Le Musée d’arts de Nantes

Architecte : Stanton Williams
Rédigé par Maryse QUINTON
Publié le 30/06/2017

Rebaptisé, rénové et agrandi, le Musée d’arts de Nantes a subi une profonde transformation. Jouant avec les lumières changeantes du ciel atlantique qu’elle restitue dans les salles, distillant subtilement des points de vue sur la ville, l’architecture de l’agence britannique Stanton Williams parvient à mettre en valeur une collection exceptionnelle. S’immisçant dans les profondeurs de l’îlot pour relier l’ancien Palais des beaux-arts à la Chapelle de l’oratoire, refusant toute attitude iconique ou générique, le projet se déploie en un harmonieux classicisme moderne.


Les métropoles concurrentes observent aujourd’hui le parcours culturel du Voyage à Nantes d’un œil envieux, tout comme l’installation de la Compagnie Royal de Luxe sur les bords de la Loire ou la Biennale Estuaire initiée par Jean Blaise. Mais au-delà de cette vivacité événementielle, l’offre traditionnelle nécessitait d’être consolidée. Le musée des Beaux-Arts faisait jusqu’alors partie de ces institutions quelque peu ronronnantes en dépit d’une riche collection et d’une politique d’acquisition dynamique. Les œuvres se trouvaient à l’étroit dans un écrin accusant un certain vieillissement, notamment au regard des attentes du public vis-à-vis d’un musée au XXIe siècle. Créé en 1801, installé en 1900 dans un palais du quartier Malakoff-Saint-Donatien, l’équipement culturel a donc fermé ses portes en 2011 pour une refonte complète. La mission de maîtrise d’œuvre a été confiée à l’agence britannique Stanton Williams, lauréate en 2009 face à Marc Barani, Manuelle Gautrand, Gaëlle Péneau et Dominique Perrault, finalistes parmi 131 candidatures. Après un démarrage dans la douleur (sondages géotechniques révélant la présence de veines d’eau, lots infructueux, proposition revue par les architectes en 2013 et relancée en entreprise générale…), le musée avait failli rejoindre la liste des projets avortés dans un contexte économique complexe. Comme son nom l’indiquait, le musée des Beaux-Arts ne faisait que peu de place à l’art contemporain. Cette métamorphose est l’occasion d’un nom plus généraliste, « Musée d’arts », à l’image d’une collection de 12 000 œuvres (dont 900 exposées) qui s’étend des XIIIe au XXIe siècles. Aux commandes du musée, Sophie Lévy, directrice et conservatrice, venue du LaM de Villeneuve-d’Ascq, n’y voit pas une simple réhabilitation patrimoniale, l’enjeu étant de « redéfinir avec les habitants de la métropole nantaise ce que peut être un grand musée du XXIe siècle ».

CONTINUITÉ HISTORIQUE

L’agence britannique Stanton Williams est une habituée des réhabilitations délicates et des interventions en site historique. On lui doit notamment l’extension de la Fondation Berrow à l’université d’Oxford ou l’aménagement muséographique de la Tour de Londres. « Nous sommes à la fois architectes et muséographes, explique Patrick Richard, directeur de l’agence Stanton Williams, en charge du projet. C’est un projet totalement ancré dans son site. Nous nous sommes pris de passion pour la qualité architecturale du lieu qui mêle différentes époques. Nous ne sommes pas partis dans l’idée de faire un projet “à la mode”, mais qui s’inscrit dans la continuité historique. Un trait d’union entre la Chapelle de l’oratoire du XVIIe siècle et le palais du XIXe siècle, en rejetant toute idée de pastiche. »

Ce trait d’union est matérialisé par « Le Cube » offrant 30 % de surface supplémentaire, soit 2000 m2 dévolus à l’art contemporain et reliés au palais et à la chapelle par une passerelle aérienne. Le dialogue avec l’existant passe ici par le choix d’une forme forte faisant écho à la massivité du palais et avec l’emploi d’un étonnant marbre translucide, mis en œuvre sous la forme d’un mur-rideau. Quatre galeries flexibles, aisé- ment configurables selon les besoins, sont superposées dans ce monolithe minéral habillé de pierre de tuffeau. Entièrement rénové, le palais a subi une excavation en sous-œuvre afin d’y loger de nouveaux espaces : quatre ateliers pédagogiques pour encourager les pratiques artistiques, un auditorium, une salle d’exposition dite « salle blanche », ainsi que les réserves et ateliers de traitement des œuvres. L’art ancien occupe la totalité du rez-de-chaussée du palais. Le XIXe siècle et l’art moderne se partagent l’étage tandis que l’art contemporain investit le Cube. Une réorganisation didactique qui autorise néanmoins des dialogues et des incursions d’une époque à l’autre. Si la cohérence du parcours était au cœur des préoccupations des architectes, l’utilisation savamment dosée de la lumière naturelle est la grande réussite de ce projet. « Nous avons choisi de conserver et d’optimiser la présence de la lumière naturelle qui baigne les grandes galeries du palais, poursuit Patrick Richard. Les verrières existantes en toiture qui éclairaient les galeries étaient à l’origine de multiples fuites d’eau et, surtout, introduisaient un apport de lumière trop important au sud et insuffisant au nord, ainsi qu’un effet acoustique réverbérant dans les galeries en enfilade. Nous avons donc remplacé les verrières par un complexe de couches superposées de verre, toiles tendues et stores modulables, tout en conservant la charpente métallique existante. Ainsi la lumière contrôlée autorise l’effet de “nuage qui passe”, contribuant au charme de ces galeries et rappelant l’atmosphère des ateliers d’artistes dans lesquels les œuvres ont été conçues. » Point névralgique du musée et de son rapport à la lumière, le patio accueille une des œuvres – particulièrement appropriée – de Susanna Fritscher : De l’air, de la lumière et du temps.

MUSÉE-VILLE

« Étrange monument aveugle, sorte de piédestal découronné de son quadrige… », écrivait Julien Gracq dans La Forme d’une ville, en évoquant cette forteresse intimidante, désormais ouverte sur la ville. L’imposant portail qui trônait le long de la façade principale est aujourd’hui supprimé, tout comme l’étroit escalier peu accueillant qui laisse place à un large emmarchement. Les visiteurs sont maintenant accueillis sur un parvis public, avenant et généreux dans la spatialité urbaine qu’il restitue au quartier. En partie haute, il accueillera des œuvres ou des installations artistiques. Si le musée se devait de s’ouvrir davantage à son environnement, il lui fallait également élargir son public. Parce qu’un musée du XXIe siècle doit offrir un peu plus que la simple exposition de ses collections, le chef étoilé de la Mare aux oiseaux, Éric Guérin, y ouvre un restaurant. Car, ne nous y trompons pas, derrière la passion de l’art, il y a bien évidemment des enjeux économiques et la nécessité d’être concurrentiel. « Nantes est une métropole reconnue pour son dynamisme, note la maire, Johanna Rolland. Mais, dans un contexte de concurrence exacerbée entre les territoires, nous devons sans cesse le conforter. Or, à Nantes, nous croyons que la culture, qui embellit la vie, qui nous aide à répondre aux défis de notre monde, est aussi un facteur déterminant de développement économique et donc d’emploi. De ce point de vue, le Musée d’arts sera un atout majeur pour le rayonnement de notre métropole. Il en symbolisera l’ambition et la profonde originalité. »



Maîtres d'ouvrages : Nantes Métropole
Maîtres d'oeuvres : Stanton Williams - Économiste : Artelia – BET structure : RFR Artelia et Sepia – Signalétique : Cartlidge Levene
Entreprises : Bouygues Bâtiment Grand Ouest
Surface : 17000 m2 (13000 m2 existants  + 4000 m2 d'extension)
Coût : 88,5 millions d’euros 
Date de livraison : juin 2017


Lisez la suite de cet article dans : N° 255 - Juillet 2017

A l’intérieur de l’îlot, une façade en marbre translucide transforme le nouveau volume du Musée d'Arts de Nantes en lanterne lumineuse la nuit tombée.<br/> Crédit photo : Hufton + Crow - Pour concevoir l’extension du musée, l’agence Stanton Williams a opté pour le dialogue avec le minéralité existante. <br/> Crédit photo : Hufton + Crow - Point névralgique du musée, le patio accueille De l’air, de la lumière et du temps, une installation de Susanna Fritscher présentée pour la réouverture du musée.<br/> Crédit photo : Hufton + Crow - L’intervention majeure sur le palais existant a consisté à excaver l’édifice restauré en sous-oeuvre pour y loger des espaces supplémentaires : ateliers pédagogiques, auditorium, réserves…<br/> Crédit photo : Hufton + Crow -

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