Olivier Pasquiers, la photographie de proximité

Rédigé par Olivier NAMIAS
Publié le 03/09/2012

Photographie extraite de Paris / Carnets périphériques

Article paru dans d'A n°211

Engagé sur le front social, Olivier Pasquiers a photographié les habitants de quartiers sensibles dans le cadre de démarches d'accompagnement de projets Anru. Il les a abondonnés le temps d'un tour du Périphérique, qu'il présente sans humains, sans voitures, rempli de lieux inattendus et éphémères.

C'est après des études de sciences qu'Olivier Pasquiers s'est tourné vers la photographie, parce qu'il cherchait un contact humain qu'il ne trouvait pas dans les éprouvettes. « L'appareil photo vous rend légitime à demander de rentrer dans une usine, une maison, un atelier, explique celui qui confesse être un bavard de proximité. Je ne suis pas un photographe de voyage, j'aime faire mes images à distance d'une poignée de main. On s'assoit, on discute, on fait les images plus tard. Â»

Après une pratique individuelle, il intègre en 1991 l’équipe du bar Floréal. Ni vraiment agence, ni vraiment collectif, cette association, qui a pris le nom d’un café du quartier de Belleville, avait été fondée en 1985 par des photographes et des graphistes sur les questions d’échanges et d’utilisation de l’image. La démarche du bar Floréal pourrait se résumer ainsi : les gens nous donnent du temps, nous leur donnons une image que nous leur apportons, qui va permettre de faire une autre image, peut-être plus difficile, qui obligera la personne à se livrer davantage. » Inscrit dans une tradition humaniste, le bar Floréal a travaillé pour des associations comme le Secours populaire ou dans le cadre de démarches de renouvellement urbain. Mandaté par l’Anru, Olivier Pasquiers a documenté la démolition de la barre Renoir avec André Lejarre, dans la Cité des 4 000 à La Courneuve. Le travail dura près d’un an, le temps nécessaire pour se faire accepter des habitants du parc social. « C’était un endroit vraiment dur, se rappelle Olivier Pasquiers. Il a fallu six mois pour rencontrer des gens, creuser des réseaux, rencontrer des associations. On n’a photographié qu’une partie des 350 logements, tout en essayant de restituer un corpus représentatif. »

Le photographe n’est pas dupe des ambiguïtés de ce dispositif hautement institutionnel : « Nous arrivons mandaté par l’office HLM ou par la Ville, dans tous les cas par la puissance publique. Qu’on le veuille ou non, ce contexte génère un rapport de force et des types de relations avec l’habitant qui constituent notre cadre, avec ses contraintes. » Assigné aux zones sensibles, Pasquiers se prend parfois à rêver de sortir des banlieues de la République pour offrir un portrait plus complet de la société. « J’aimerais photographier une ville dans son ensemble, avec tous ses habitants, riches ou pauvres, montrer la diversité de ses quartiers, mais c’est une commande qui ne m’a jamais été passée. » Avis aux amateurs et aux mécènes éclairés !


VIE DE CEINTURE

Dans l’oeuvre de Pasquiers, la série Paris / Carnets périphériques a constitué un interlude. Le photographe était son propre commanditaire, avec l’intention de faire des images sur les lumières et les situations générées autour de l’anneau autoroutier ceinturant Paris. Il s’était fixé quelques règles simples : rester dans une zone à portée des bruits du flot routier, photographier le moins possible les automobiles ou les gens, ne pas demander d’autorisation pour accéder à une zone interdite ou parcourir le Périphérique de nuit.

Les images ne sont pas un portrait du Périphérique : « L’objet a déjà été exploré par de nombreux photographes, mon idée était plutôt de révéler des situations, montrer les changements perpétuels de la ville. » Cette suite en noir et blanc alterne fragments de ville et visions paysagères. Les HBM de la ceinture rouge apparaissent tronçonnées, découpées par d’autres immeubles d’habitation, surgissant d’un feuillage touffu dont on se demande bien comment il a pu pousser sur ce secteur de ville glorifiant le règne du macadam. Près de la porte de Gentilly, un profil stylisé années trente se dégage clairement de la section d’un pont : « c’est une perception propre à l’image photographique, car dans la réalité, ce pont apparaît en volume, avec une profondeur, un dessus, un dessous, des couleurs. C’est une façon de rappeler que la photographie ne montre qu’une partie de la réalité, qu’elle ne décrit pas tout. Le sujet n’est donc pas le Périphérique, mais tout ce qu’il modifie, tout ce qu’il crée comme espaces appropriables. » Depuis deux ans, date des premières prises de vues, bien des lieux ont été transformés. Olivier Pasquiers se verrait bien les parcourir de nouveau à l’occasion d’une exposition, ou pourquoi pas reproduire la démarche dans des villes étrangères.

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