Le Grand Paris des écrivains - Le Grand Paris ou la métropole fictionnée

Rédigé par Soline NIVET
Publié le 19/03/2017

A Boulogne-Billancourt, l’île Seguin accélère sa mue : inauguration de la Seine Musicale (Shigeru Ban et Jean de Gastines arch.) le 21 avril prochain avec un concert de Bob Dylan.

Dossier réalisé par Soline NIVET
Dossier publié dans le d'A n°252

Quelle actualité pour le Grand Paris en ce printemps 2017 ? Les derniers concours d’architecture pour les futures gares du métro automatique ? Les premiers résultats des consultations qui réinventeront la Métropole ou la Seine ? Les inaugurations très attendues de quelques équipements phare ? Un autre événement a attiré notre attention : la publication, en janvier dernier, du nouveau roman d’Aurélien Bellanger. Envisagée dans sa dimension métropolitaine, la capitale régénérerait-elle aussi sa matrice fictionnelle ? Nous avons posé la question à plusieurs écrivains contemporains, auxquels nous avons demandé de commenter la charge d’imaginaire et la portée symbolique de quelques-uns des projets qui font aujourd’hui l’actualité architecturale du Grand Paris. 

Incarner 

2017 marque le dixième anniversaire du discours dans lequel Nicolas Sarkozy annonçait – à l’occasion de l’ouverture de la Cité de l’architecture – la tenue d’une consultation internationale d’architecture prospective consacrée au Grand Paris. Cette année sera aussi celle de l’inauguration de quelques imposants projets conçus pour rayonner à l’échelle métropolitaine : l’Arena 92 à Nanterre (Christian de Portzamparc), la Seine musicale sur l’île Seguin (Shigeru Ban et Jean de Gastines), le Village Nature de Disney et Pierre & Vacances- Center Parcs (Jacques Ferrier et Jean de Gastines), la Station F, l’incubateur numérique géant de Xavier Niel dans la Halle Freyssinet (Jean-Michel Wilmotte), suivi par le nouveau Tribunal de grande instance (Renzo Piano Building Workshop). La plupart de ces projets XXL sont positionnés à proximité des futures stations du Grand Paris Express, dont les images des 68 projets et l’identité des 37 agences d’architecture conceptrices sont d’ores et déjà dévoilées. Aux « vues d’artistes » avancées par les équipes de la consultation de 2008 pour illustrer leurs diagnostics prospectifs se superposent donc progressivement des bâtiments de chair et d’os.


Réinventer 

L’année sera aussi décisive pour la candidature de la capitale à l’organisation des jeux Olympiques de 2024, puisque les dés seront jetés le 13 septembre prochain, date à laquelle le CIO devra arrêter son choix entre Los Angeles et Paris. Intramuros, la capitale planche sur sa capacité à renouveler ses sites touristiques pour les adapter à une fréquentation toujours plus intense : transformation de l’île de la Cité en hub touristique et galerie commerciale souterraine (Dominique Perrault), augmentation de la capacité d’accueil des Galeries Lafayette du boulevard Haussmann (Future Systems) ouverture d’un autre magasin sur les Champs-Élysées (BIG). D’autres très grands projets restent à l’étude, tel EuropaCity à Gonesse (BIG) ou le campus numérique privé de Vincent Bolloré sur l’île Seguin ; tandis qu’avant l’été seront dévoilées les propositions lauréates de la consultation « Réinventer la Métropole », organisée par la Métropole du Grand Paris sur le modèle de « Réinventer Paris » et de « Réinventer la Seine ». 

 

Fictionner 

Tandis que, durant la dernière décennie, des centaines d’équipes planchaient sur sa gouvernance, sa desserte, ses programmes et ses formes architecturales, la dimension métropolitaine stimulait aussi l’imaginaire des plasticiens, marcheurs, chorégraphes et explorateurs urbains de tous horizons. Pourtant, en 2014, dans son ouvrage Le Mal de Paris, l’historienne, sociologue et écrivain Régine Robin regrettait que la fiction, et plus particulièrement au cinéma et dans la littérature, ne se soit pas encore assez emparée du Grand Paris. Elle en appelait alors à un « imaginaire grand parisien » qui ne céderait ni à la mélancolie d’un Paris village ou d’une Ville lumière muséifiée ni aux habituels poncifs d’une périphérie déchirée entre nains de jardin et cités en feu. Il semble pourtant que les choses bougent. Côté cinéma, nous avions depuis longtemps repéré les remarquables films d’Isabelle Czajka (L’Année suivante, La Vie domestique, 2013) ou de Virgile Vernier (Les Mercuriales, 2014), qui échappaient déjà au genre très formaté du film de banlieue. Côté littérature, la publication cet hiver par Aurélien Bellanger de son dernier roman Le Grand Paris et notre découverte – tardive – des quatre tomes de la bande dessinée Masqué par Serge Lehman et Stéphane Créty nous ont incitée à rencontrer ces auteurs ; tant pour comprendre les ressorts de leur intérêt pour le Grand Paris que pour les entendre réagir à quelques projets en cours. En retour, nous avons demandé à deux architectes d’évoquer pour nous, au travers de leurs lectures (Philippe Simon) ou via la fabrication de leurs images (Jacques Ferrier), l’expression d’un imaginaire métropolitain. 

 

Révéler 

Il y a quelques années, le géographe Michel Lussault posait trois préalables à l’imagibilité de la métropole à venir : son inscription dans une dynamique narrative liée à un récit fondateur partagé, son emplacement dans un territoire géographique identifié et enfin son assimilation à une scène politique… Trois dimensions omniprésentes dans les fictions et les propos d’Aurélien Bellanger et de Serge Lehman. En la dotant de deux (super) héros politiques et en l’inscrivant dans son paysage géologique primitif, ces écrivains ne consacrent-ils pas l’avènement tangible du Grand Paris ? À rebours enfin, nous avons relu les très beaux textes de Thomas Clerc, écrivain qui s’attache à décrire la capitale par ses faits et détails les plus infra-ordinaires. Lorsqu’il nous dit se méfier de la fiction (trop occupée à raconter des histoires, celle-ci en oublierait de montrer les territoires), ce dernier souligne une démarcation qui structure le champ littéraire entre les textes qui « disent » et d’autres qui « racontent ». Pas question pour nous lecteurs de prendre parti, bien au contraire, entre la fresque d’un Bellanger épris d’infrastructures, le plaisir de combiner littérature et imaginaire scientifique chez Serge Lehman ou la quête du détail de Thomas Clerc. Au-delà du plaisir que nous avons pris à lire les ouvrages cités au fil de ce dossier et à nous entretenir avec leurs auteurs, nous nous amuserons désormais à discerner derrière chaque nouveau projet d’architecture à quel imaginaire littéraire de la métropole il renvoie. 


Lisez la suite de cet article dans : N° 252 - Avril 2017

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