Extention-reconstruction de l'hôpital Rotschild Paris XIIe

Architecte : Bruno Gaudin Architectes
Rédigé par Emmanuel CAILLE
Publié le 05/01/2010

Nouvelle donne à l’hôpital Rothschild, où l’augmentation du nombre de lits, la substitution d’édifices obsolètes, la refonte du plan de masse et le déplacement du centre de gravité de l’ensemble bâti participent d’une nouvelle manière d’inscrire ce type de programme en ville. 

 

Due à la générosité de la célèbre famille de banquiers, la création de l’hôpital Rothschild remonte au début du XXe siècle. Il occupe la portion sud d’un vaste îlot au voisinage de la place de la Nation, délimité à l’est par le boulevard Picpus, au sud par la rue Santerre, à l’ouest par la rue Picpus. La trame d’origine est l’œuvre de Lucien Bechmann, connu notamment pour ses réalisations à la Cité universitaire. De brique et de pierre, l’hôpital présente à cette époque un plan qui s’inscrit dans la lignée du modèle pavillonnaire hérité de la révolution pasteurienne du XIXe siècle : treize pavillons indépendants reliés par des galeries extérieures. 

Une première campagne de transformations a lieu en 1929 et 1930 sous la responsabilité du même Bechmann, mais l’intervention la plus remarquable remonte aux années 1968-1971. C’est à cette époque que Reidberger et Chevalley donnent à l’hôpital une nouvelle façade sur le boulevard Picpus, en construisant le bâtiment dense à l’épannelage savant que caractérisent ses capotages d’aluminium. Des opérations de substitution ont lieu ensuite, moins heureuses : l’absence de schéma directeur et des actions menées au coup par coup entraînent une désorganisation progressive de la logique de l’ensemble. L’hôpital Rothschild ne répond plus aux fonctionnalités d’un établissement moderne et ferme ses portes à la fin des années 1990. 

Retenu de justesse, le principe d’une reconfiguration du site fait l’objet d’un concours sur « étude de définition », lancé en 2004 et remporté par l’atelier Bruno Gaudin. La réhabilitation de l’hôpital était conditionnée par l’habileté dont ferait preuve la maîtrise d’œuvre à envisager la réorganisation de l’ensemble des services et les modalités d’insertion sur le site d’un nouveau programme. 

À l’origine du parti retenu et défendu avec pugnacité, une réflexion de fond sur la nature du rapport qu’une telle infrastructure peut entretenir avec son environnement. Le contexte géographique et urbain de l’hôpital Rothschild offrait les conditions d’une démonstration d’un désenclavement de ce type de programme, traditionnellement victime d’introversion et le plus souvent rejeté en périphérie des villes. Oser la confrontation matérielle entre l’hôpital, l’architecture domestique ambiante, voire la vie de quartier, était un souhait marqué au coin d’un enjeu éthique sur la place du malade, et même de la mort, parmi les bien portants. Le vis-à-vis pratiqué rue Santerre entre les chambres des patients et les logements riverains est la matérialisation tangible de cette ambition, qui n’est pas allée sans s’attirer quelques critiques. L’atelier Bruno Gaudin a conçu une révision drastique du plan de masse, de même que le retournement de la distribution de la par- celle par une translation des accès et de l’adresse de l’hôpital. On n’entre plus à l’est du terrain par le boulevard Picpus mais de l’autre côté, à l’ouest, par la rue Santerre, au voisinage du carrefour avec la rue Picpus. L’hypothèse du maintien de ce qui subsistait des pavillons de Bechmann s’est accompagnée de la destruction de près de la moitié des bâtiments construits depuis, qui occupaient l’ouest de la parcelle et ne méritaient pas d’être conservés. La périphérie du terrain et les vis-à-vis sur les trois voies, les prospects, les héberges, les vues sur les parcelles voisines et le maintien d’une rue verte interne à la parcelle – un espace vert intérieur à protéger (EVIP) – ont suggéré la constitution d’un plan de masse d’une grande clarté. Il s’agit de deux volumes bâtis distincts et compacts, éclairés par des patios. De la justesse du dimensionnement et de la géométrie de ces deux solides imposants résulte la qualité des lieux et des relations qu’ils instaurent, en plan comme en coupe. 

La mise en valeur de la rue verte, la déférence vis-à-vis des pavillons conservés, le parti tiré des vues frontales, mais aussi diagonales, sur les espaces verts limitrophes agrémentent les conditions d’existence des patients et des personnels soignants. L’épannelage et le fractionnement du bâtiment qui longe la rue Santerre assurent son insertion dans le linéaire de la rue. Le retrait d’alignement en sifflet concourt à la constitution d’une placette en trapèze à l’angle de la rue Picpus, où l’hôpital affiche désormais son hall d’entrée. Cette rétrocession de terrain qui profite à la Ville, et où un arbre vient de prendre place, renvoie à des superpositions d’usages souvent révolues, inspirées de la richesse des tissus urbains d’antan. 

La distribution intérieure des deux bâtiments principaux est fondée sur la variété des expositions, la hiérarchisation des espaces de vie et les capacités d’appropriation de ces derniers par des usagers momentanément affaiblis et vulnérables. De ce point de vue, l’organisation des patios et des circulations joue un rôle important dans l’agrément de tous les déplacements à l’intérieur de l’édifice. En dépit des linéaires à distribuer, tout effet de monotonie et de répétition est banni des distributions horizontales. 

Reprenant le thème de la chartreuse cher aux Modernes, l’atelier Bruno Gaudin adapte avecau contexte de la distribution de très nombreuses chambres. La juxtaposition de plusieurs patios dans chaque bâtiment se prête à la création d’événements permettant de circonstancier la déambulation de tous les usagers. Pincés dans une pénombre relative et soumis à des baïonnettes qui en interrompent la rigueur, les corridors se métamorphosent en de lumineuses galeries lorsqu’ils tangentent les patios. Les salons d’étage, d’abord conçus comme des élargissements de ces distributions, ont finalement reçu des partitions vitrées. Le gain qui en résulte en termes de valeur d’usage n’altère pas la dilatation qui résulte de leur implantation. Chaque fond de perspective s’anime d’une vue soigneusement cadrée sur le contexte urbain ou paysager du cœur d’îlot. Quelques mètres carrés détournés 

de la surface utile des plateaux permettent d’y pratiquer des loges d’observation susceptibles d’abriter quelques moments de convivialité. Les chambres ont fait l’objet d’une réflexion approfondie. La générosité de la surface vitrée – ouvrants, dormants et allèges également vitrées occupent toute la largeur de la chambre – évoque des pratiques et des époques aujourd’hui révolues dans l’architecture hospitalière. Ces baies sont équipées de monumentaux volets extérieurs à deux vantaux verticaux escamotables, dont le dessin hardi constitue une voilure qui caractérise très fortement les extérieurs du bâtiment. 

La fluidité obtenue entre le lieu du lit et celui de la toilette a entraîné un quasi-décloisonnement de la salle de bains, séparée de la chambre par une paroi coulissante que l’on peut maintenir continuellement ouverte. Au-dessus du lavabo, une grande vitre qui règne avec le miroir apporte de la lumière naturelle à cette pièce et permet au patient d’y embrasser tout le volume de ce qui s’apparente à un studio, voire d’y faire entrer un peu de vue sur les extérieurs. 

Par sa typologie, sa construction et son expression architecturale affirmée, l’extension réalisée se distingue avec franchise des constructions qu’elle complète. Le panachage des matériaux utilisés en parement – brique et aluminium – instaure de manière visible une connivence entre les parties, qui trouve un prolongement dans l’efficacité des moyens mis en œuvre pour assurer une harmonieuse et complète refonte de la parcelle. 

Pour savantes que soient ses modalités d’accroche avec l’existant, l’hôpital Rothschild présente désormais une hétérogénéité assumée, gage de sa capacité à se prêter à des transformations futures. Dans un avenir que l’on espère prochain, les surfaces en déshérence du fier bâtiment des années 1970 donnant sur le boulevard Picpus devraient être réaffectées à cet ensemble rajeuni. De cette ambition dépendra la vocation de l’hôpital Rothschild à constituer l’un des pôles de la carte hospitalière de l’Est parisien.



Maîtres d'ouvrages : Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) 

Maîtres d'oeuvres : Atelier Bruno Gaudin 

Entreprises : BET : cotraitant, Iosis bâtiments ; éclairagiste, l’Observatoire ; conseiller en sécurité, PCA ; acousticien, ACV

Surface SHON : 34 500 m2 

Coût : 60 millions d’euros HT 

Date de livraison : 2010

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