La filière du réemploi est-elle crédible ?

Rédigé par Cyrille VÉRAN
Publié le 07/07/2021

L’entrepôt de Mobius à Rosny-sous-bois - Sourçage des dalles de faux planchers

Dossier réalisé par Cyrille VÉRAN
Dossier publié dans le d'A n°291

Lorsque l’exposition « Matière grise » est présentée au Pavillon de l’Arsenal à Paris en 2014, le réemploi, son sujet, est une pratique tellement marginale dans la construction que la plupart des acteurs du secteur en ignorent même le terme. Première secousse. Son entrée en scène a comme premier mérite d’interpeller le monde du bâtiment qui continue de fonctionner sur une économie extractive et mondialisée des matériaux. Sept ans plus tard, alors qu’une prise de conscience s’opère sur l’inexorable épuisement des ressources, où en est la filière ? Toujours anecdotique en France au regard des millions de mètres carrés construits chaque année, déplorent les architectes d’Encore Heureux, commissaires de l’exposition et porte-drapeaux du réemploi avec une poignée de militants. Mais les choses bougent, tant du côté du cadre législatif, favorable à son développement, que de celui d’une sensibilisation croissante de certains maîtres d’ouvrage. Émergent aussi des plateformes de matériaux et produits de réemploi, ainsi que de nouveaux métiers pour les préparer, nettoyer, reconditionner, transformer… Cependant, c’est par la multiplication des projets démonstrateurs que cette filière pourra lever tous les freins à son développement et que l’on pourra généraliser les méthodes et outils. Il faut donc en favoriser les conditions et lui laisser le temps, malgré l’urgence. Le bâtiment reste en effet le premier producteur de déchets et l’un des gros émetteurs de GES. L’actualité de la crise sanitaire a également révélé au grand jour notre dépendance à cette chaîne économique mondialisée des matériaux qui subit aujourd’hui pénurie d’approvisionnement et augmentation des coûts. De quoi crédibiliser encore plus le réemploi. 



D’une démarche confidentielle à la généralisation du réemploi 


Alors que le secteur du bâtiment pèse lourdement sur la production des déchets, l’épuisement des ressources naturelles et la production des émissions de gaz à effet de serre par l’énergie grise qu’il consomme, le réemploi des matériaux de construction d’occasion représente une filière prometteuse pour réduire ces externalités négatives. S’il est encore aujourd’hui une pratique marginale, son acculturation progressive devrait favoriser sa structuration, avec de nombreux métiers à la clé, et son déploiement dans les projets d’aménagement et d’architecture. 


 

La filière du réemploi dans le bâtiment, l’un des pans de l’économie circulaire, est encore marginale. On ne s’en étonnera pas après cent cinquante ans d’industrialisation du secteur et de normalisation tendant toujours plus à rationnaliser, optimiser et sécuriser les process de fabrication. Le réemploi invite au contraire à dénormer la construction en mobilisant des matériaux et produits qui ont déjà vécu et qui nécessitent de pousser l’investigation pour les identifier et rendre possible leur réemploi ou leur réutilisation1. Il sollicite toute une chaîne d’actions – dépose minutieuse, stockage, nettoyage, réparation, reconditionnement… –, réalisée par une main-d’œuvre locale, qui ne le rend guère compétitif face aux matériaux neufs. Ces conditions, sans compter les contraintes auxquelles sont assujettis les marchés publics et privés (respect des coûts et des délais) suscitent beaucoup de scepticisme à son égard. Il faut donc des acteurs très impliqués pour initier ces projets et toutes les parties prenantes (dont les bureaux de contrôle, assureurs, entreprises) doivent converger pour les voir aboutir. Beaucoup de belles intentions restent à l’état de papier. L’enjeu est pourtant de taille : le bâtiment est le premier producteur de déchets (qui ont un coût environnemental et financier) et l’un des gros émetteurs de CO22. Par ailleurs, une autre réalité est venue bousculer le secteur : la fragilité des chaînes d’une production mondialisée, mise au jour par la crise sanitaire. Elles sont aujourd’hui ralenties ou à l’arrêt, entraînant la pénurie de certaines filières et l’effet boomerang de leur spéculation. Parce qu’il est au contraire dans une économie de la réparation et du prolongement de la durée de vie des matériaux, le réemploi pourrait contribuer à diminuer ces chiffres s’il venait à se massifier. Local par essence, il est aussi étranger à ces bouleversements conjoncturels. 

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