Imperceptibles réhabilitations du groupe d’immeuble dit « village de la Faisanderie » à Fontainebleau

Architecte : Eliet & Lehmann
Rédigé par Olivier NAMIAS
Publié le 17/12/2014

Construit pour l’OTAN en 1951 par Marcel Lods, le quartier de la Faisanderie vient de connaître une réhabilitation majeure : 355 logements mixtes et des commerces répondant aux normes environnementales remplacent les 280 logements sociaux, sans que l’aspect du lieu en soit radicalement modifié.


Grande-Bretagne, États-Unis, Belgique, Canada : le nom des quatre « barres » formant le quartier de la Faisanderie ne cultive pas un exotisme occidentalisant, mais évoque les contrées d’origine des premiers occupants des lieux, des militaires rattachés au SHAPE (Supreme Headquarters Allied Powers in Europe), quartier général de l’OTAN. En 1967, la France quitte le traité 101 de l’Atlantique Nord et les militaires et leurs familles désertent les 280 logements. Ils laissent derrière eux quatre immeubles de sept niveaux et 128 mètres de long au sein d’un parc de 6 hectares à l’entrée de Fontainebleau. L’architecture géométrique conçue par Marcel Lods et Camas pourrait jurer dans la cité de François Ier. Planté en lisière de la forêt, le nouveau quartier a tout du grand ensemble. L’implantation des édifices suit rigoureusement l’axe héliothermique et leur construction est réalisée au moyen du procédé de préfabrication Camus, le célèbre système de construction du logement social des Trente Glorieuses. Livrée en 1953, l’opération avait su contre toute attente se fondre dans le paysage bellifontain. La finition de sa façade – un parement de silex enchâssés à la main dans les panneaux préfabriqués – a sans doute facilité l’intégration de l’ensemble dans un site peu dense et très boisé. La réintégration totale de la France dans l’OTAN en 2009 n’a pas vu le retour des militaires anglo-saxon. Après avoir longtemps accueilli des gendarmes, les quatre immeubles ont été revendus en 2006. L’OPAC en fait l’acquisition, écartant rapidement l’hypothèse de la démolition au profit d’une réhabilitation valorisant l’architecture d’origine. En 2010, l’ensemble est racheté par les Foyers de Seine-et-Marne (FSM), bailleur social qui va poursuivre le projet défini par l’agence Eliet & Lehmann en 2008.

UNE RÉHABILITATION EN TROIS POINTS

La campagne de réhabilitation s’articulait sur trois grands axes : requalifier l’entrée de ville en valorisant cet ensemble comme patrimoine, effectuer la mise aux normes des appartements (accessibilité handicapés, confort thermique et acoustique) et développer la mixité au sein du quartier par implantation de locaux d’activités et diversification des populations. Si la Faisanderie
conserve sa vocation sociale avec la réhabilitation, une partie des logements a été cédée au privé et une fraction de la barre Grande-Bretagne s’est transformée en logements à destination d’étudiants et de chercheurs pour les écoles d’économie et d’infirmières voisines. Une dernière partie des surfaces habitables a été cédée à une résidence médicalisée. L’unité de la forme rend la distinction des fonctions pratiquement imperceptible. Des commerces et des bureaux ont été implantés en rez-de-chaussée des barres Canada et Grande-Bretagne, à proximité de l’entrée de ville ou du groupe scolaire et de son importante gare de bus. L’intervention d’Eliet & Lehmann procède d’une logique « d’enrichissement par l’intérieur » : elle reste invisible de prime abord, puisque les architectes ont cherché autant que possible à respecter le projet de Lods. Il faut regarder la barre Belgique pour percevoir les différences. Logeant provisoirement les anciens locataires des autres barres, l’édifice est devenu par la grâce des opérations tiroirs de relogement une sorte de bâtiment témoin de l’état d’origine. Il sera bientôt vidé pour être réhabilité à son tour.

ENQUÊTE CONSTRUCTIVE
Le projet conçu par Eliet & Lehmann se fonde sur un accord rigoureux avec l’existant. L’étude approfondie du bâti a révélé que les planchers étaient en fait constitués de deux demi-coques clavetées l’une à l’autre. La répartition des points porteurs le long de nervures permettait une économie de matière conséquente, laissant des planchers épais finalement constitués de vide. Les murs ont été doublés par l’intérieur d’un panneau BA13 dissimulant une laine de verre. La réhabilitation a certes diminué la surface des logements, qui voyaient par ailleurs leur hauteur sous plafond s’abaisser de 2,5 à 2,35 mètres du fait de la pose d’une chape de nivellement et d’un revêtement de finition, mais la conservation d’une typologie traversante évite l’impression d’exiguïté, d’autant que de nouvelles fenêtres ouvrent largement sur le parc. Les barres conçues par Lods étaient étroites : 9,48 mètres pour États- Unis et Grande Bretagne, destinées aux officiers, et 7,79 mètres pour Belgique et Canada, logeant les sous-officiers. Les plans des appartements ont été remaniés, les paliers élargis. Après rénovation, les appartements ont vu leur étiquette énergétique passer de E à B, avec une consommation prévisionnelle de 70 kWh Ep/m2 par an. Une chaufferie collective bois contribue à cette performance énergétique. On pourrait s’en réjouir si sa conception avait été confiée aux architectes, ou à tout autre maître d’oeuvre qui aurait su l’intégrer à l’ensemble. Placée entre la barre Canada et la gare de bus, elle n’est qu’un bloc de béton sans grâce qui jure avec le reste du quartier.

IMMUABLE

Les qualités du projet s’apprécient aussi de l’extérieur. La conservation des parements silex était un des enjeux de la réhabilitation. Le descellement des pierres rendait obligatoire la pose d’un mortier de rejointoiement, appliqué puis regratté pour laisser transparaître le revêtement d’origine. L’aspect de façade est modifié, comme un peu gommé, mais la réfection des bétons et des grilles de balcon fatiguées redonne un nouveau souffle à l’ensemble. Les pieds des barres ont fait l’objet de transformations profondes. Plusieurs stratégies ont été développées en fonction des positions des édifices, pour redonner un usage aux espaces en pied d’immeuble. Les rez-de-chaussée tournés vers la gare de bus et l’entrée de ville, épaissis et couronnés d’un auvent, sont désormais affectés à des commerces. Dans ceux des barres États-Unis et Belgique, situées au milieu du parc, pas de locaux d’activité, mais des halls rendus traversants et agrandis au-dessous de la résidence étudiante pour former un lieu de rencontre. Un parti pris de transparence s’applique au niveau du sol : on doit pouvoir traverser les socles, visuellement ou physiquement. Le travail sur les seuils et les abords –pied d’immeuble, pré-hall et entrées – est particulièrement soigné. Un sol en béton désactivé facilite la circulation sur tout le périmètre des immeubles. Il marque la limite entre les zones piétonnes élargies et des zones de stationnement dimensionnées pour avoir une emprise minimale sur les espaces plantés, qui sont la grande qualité du quartier. Une partie des parkings a d’ailleurs été implantée en sous-sol. À terme, des cheminements paysagers devraient relier les différentes parties du « village de la Faisanderie », dernière étape d’un projet de réhabilitation bien plus ambitieux qu’il n’y paraît sous une apparente immuabilité. « Pourtant, nous n’avons pas l’impression d’avoir renoncé à faire de l’architecture », explique Denis Eliet, démontrant ici que l’on peut agir dans l’effacement, respecter l’architecture d’hier en faisant de l’architecture pour aujourd’hui. Dans la barre États-Unis, la résidence étudiante porte le nom de Marcel Lods : mais l’hommage est à l’échelle du quartier.



Maîtrise d’ouvrage : les Foyers de Seine-et-Marne
Maîtrise d’œuvre
 : Eliet & Lehmann architecte de conception, A003 architecte d’exécution
BET structure
 : C&E ingénierie
BET thermique
 : JLR
Économiste 
: cabinet Tohier
Conception Lumière
 : agence ON
Coût
: 36,5 millions d’euros (hors chaufferie) ; désamiantage et chaufferie : 3,2 millions d’euros
Calendrier 
: concours, 2008 ; chantier, 2009-2015 ; livraison, 2015 pour les derniers bâtiments


Lisez la suite de cet article dans : N° 232 - Décembre 2014

Réhabilitation du groupe d’immeuble dit « village de la Faisanderie » à Fontainebleau <br/> Crédit photo : GRAZIA Sergio La Faisanderie à Fontainebleau<br/> Crédit photo : DR   <br/> Crédit photo : GRAZIA Sergio  <br/> Crédit photo : GRAZIA Sergio  <br/> Crédit photo : GRAZIA Sergio  <br/> Crédit photo : GRAZIA Sergio  <br/> Crédit photo : GRAZIA Sergio  <br/> Crédit photo : GRAZIA Sergio  <br/> Crédit photo : GRAZIA Sergio  <br/> Crédit photo : DR   <br/> Crédit photo : DR   Existant Projet Détail Coupe transversale

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