence n’est pas un critère différenciant entre acquisition et location contrairement à son stade de croissance »

Rédigé par Maryse QUINTON
Publié le 04/05/2020

Dossier réalisé par Maryse QUINTON
Dossier publié dans le d'A n°280

Louer, acheter, partager ? Quel statut pour les locaux correspond le mieux à chaque équipe d’architectes, suivant son évolution, sa taille ou ses activités ? Expert-comptable inscrit au Conseil régional Paris ÃŽle-de-France, Maxime Puissant (Optimal Expert) connaît bien le métier d’architecte. Il intervient régulièrement lors des matinées d’information sur l’inscription organisées à Paris par l’Ordre des architectes d’Île-de-France. Nous l’avons interrogé sur la question des locaux professionnels.

D’a : Nombreux sont les architectes qui investissent dans leurs locaux de travail. Est-il préférable de louer ou d’acheter ?

Les locaux professionnels revêtent un aspect particulier pour bon nombre d’entreprises. Si on imagine bien l’intérêt évident de l’emplacement dans le cas d’un local commercial, l’agence d’architecture est en général un endroit où se côtoient technicité, informatique, inspiration et création. De par ses affinités avec la pierre, l’architecte va soigner cet espace privilégié qui servira souvent de vitrine de son savoir-faire. La question d’acheter ou de louer des locaux se pose pour tout entrepreneur et particulièrement pour l’architecte. La réponse dépend de la taille de l’agence, de ses capacités financières ainsi que de sa croissance. Chaque solution a ses avantages et ses contraintes. Les paramètres de décision sont nombreux en matière d’immobilier de bureaux.

 

D’a : Quels sont les avantages et les inconvénients de chaque solution ?

En achetant des locaux, l’agence se constitue un patrimoine immobilier. Elle a une vision à long terme de ses dépenses immobilières d’après le plan de remboursement du prêt et affiche une plus grande image de stabilité par un ancrage géographique certain. Néanmoins, suivant le secteur géographique, le patrimoine immobilier peut prendre de la valeur ou bien se déprécier. Par ailleurs, l’agence souhaitant acquérir ses locaux doit avoir la capacité d’investissement justifiant une situation financière saine et des réserves suffisantes souvent accumulées sur plusieurs années. Il ne faut pas non plus négliger que la trésorerie mobilisée pour l’acquisition de locaux réduira les investissements productifs tels que les logiciels ou le matériel informatique.

En louant des locaux, l’agence répond au besoin d’agilité en conservant la liberté de pouvoir sélectionner, à chaque étape de vie, des lieux adaptés sans avoir à gérer l’acquisition puis la revente d’un bien immobilier. Sur l’aspect financier, la location permet de conserver une pleine capacité d’investissement pour développer l’activité de l’agence. Cependant, en louant les locaux, le coût global à long terme est incertain car les loyers dans le cadre d’un bail commercial peuvent être réindexés chaque année, modifiés par révision triennale et entre deux baux successifs. Il faut également tenir compte de l’investissement initial en termes d’agencement intérieur lors de l’entrée dans les locaux, a fortiori lorsque la taille de l’agence évolue rapidement et nécessite de changer de locaux régulièrement. D’autres possibilités, plus souples, comme les espaces de coworking permettent désormais de répondre aux besoins d’adaptabilité sans pour autant être totalement en phase avec le fonctionnement d’une agence.

 

D’a : Qui doit les acheter ? Quelles sont les différentes possibilités ?

Dans le cas où l’acquisition de locaux est préférée selon des attentes évoquées ci-avant, les modalités de l’opération peuvent être différentes quant à l’investisseur.

Si l’acquisition des locaux est réalisée par l’agence, elle augmente sa valeur d’ensemble en intégrant un bien immobilier à son actif. Néanmoins, cette solution n’est généralement pas retenue dans une volonté de séparer l’exploitation du patrimoine immobilier. Cette étanchéité permet notamment de ne pas voir le patrimoine immobilier utilisé pour éponger d’éventuelles difficultés financières liées à l’exploitation. Par ailleurs, augmenter la valeur hétérogène de l’agence composée d’immobilier et d’exploitation peut être un frein à sa transmission.

Si l’opération est réalisée en direct par le dirigeant architecte, celui-ci se constitue ainsi progressivement un patrimoine personnel en louant les locaux à l’agence. À l’issue de sa période d’activité, il pourra continuer à percevoir des loyers en complément de sa pension de retraite. Bien évidemment, cela nécessite en amont de disposer des capacités financières personnelles nécessaires à l’acquisition.

Le dirigeant peut également décider d’acquérir les locaux via une société civile immobilière (SCI) faisant l’acquisition des lieux pour les louer à l’agence. La SCI pourra alors être détenue par l’architecte dirigeant l’agence et éventuellement par des membres de sa famille, ouvrant la voie aux stratégies de successions.

 

D’a : Quelles sont les conséquences de l’achat en termes de fiscalité ?

Les incidences fiscales ne sont pas identiques selon le mode d’acquisition. L’achat de locaux neufs ou anciens engendre des écarts financiers au regard des droits de mutation : le régime de la TVA immobilière pour les locaux neufs ou les droits d’enregistrement pour les locaux anciens. Fiscalement, les intérêts d’emprunt dans le cas d’une acquisition sont déductibles des charges, tout comme les loyers. La création d’une SCI, quant à elle, facilite la succession tant sur les droits fiscaux que sur des problématiques d’indivisions. Le dirigeant pourra choisir sur option de soumettre la SCI à l’impôt sur les sociétés plutôt qu’à l’impôt sur le revenu. Ce choix emportera un allégement annuel de la fiscalité personnelle du dirigeant au détriment d’une fiscalité renforcée en cas de cession du bien immobilier.

 

D’a : Quels conseils donneriez-vous à un architecte qui démarre ? à une agence confirmée ? à une agence importante ? à une petite agence ?

Je ne conseillerais pas à une agence ou un architecte de s’orienter vers l’acquisition des locaux dès son lancement car ses capacités financières doivent être dirigées vers des investissements productifs visant sa croissance d’activité. La location de locaux répondrait également mieux à ses besoins d’adaptabilité de l’espace de travail. Pour une agence ayant atteint une certaine maturité, bénéficiant de capacités financières et d’une croissance limitée, l’acquisition de locaux appuierait l’image de stabilité tandis qu’elle permettrait au dirigeant de se constituer un patrimoine.

La taille de l’agence n’est pas, pour ma part, un critère différenciant entre acquisition et location contrairement au stade de croissance de l’agence. Néanmoins, les capacités financières plus réduites d’une petite agence l’orienteront plus naturellement vers la location.

 

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