Mazan est une commune de 6 000 habitants en Provence à 30 km d’Avignon et 7 km de Carpentras. Le site du bâtiment, éloigné de 1,5 km du centre-ville, est isolé au milieu de quelques mas provençaux, à proximité de la cave coopérative du village. D’une superficie d’un hectare, légèrement surélevé, le site appartient au paysage des plaines viticoles du Ventoux, striées par les vignes des coteaux. Il est bordé, au Nord par le Mont-Ventoux, et à l’Ouest par les dentelles de Montmirail. La présence dominante et magnétique du plus haut sommet de Provence, et de l’arc montagneux de roche, confèrent un caractère minéral au paysage, aux tonalités ocre de la terre, et violacé du bois de vigne, marqué par l’intensité du Mistral et du soleil.

Ce programme polyvalent est défini par deux fonctions principales : accueillir des spectacles (fonction dominante) et des réceptions. Au-delà des événements municipaux, associatifs et familiaux, ce nouvel équipement public a une vocation culturelle intercommunale : il comprend une salle de concert et de théâtre de 640 places. Une salle de spectacle nécessite un espace fermé pour des raisons acoustiques et scénographiques, alors qu’un lieu de réception doit proposer un espace ouvert. Concilier ces impératifs d’utilisations contradictoires, fut le premier enjeu du projet. La salle est constituée d'une surface de 20x30 m, et d'une hauteur de huit mètres. Ce volume, trois fois plus important que les bâtiments alentours, provoque certes un impact visuel « hors d’échelle Â» mais il répond surtout au second enjeu du projet : créer en pleine ruralité, un lieu de rassemblement à caractère urbain.

MATÉRIAUX ET ASSEMBLAGES

Des matériaux naturels

Les questions d’inscription dans le site, et de relation avec les composantes du paysage (climat, topographie, économie) ont conduit les architectes à travailler avec des matériaux naturels. Du bois brut compose la structure et les vêtures. Du plâtre teinté dans la masse constitue les parois de la salle. De la paille compressée permet l’inertie acoustique nécessaire à la salle de spectacle, et forme un excellent isolant thermique. Les architectes mettent en scène des échanges avec l’environnement. François Defrain explique : « Le projet doit accompagner une compréhension des éléments naturels de cet endroit-là, et pas ailleurs. Le bâtiment doit révéler un phénomène physique local. Â» Olivier Souquet raconte « devant les pieds de vigne et la terre, le bois s’est imposé. Le plâtre et le bois sont les deux matériaux qui pourront prendre la meilleure température de couleurs et de reflets avec le temps et les saisons. Au bout de plusieurs mois le bâtiment prendra vraiment sa teinte par rapport au climat, au vent, aux poussières. Il a une lumière qui rayonne avec la poussière captée. Je suis persuadé que l’intensité lumineuse et la qualité graphique d’un bâtiment sont intimement liées à la poussière en suspension de l’environnement. Avec le temps, le projet va se fondre avec la couleur de la terre, le mistral soufflant, les micros poussières s’accumulant, le bâtiment va avoir un aspect terreux, mat, comme le sol de Mazan Â» Ainsi, ils tirent parti des patines des matériaux dans le temps causées par le climat.

Avec l’utilisation de matériaux bruts, l'agence DE-SO cherche à déjouer l’architecture-produit : éviter les produits industriels standardisés, échapper aux cycles rapides de l’obsolescence. Les architectes développent une approche du projet par le spécifique, voire l’alternatif. À Mazan, toute la structure est en bois de pin noir, l’intérieur de la salle en pin à crochet, et le hall d’accueil en cèdre, ainsi que les vêtures extérieures. Trois essences de bois régionales provenant des massifs forestiers du Mont-Ventoux, qui abritent une végétation de résineux. Les bois utilisés ont été choisis, récoltés avec l’ONF, sciés, séchés, et rabotés dans un rayon de 90 km, réduisant considérablement l’empreinte carbone du projet et développant l’exploitation des filières locales.

Expression constructive et architecturale

L’expression architecturale du projet est en grande partie déduite de l’assemblage constructif du bois, qui exprime le bâtiment. Il est le fruit d’une collaboration avec le bureau d’études GAUJARD Technologie Scop (Avignon), ingénieurs rencontrés il y a dix ans sur le projet de réhabilitation de Mas dans la région, et avec qui DE-SO a réalisé l’aménagement du pavillon d’accueil touristique des Mines de Bruoux (2009), prix du CAUE 84.

UNE FACADE DÉDOUBLÉE

Des plans inclinés

Un dièdre de bois composé de plans inclinés de douze mètres de haut enveloppe le volume cubique et minéral de la salle. La paroi verticale étanche en plâtre est dissociée de la vêture de bois. Il la protège, résout les problèmes d’étanchéités, d’échauffements, et contribue au contreventement de l’ensemble. Ces plans-dièdres filtrants jouent le rôle de médiateurs entre la boîte et le paysage. La légère inclinaison dessine une silhouette qui fait écho aux pentes du Mont-Ventoux. Elle raccroche le bâtiment au territoire plus large : il s’appréhende de manière tangentielle depuis la route. Sa forme émergente s’apparente à une grande tente. Ce caractère singulier participe à la distinction du bâtiment et permet de signifier son caractère public. Les plans inclinés ancrent le bâtiment : en surgissant de la terre, ils soulignent les lignes superposées que tracent les plans de vignes.

Une double peau

Ces pans filtrants sont des treillages à clairevoie composés d’un assemblage de lames de bois espacées aléatoirement de cinq à quinze centimètres. Les lames parallèles et biseautées organisent des rythmes de transparences et de pleins. Elles laissent apparaître en arrière plan, les parois en plâtre ocre de la salle. Cette perception au travers des lames de bois cèdre gris argenté crée de la profondeur et évoque une densité minérale. Sous le soleil, les ombres multiples et changeantes des lames de bois se dessinent sur les parois ocrées créant une vibration de couleurs et de lumières. La perception du bâtiment s’en trouve allégée : une dématérialisation s’opère. Les jeux d’ombres portées et les trames de bois rappellent les treilles provençales, l’ocre des parois évoque les mas alentours. De nuit, le bâtiment s’illumine grâce aux projecteurs situés entre les deux parois. Ce rétro-éclairage révèle la trame géométrique de la résille bois qui se transforme en grande lanterne.

DU BANQUET FAMILIAL AUX GRANDS SPECTACLES

Le concours lancé par la commune, en 2009 était en gestation depuis 1965. Il prévoyait des usages variés propres à une salle polyvalente : spectacle avec gradins et grande surface libre, congrès et exposition, fête de famille attablée, rassemblement associatif, réservant une grande ambition pour la salle de concert. L’organisation spatiale obéit à une répartition fonctionnelle : accueillir des spectacles et des réceptions. DE-SO a choisi de fragmenter le bâtiment en deux espaces communicants autour d’un patio. Au premier plan sur le parking et parvis, un pavillon bas de quatre mètres de haut marque le seuil et dessine une première ligne d’horizon. Derrière ce pavillon, les ombrières inclinées de la grande salle émergent jusqu’à douze mètres. Ce dispositif atténue l’impact du volume arrière. Le projet ménage de toute part des échappées visuelles et des prolongements vers le paysage. Un patio s’insère entre le pavillon et la salle, oriente des cadrages sur les paysages de vignes et ouvre le hall d’accueil vers le Mont-Ventoux. Un cheminement piéton pourra relier le projet au centre de Mazan, via un jardin des senteurs. Dissimulant la logistique et le fonctionnement technique les espaces de cuisines et techniques se regroupent de manière rationnelle au nord. Ces locaux sont dissociés structurellement par un joint de dilatation de la salle de spectacle pour des raisons acoustiques et afin d'éviter toutes nuisances vibratiles. Ils jouxtent la salle au Nord, recouverts d’un bardage métallique aux teintes brun tabac.

Le pavillon panoramique

Espace lumineux en longueur d’une superficie de 300 m², il est le foyer de la grande salle dont il est contigu. Savamment orientées, ses larges baies vitrées cadrent une vue panoramique sur le Mont-Ventoux. Polyvalent, il génère des libertés de pratiques : c’est aussi un hall d’accueil, un espace d’expositions, de banquets, et de rencontres etc. Il comprend un espace associatif, un bar, une salle multi-activités servant aux réunions associatives, ou pouvant être utilisée comme coulisses de la grande salle lors des spectacles. L’horizontalité de son volume amplifie les lignes du paysage, les stries des vignes, les lames horizontales des ombrières. Il évoque une restanque, annoncée par les bancs longilignes en béton teinté placés devant. La structure en bois du plafond déborde à l’extérieur, prolongeant le toit au sud et accueillant les visiteurs. Une grande ombrière en lames de bois protège la façade du soleil et se prolonge à l’intérieur dans un effet de compacité. L’ambiance intérieure boisée évoque la grande maison commune du village. La senteur du cèdre parachève cette atmosphère. La palette de couleurs employée épouse le paysage, emprunte au site et à la nature les couleurs des saisons. Les murs de teinte lie de vin, en écho au muscat des vignes, complètent l’ocre jaune des parois de plâtre, et la couleur miel du bois de la grande salle. Les espaces extérieurs du pavillon forment un patio trapézoïdale à l’abri du mistral, orienté au sud et planté d’un olivier. Il offre un lieu à l’air libre protégé, regardant le Mont-Ventoux.

La salle de spectacle polyvalente

Les murs et plafond sont revêtus de lames en bois appareillées qui permettent une meilleure réverbération acoustique dans la profondeur de la salle. Les murs de 40 cm d’épaisseur sont constitués de caissons remplis de paille compressée. Leur face intérieure est fermée avec du bois et celle extérieure est protégée et enduite de plâtre. Les dispositifs acoustiques ont été mis en place avec les ingénieurs bois et les acousticiens du bureau ALTIA. Le sol est constitué d’une chape épaisse en béton brut, légèrement réfléchie. Les équipements scéniques, travaillés avec les scénographes d’Architecture et Technique, sont adaptés à la polyvalence du lieu. Ils permettent des usages variés et des manipulations aisées. La salle en configuration spectacle Â» a une capacité maximale de 640 places assises, dont 415 sur gradins télescopiques rétractables. La scène surélevée et amovible offre une surface allant jusqu’à 130 m². Elle est équipée d’un Truss mobile horizontalement et verticalement pour installer plus facilement les éclairages, rideaux et autres décors. Les artistes pourront y accéder par l’arrière grâce à une rampe ou par les escaliers côté jardin et cour. Loges, coulisses et stockages nécessaires aux spectacles sont intégrés et accessibles immédiatement depuis l’arrière scène. En « configuration salle des fêtes Â», des ouvertures orientées au nord et au sud laissent entrer la lumière. Elles ouvrent en tableau sur les vignes et les dentelles du Montmirail et sont occultables par des rideaux intérieurs. L’ambiance boisée et les couleurs miel et violine des fauteuils jouent la continuité avec le pavillon et le paysage.

Le bâtiment est classé bâtiment durable méditerranéen niveau « argent », lauréat des « lauriers de la construction bois Â». Le CNDB lui a remis le premier prix national du bois en novembre 2013. La Boiserie a été présentée lors d'une exposition-photos à la galerie Archi Lib (Paris 10^e) avec deux autres réalisations de l'agence DE-SO : les Mines de Bruoux à Gargas et la réhabilitation et extension du groupe scolaire E.Binet à Paris 18^e.

Maîtres d'ouvrages : Ville de Mazan ; Assistant Maître d’Ouvrage  : Communauté d’Agglomération Ventoux Comtat
Maîtres d'oeuvres : Agence de-so (François Defrain et Olivier Souquet) architectes mandataires, Matthieu Labardin, architecte associé, chef de projet, conception et chantier - BET : GAUJARD TECHNOLOGIE SCOP (Avignon), Structure et enveloppe bois ; Cabinet MTC (La Varenne-St-Hilaire), Economie, fluides, fondation et structure béton ; ALTIA (Paris), Acoustique ; ARCHITECTURE ET TECHNIQUE (Montigny-le-Bretonneux), Scénographie ; Atelier 84 (Gordes), Nathalie CAPELLI, OPC ; FUGA (Paris), Graphiste ; ALPES CONTROLES (Orange), Bureau de contrôles ; FRANCOIS POLY COORDINATION (Mazan), SPS.
Entreprises : SARL Mario Moretti (Pernes-les-Fontaines), Gros-oeuvre, Enduit plâtre ; Sud Est Charpente (Cléon d’Andran), Str. et enveloppe bois ; Projisol (Valaurie), Etanchéité ; SMAB (Les Taillardes), Menuiseries extérieures ; YPFM (Pernes-les-Fontaines), Serrurerie ; SOLELEC (Caissargues), Cloison, faux-plafond ; EGM P. Vincent (Carpentras), Menuiseries intérieures ; SARL Art des Sols (Le Thor), Revêtement de sol ; ETS Bouvet (Beaumes de Venise), Peinture ; SAET (Caumont-sur-Durance), Electricité ; Tonin (Vinsobres), Ventilation, chauffage, rafraîchissement ; RC Clim (Saint-Didier), Plomberie ; SOLEV (Carpentras), Espaces verts ; SRMV (Carpentras), VRD ; Scenic France (Avignon), Machinerie, éclairages, équipements scéniques : Hugon (Cahors), Gradins télescopiques.
Surface SHON : 1 575 m²
Coût : 3,7 M€ H.T.

Date de livraison : octobre 2012