Ex Africa semper Aliquid Novi
Je n’ai pas été particulièrement surpris
lorsque le prix Pritzker d’architecture a
annoncé son dernier lauréat. Après tout,
le prétendu prix Nobel de l’architecture
a l’habitude d’alterner entre les chouchous des médias de renommée mondiale,
comme Philip Johnson ou Rem Koolhaas,
et des personnages plus régionaux, comme
Glenn Murcutt ou Sverre Fehn. Les candidats africains qui pourraient avoir
mérité le prix au cours de ses quarantetrois ans d’existence n’ont pas manqué.
L’influence de l’architecte égyptien Hassan
Fathy (1900-1989) sur les démarches alternatives contemporaines n’a pas encore été
pleinement reconnue, et David Adjaye
a été finaliste à plusieurs reprises. Après
la Grande Récession de 2008, le monde
architectural s’est efforcé de racheter ses
excès. On pourrait interpréter l’exposition d’Andres Lepik au MoMA en 2010,
« Small Scale, Big Change : New Architectures of Social Engagement », qui mettait
l’accent sur les projets destinés aux communautés défavorisées, comme une tentative de rédemption. Il est fort probable
que les futurs jurys Pritzker choisissent des
candidats parmi ceux qui ont participé Ã
cette exposition. Sur les douze architectes
présentés dans l’exposition, trois ont déjÃ
été sélectionnés, dont le lauréat de cette
année, Diébédo Francis Kéré.
lE rEgArd tourné vErs lE sud
Ce n’est pas la première fois que des architectes occidentaux tournent leur regard
vers l’Afrique en temps de crise. Le critique britannique Reyner Banham (1922-
1988), par exemple, estimait que les architectes ignoraient le progrès technologique
effréné de son époque. En guise de provocation, son livre The Architecture of the WellTempered Environment (1969) imaginait une
gestion de l’environnement remplaçant
le besoin humain d’abri et s’inspirait des
constructions africaines. Pour un public
habitué aux images de l’exposition « The
Family of Man » (1955) d’Edward Steichen
et de l’ouvrage Architecture Without Architects
(1964) de Bernard Rudofsky, les exemples
« d’une architecture autre » étaient nombreux. « Les sociétés qui ne construisent
pas de structures substantielles, écrit
Banham, regroupent leurs activités autour
d’un point central : un trou d’eau, un
arbre d’ombrage, un feu, un grand professeur » et habitent des espaces « dont les
limites extérieures sont vagues, ajustables
selon les besoins fonctionnels, et rarement
régulières ».
On trouve des habitations de ce type dans
les pueblos du Sud-Ouest américain et dans
le pays Dogon au Mali, que Aldo van Eyck
(1918-1999), membre de la Team X, a visité
alors qu’il cherchait des alternatives de
création de lieux et de formes aux tendances fonctionnalistes des CIAM. La
région isolée le long de l’escarpement
de Bandiagara, où le peuple dogon s’est
réfugié des maraudeurs musulmans au
XVe siècle, a préservé une vision animiste
distinctive, pratiquement intacte même
aujourd’hui. Ses établissements correspondent aux idées préconçues que la plupart des Occidentaux ont de l’Afrique
L'idée était que la conservation architecturale stimulerait l'économie par la régénération de l'artisanat et le développement du tourisme culturel
des bâtiments ronds faits de boue et de
toits de chaume organisés en cercle autour
d’une cour ouverte, chaque hameau commandant un territoire de la taille nécessaire pour produire de la nourriture pour
ses habitants, et des huttes à palabres au
centre des cours offrant de l’ombre aux
anciens pour discuter des affaires de la
communauté. Les plafonds sont généralement bas pour empêcher les occupants de
se lever et de se livrer à des actes de violence – du moins, c’est ce que les guides
touristiques disent à la plupart des visiteurs. Il n’y a pas si longtemps, des hordes
d’anthropologues amateurs ont inondé le
pays Dogon, désireux de faire l’expérience
du Paradise Lost.
Hic sunt lEonEs
L’escarpement de Bandiagara canalise le
fleuve Niger vers le nord en direction de
Tombouctou, un pôle au bout des routes
commerciales de l’or, du sel et des esclaves
qui traversent le Sahara depuis l’Antiquité. Le fleuve sert d’autoroute pour les
échanges commerciaux et culturels. Ses
rives sont peuplées de villages construits
en terre mais un peu plus complexes que
ceux que l’on trouve en pays Dogon.
Ils sont habités principalement par des
agriculteurs malinkés, mais aussi par les
Bozos, qui pratiquent la pêche, les pasteurs peuls et d’autres groupes pratiquant
le commerce. Le marché le plus important,
dans la ville de Djenné, se déroule devant
la Grande Mosquée, probablement l’édifice en terre crue le plus emblématique de
la planète. Les Français l’ont construite en
1907 sur le site d’une structure similaire
plus ancienne datant du XIIe siècle, ellemême située à proximité d’un site archéologique remontant au moins au IIe siècle
avant notre ère. Ses pointes ressemblant
à des porcs-épics servent d’échafaudage
permanent, permettant de réenduire, si
nécessaire, les murs avec une nouvelle
couche d’argile, ce qui se fait chaque année
de manière festive. Le Fonds Aga Khan
pour la culture (AKTC pour l’acronyme
anglais), une organisation pour laquelle
j’ai travaillé de 2005 à 2014, l’a restaurée,
ainsi que la Grande Mosquée de Mopti et
la mosquée Djingareyber de Tombouctou,
de 2006 à 2010. L’idée était que la conservation architecturale stimulerait l’économie par la régénération de l’artisanat et
le développement du tourisme culturel. Le
fait que, du point de vue de la plupart des
historiens de l’architecture, la plupart des
nations africaines restent dans les contrées
sauvages – le « hic sunt leones » (« ici sont
les lions », ndlr) des cartographes qui ont
précédé Christophe Colomb et l’époque
moderne – ne signifie pas qu’il n’y a rien
à explorer et à apprécier.
l’Ambition malienne
Peu avant de terminer les projets de rénovation, le Fonds a choisi la ville de Mopti
pour abriter un centre de l’architecture en
terre. Située au confluent des fleuves Bani
et Niger et abritant un tarmac et un terminal de 8340 pieds de long, de la taille de
la plupart des petits aéroports privés des
États-Unis, l’autoproclamée « Venise du
Mali » était le point d’entrée des voyageurs
sur la route de Djenné, du pays Dogon et
de Tombouctou. Les revenus générés par
la nouvelle installation permettraient de
financer un projet d’assainissement dans
une région touchée par la malaria. Une
première proposition modeste, conçue en
interne, a été rapidement écartée par la
direction, qui souhaitait un projet à plus
grande visibilité.
Les enjeux de cet effort étaient grands. Le
Mali traversait un énorme processus de privatisation des terres, de sorte que les
parties intéressées offraient des cadeaux
attrayants pour gagner la faveur du gouvernement. L’objectif était de contrôler
un système d’irrigation datant des années
1930, construit par le gouvernement colonial français et couvrant une superficie
d’environ 400 miles carrés (près de 100 000
hectares, ndlr) et de le convertir en une
agriculture orientée vers l’exportation,
produisant de tout, de la canne à sucre
aux agrocarburants. Mouammar Kadhafi,
alors dirigeant de la Libye et président
de l’Union africaine, construisait un
nouveau complexe de bureaux gouvernementaux dans la capitale, Bamako, et une
grande mosquée du vendredi à Mopti.
Des investisseurs chinois bâtissaient des
hôpitaux et posaient la première voie
rapide du pays. Son Altesse l’Aga Khan
devait répondre aux attentes pour être
pris au sérieux. En conséquence, en plus
des projets de restauration et du centre
de Mopti, un nouveau parc devait être
construit autour du Musée national de
Bamako, qui abrite l’une des meilleures
collections d’art africain en dehors de
l’Occident. Des architectes de renom
devaient être employés. La qualité devait
prévaloir sur la quantité.
La première série d’invitations ne s’est
pas avérée concluante.
La perspective d’édifier un petit musée et quelques pavillons dans
l’un des pays les plus pauvres du monde n’a
pas séduit l’élite mondiale de l’architecture.
À l’époque, j’étais un touche-à -tout au siège
du Trust Aga Khan pour la culture (AKTC)
à Genève, traînant de part et d’autre d’un
couloir séparant le Programme des villes
historiques et le prix Aga Khan d’architecture (AKAA). J’étais manifestement l’un des
rares membres du bureau à faire ce trajet,
car personne parmi les collaborateurs impliqués dans les projets maliens n’avait entendu parler de Francis Kéré, même s’il avait
remporté le prix Aga Khan en 2004 pour l’école primaire qu’il avait conçue pour sa
ville natale, Gando, au Burkina Faso voisin.
J’ai mentionné son nom et donné un exemplaire du catalogue du prix au responsable
de la conservation de l’architecture en terre,
mais je n’ai jamais eu de nouvelles. Que mes
voyages à travers le corridor aient fait une
différence ou non, le Fonds a fini par engager Kéré pour concevoir ses projets au Mali.
Les délais, les ennemis des principes
Le Mali a proclamé son indépendance de
la France le 22 septembre 1960. Cinquante
ans plus tard, nous faisions la course pour
achever le centre et les pavillons du parc
à temps pour l’anniversaire. Les choses ne
se passaient pas comme prévu. Chaque
fois que Kéré se rendait au Mali, il passait
son temps à essayer d’obtenir de nouveaux
projets plutôt que de visiter les chantiers
et de prendre des décisions. La pénurie de
matériaux de construction et de machines
de chantier mettait en péril les promesses
de Son Altesse de livrer les projets à temps
pour la Fête de l’indépendance. Le chantier
de Bamako a bénéficié d’un chef de projet expérimenté qui ne se souciait pas des
principes de construction de Kéré. Il a fait
préfabriquer la majeure partie de la structure par une entreprise qatarie en Turquie,
l’a expédiée en conteneurs au Mali et l’a
montée sur place comme un jeu de Lego.
Les murs en blocs de béton ont été habillés
au fil du temps de pierres locales.
D’autre part, le projet de Mopti était dirigé par une équipe plus jeune qui essayait
de reproduire les méthodes employées par
Kéré à Gando, à savoir une approche Ã
forte intensité de main-d’œuvre qui faisait
appel à un grand nombre de travailleurs
plutôt qu’à la location de machines pour
faire le même travail.
Cette approche
apparemment contre-intuitive (aux yeux
des Occidentaux) permettait de canaliser
une plus grande partie des fonds d’un projet directement dans les poches de ceux
qui en avaient le plus besoin : les travailleurs locaux.
Mais les délais ont tendance
à être les ennemis des principes, et comme
le chantier accumulait les retards, la haute
direction a transféré toute notre maind’œuvre à Mopti. Je me suis retrouvé Ã
atterrir à l’aéroport de Mopti au milieu
d’un orage d’été, quatre mois avant la date
d’ouverture prévue du centre.
J’avais préparé quelques dessins au préalable pour des éléments de base comme les
spécifications des fenêtres, le mobilier d’exposition et les tabourets de café. Tout a été
jeté à la poubelle après ma première rencontre avec les quincailliers. J’ai dû simplifier chaque dessin pour que les éléments
puissent être assemblés avec les quelques
profilés tubulaires disponibles. J’ai également dû construire des maquettes, car la
plupart des ouvriers ne comprenaient pas
les dessins d’architecture. La bétonnière
que nous louions à un gros type conduisant un SUV Mercedes-Benz tombant en
panne tous les jours, nous avons décidé
d’embaucher dix ouvriers supplémentaires à sa place. Les chantiers à charge des
Chinois dans la région ont monopolisé
les grues disponibles, nous avons donc
dû trouver un moyen de placer manuellement et en toute sécurité les poutres
en acier de 600 livres (soit 200 kg, ndlr)
au profil IPN sur les murs porteurs. Un
constructeur burkinabé a produit toutes
les briques de terre comprimée stabilisée
sur place, en utilisant l’argile du lit de la
rivière voisine et une petite quantité de
ciment (environ 10 à 15 %), à l’aide d’une
presse manuelle qu’il avait apportée avec
lui de Ouagadougou. Il avait négocié un
prix raisonnable dans l’espoir d’obtenir
de nouvelles commandes à Mopti.
Le grand avantage du plan de Kéré était sa flexibilité. Il nous a permis d'apporter quelques modifications au programme sans perdre la particularité de l'ensemble de la conception
Mais heureusement, le seul autre bâtiment de
la ville fait en briques était une prison
construite à l’époque coloniale.
Souplesse et rondeur
Le grand avantage du plan de Kéré était
sa flexibilité. Il nous a permis d’apporter
quelques modifications au programme
sans perdre la particularité de l’ensemble
de la conception. Sa principale caractéristique, un grand toit secondaire fournissant de l’ombre et une ventilation transversale au-dessus d’un plafond massif, a
peut-être été inspirée par des exemples
antérieurs d’« architecture tropicale »
tels que la Haute Cour de Le Corbusier
à Chandigarh, en Inde. Mais alors que
Le Corbusier employait du béton brut
lourd, Kéré a utilisé intelligemment des
barres d’armature et des feuilles de tôle
bon marché et facilement disponibles.
Les avant-toits en porte-à -faux protègent
les murs de terre de l’érosion par l’eau,
et les plafonds voûtés en briques fournissent une masse thermique, protégeant
l’intérieur du rayonnement solaire direct.
Vers la fin de la construction, Kéré a menacé de désavouer le projet parce que l’un de
nos collègues, partisan des blocs de terre
stabilisée compressée, a tenté de démontrer
les possibilités du matériau en incluant une
ouverture ronde dans l’un des murs. Mais
cette aberration a été oubliée lorsque, une
fois le projet terminé, Francis Kéré s’est présenté avec le photographe Iwan Baan pour
inspecter tout ce que nous avions fait. Il a
vu que le procédé était bon. Le projet a fait
l’objet de plusieurs publications et expositions. Néanmoins, à mesure que la stabilité
politique s’érodait, la grande ouverture a
d’abord été reportée, puis réduite à un petit
événement quelques mois plus tard. Il n’a
jamais reçu le nombre de visiteurs nécessaires pour couvrir les coûts, et la structure
est maintenant plus un centre de formation
et une maison de quartier qu’un musée.
Un prince et son royaume
Je n’ai revu Francis Kéré que quelques
années plus tard. Je séjournais chez un ami
architecte à Koudougou, la troisième ville
la plus peuplée du Burkina Faso. Nous
avons visité Tiébélé, un village traditionnel
de la culture kassena près de la frontière
avec le Ghana, connu pour les motifs décoratifs de ses maisons, qui sont peints par
les femmes du village une fois la saison des
récoltes terminée. Sur le chemin du retour,
nous nous sommes arrêtés à Gando. Il se
trouve que Kéré était en ville et il nous a
gentiment fait visiter ses projets.
Fini l’attitude de prima donna qui consiste
à courir après les ministres et les donateurs
ou à se plaindre des fenêtres arrondies. Au
lieu de cela, nous avons trouvé l’architecte
jouant à domicile, discutant avec enthousiasme de chaque détail de construction,
présentant avec passion les expériences de
matériaux sur lesquelles il avait travaillé.
La Holcim Foundation lui avait récemment accordé 100000 dollars pour achever
l’école secondaire Naaba Belem Goumma,
à quelques mètres seulement de l’école
primaire qui l’a rendu célèbre à ses débuts.
Il testait différents murs coulés in situ à partir d’un mélange d’argile et de ciment similaire à celui que nous avions utilisé pour
les briques à Mopti. Mais en jouant avec
les moules, il pouvait atteindre une plus
grande expression et variété. (Le maniérisme suit toujours les points culminants,
me suis-je dit).
Un aspect important qui m’avait échappé
avant de rencontrer Francis Kéré chez lui
est qu’il est un prince. Après la visite du
site, nous sommes allés déjeuner dans un
maquis voisin (le mot français-burkinabé pour « restaurant »), où le propriétaire nous avait obligés à nous assoir sur une estrade réservée aux mariés, lors des célébrations de mariage, ou au chef du village, qui se trouvait être notre hôte.
Des visages fixent avec apathie des écrans de smartphones, seule source de lumière et d'espoir. Il n'y a pas grand-chose que l'architecture puisse faire face à cette réalité
Des
passants se sont approchés de notre table
et ont remercié leur souverain pour tout
ce qu’il faisait pour son peuple. Mon ami
et moi l’avons remercié de nous avoir
invités à déjeuner, nous nous sommes
serré la main et avons quitté Gando au
volant d’une vieille Renault 9, qui a Ã
peine atteint la capitale, Ouagadougou.
Durabilité, Utopie… Vide
Depuis lors, j’ai croisé le chemin de Francis Kéré à quelques biennales d’architecture, à des vernissages d’expositions, à des
conférences, et une fois dans son bureau
de taille moyenne à Berlin. Sa notoriété a
augmenté de façon exponentielle sans qu’il
perde une once de son charisme. Tous ceux
que je connais qui ont travaillé avec lui
ont apprécié l’expérience et ont beaucoup
appris. Ceux qui sont en concurrence avec
lui pour les mêmes projets reconnaissent
qu’il est un adversaire redoutable. Cependant, j’ai le sentiment que ses derniers projets se conforment davantage à ce qu’un
public occidental naïf attendrait d’un
architecte d’origine africaine : les formes
rondes, les couleurs vives, les pavillons
éphémères et les magasins Camper ont
remplacé le pragmatisme élégant de ses
travaux antérieurs, qui témoignent d’une
sorte de créativité qui ne vient que lorsque
les ressources sont rares. Les mots « durabilité » et « utopie » sont mentionnés ad nauseam dans les rivières d’encre qui ont coulé
à la suite de la proclamation du Pritzker.
Pourtant, le seul bâtiment de grande envergure de Kéré en cours de construction est
l’Assemblée nationale du Bénin, un mastodonte de béton de 43 millions de dollars
construit par la China State Construction
Engineering Corporation, une société
ayant un long passé de corruption. Peu de
choses sont écrites sur l’utilisation réelle de
nombre de ses bâtiments, et les rapports de
post-habitation sont à peine disponibles.
Rien de tout cela, bien sûr, n’est la faute
de Kéré. Le vide politique laissé après l’assassinat de Kadhafi par des combattants
rebelles en 2011 a détruit l’équilibre délicat
qui maintenait la stabilité dans le Sahel
– la région semi-aride entre le Sahara et la
savane soudanaise, et de l’océan Atlantique
à la mer Rouge. Le Mali, le Burkina Faso
et le Niger sont devenus des pépinières du
terrorisme extrémiste ainsi qu’un champ
de bataille par procuration dans l’invasion
en cours de l’Ukraine par les forces russes.
Au moment où j’écris ces lignes (le dernier
soldat français a quitté le Mali le 15 août, ndlr),
la France retire 5 000 soldats de la région,
le gouvernement du Mali a invité des
mercenaires russes à se joindre à sa guerre
contre le terrorisme et, en janvier dernier,
un coup d’État a eu lieu au Burkina Faso.
L’héritage colonial, la corruption bien
ancrée, les dettes nationales irrécupérables
et l’isolement politique entraînent de plus
en plus de personnes dans la pauvreté,
ce qui les incite à rejoindre les rangs des
groupes jihadistes dans l’espoir d’un avenir meilleur, sinon sur terre, du moins
dans l’au-delà . « Momentum of Light »,
une récente exposition d’Iwan Baan1
sur la
terre natale de Kéré, rend compte avec précision de cette réalité, même si la déclaration du photographe dit le contraire. Les
images d’enfants souriants que nous avons
pris l’habitude de voir dans les œuvres de
l’architecte ont disparu. À leur place, des
visages fixent avec apathie des écrans de
smartphones, seule source de lumière et
d’espoir. Il n’y a pas grand-chose que l’architecture puisse faire face à cette réalité.
En célébrant l’architecture de Francis Kéré,
le prix Pritzker ne fait que servir la complaisance occidentale. Admirer ses succès
ne fait que détourner notre attention du ...