Architecte : Patrick Bouchain avec l’atelier Construire (Loïc Julienne) Rédigé par Emmanuel CAILLE Publié le 01/12/2011 |
Comment dissoudre l'arrogance de l'environnement culturalo-mondain des musées pour que la moitié des Français qui n'y viennent jamais osent enfin y entrer ? Comment rendre les œuvres accessibles à tous, sans renoncer à mettre en scène une rencontre qui, au-delà du plaisir, exige attention et respect ? À l'idée prétendument simple d'une résille légère mais accouchant d'un spectaculaire monstre technologique inadéquat à son contenu (le centre Pompidou-Metz), le centre Pompidou mobile oppose celle d'un pragmatisme et d'une rusticité à la joyeuse inventivité. Campant aujourd'hui à Chaumont, en Haute-Marne, le nouveau musée reprendra la route vers Cambrai dans trois mois.
Détrônant les lieux de culte et les hôtels de ville, les musées sont devenus les « temples » ou les « supermarchés » de la culture. Par leur ironie, ces qualificatifs traduisent tout autant l'aura que les limites du respect qu'on leur porte. Le néologisme « muséifier » n'est-il d'ailleurs pas devenu aujourd'hui un terme dépréciatif ? On l'emploie désormais comme synonyme de « figer » ou « embaumer », qu'il s'agisse de l'art ou des vieux centres urbains. La création de musées est devenu le fer de lance de l'attractivité économique et politique des villes, mais elle est finalement rarement motivée par la volonté de diffuser la production artistique au plus grand nombre, ce qu'elle devrait être.
L'idée de lieux ouverts, nomades et accessibles à tous est une vieille antienne des politiques culturelles, mais elle reste généralement au stade de l'incantation. En 2004, l'artiste Thomas Hirschhorn avait cependant réussi à exposer Duchamp, DalÃ, Le Corbusier et Malevitch dans un abri modulaire préfabriqué à La Courneuve. Ces Å“uvres majeures du Musée national d'art moderne ont ainsi pu être offertes à la visite au pied des immeubles de la cité Albinet, une cité réputée difficile de la banlieue nord de Paris. L'idée a depuis fait son chemin et un concours a été lancé pour la conception d'un bâtiment mobile permettant d'exposer les plus belles pièces des collections du centre Pompidou aux quatre coins de la France. Le principe était a priori simple : imaginer un musée itinérant qui puisse s'installer durant trois mois dans une ville d'accueil ; y montrer les plus belles pièces, tout en s'autorisant des dialogues avec les Å“uvres des Fonds régionaux d'art contemporain (Frac) locaux ; présenter une quinzaine d'Å“uvres soigneusement choisies afin de concentrer l'attention des visiteurs sur la pertinence de l'accrochage ; être ouvert six jours sur sept gratuitement.
Lauréats du concours, Patrick Bouchain avec l'agence Construire de Loïc Julienne avaient l'expérience pour mener à bien cette opération beaucoup plus complexe que pour un musée sédentaire. Les contraintes, notamment celles portant sur la sécurité et la préservation des œuvres, sont en effet très fortes. École du cirque, manèges équestres, salles de spectacles éphémères, Bouchain et Julienne ont développé depuis une vingtaine d'années un savoir-faire de mise en œuvre alliant inventivité et pragmatisme à des techniques simples et éprouvées. « C'est un brevet d'une trentaine d'années qui a donc été maintes fois mis à l'épreuve et modifié, explique Patrick Bouchain à propos des choix de conception. C'est un système de coulisse de la toile dans une gorge par une drisse, comme pour accrocher la voile au mât du bateau. [...] On utilise cet assemblage entre la toile et la structure sans rien changer à la technique. Seule la mise en forme est nouvelle. »
Le centre Pompidou mobile est ainsi composé de trois volumes en losange, une architecture foraine à structure métallique recouverte de toiles : une première tente pour l'accueil et deux autres pour les œuvres. La disposition peut s'adapter à chaque contexte, topographique ou climatique. Les salles sont reliées par des sas. Chaque volume est formé de trois zones, chacune étant climatisée selon les fonctions et le climat d'implantation du musée nomade. La première, abritant l'ensemble, est une double peau ventilée isolante. La membrane extérieure est renforcée par un maillage d'acier interdisant toute effraction. La deuxième est l'espace de déambulation des visiteurs. Dans cet entre-deux, l'air est légèrement tempéré selon les besoins. La troisième, au centre – la plus complexe et la plus innovante –, est l'espace accueillant les œuvres. C'est un long parallélépipède blanc autonome autour duquel on circule. Il possède son propre éclairage et sa propre ventilation. Il est évidemment percé pour que l'on puisse découvrir les œuvres à travers un vitrage. Le risque était de donner l'impression que celles-ci étaient confinées dans un coffre-fort. Mais les vitres sont finalement moins gênantes que celles que l'on retrouve plaquées maintenant sur tous les tableaux des musées, car elles sont ici éloignées de l'œuvre d'une quarantaine de centimètres. La légère inclinaison vers le sol empêche tout reflet de venir gêner la vue.
Le tour de force réside cependant dans l'éclairage. Placé à l'intérieur, en périmètre de la fenêtre, il est devant nous mais reste invisible. Le regardeur ne s'interpose donc plus entre l'objet et la source lumineuse. Le dispositif donne à l'œuvre un côté précieux, créant incontestablement une certaine distance, mais il renforce en même temps son pouvoir d'attraction. Alors que les grandes tentes multicolores renvoient à l'univers du cirque nomade, désacralisant le musée en évoquant des pratiques festives populaires, les meubles-cimaises qui enchâssent les œuvres préservent l'aura nécessaire à leur contemplation.
Un demi-siècle après les utopies des « walking » et « instant city » d'Archigram, dont le centre Georges-Pompidou de Piano et Rogers reprenait davantage l'imaginaire que le principe de nomadisme, Bouchain et Julienne parviennent à leur manière à donner réalité à ce rêve des années soixante.
Maîtres d'ouvrages : Centre National d'Art et de Culture Georges-Pompidou
Maîtres d'oeuvres : Patrick Bouchain et Loïc Julienne - BET : structure, métalo-textile, Astéo (Yves Jacquet) ; fluide, T&E ; ingénierie, Eric Charrier.
Surface SHON : accueil, 170 m2 ; expositions, 340 m2 ; bureaux, sanitaires, locaux techniques , 140 m2
Cout : 1,6 million d'euros
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