PARADIS DU SENS MEETT, parc des expositions de Toulouse

Architecte : OMA (Chris van Duijn/Rem Koolhaas/Ellen van Loon) + PPA Architectures + Taillandier Architectes Associés
Rédigé par Richard SCOFFIER
Publié le 09/11/2020

OMA vient de livrer le MEETT après avoir été lauréat du concours dont nous avions rendu compte dans le d’a n° 203 d’octobre 2011. Un projet qui témoigne de l’importance croissante de Toulouse, la ville française de l’aéronautique, tout en nous permettant une plongée en apnée dans les fondamentaux et l’imaginaire de son principal auteur.

Au nord de la métropole de la Haute-Garonne se déploie un paysage constellé de grandes enclaves – aéroport, usine Airbus, musée de l’aéronautique â€“ et irrigué par de multiples routes nationales et départementales, dont la fameuse Voie lactée qui le relie directement au périphérique de la ville et au réseau autoroutier. Un système de distribution efficacement articulé par un arsenal de ronds-points, de bretelles et de trèfles.
C’est dans cette zone industrielle de pointe qu’au début de l’automne le nouveau parc des expositions, le MEETT, a subrepticement ouvert ses portes. L’ancien, érigé à proximité du centre-ville sur une île de la Garonne, incapable de s’étendre et tributaire des inondations cycliques du fleuve, ne correspondait plus aux ambitions internationales de la cité de l’Airbus et de l’aérospatiale…
Dès le concours, le projet d’OMA s’affirmait comme une infrastructure directement branchée sur les réseaux de desserte existants et esquissait un axe pouvant se poursuivre à l’est jusqu’à la Garonne. Comme pour Congrexpo à Lille, les programmes – halles d’exposition, centre de congrès, parcs de stationnement â€“ étaient agglomérés pour former une construction XXL. Dont la structure rappelait les sculptures de Sol LeWitt et s’étirait à l’horizontale autour d’une barre de parkings. Cette colonne vertébrale centrale distribuait deux bandes d’activités latérales – l’une fermée, l’autre simplement protégée â€“, des Supersurfaces à la Superstudio capables de recevoir les manifestations les plus hétérogènes. Une construction unitaire qui s’opposait en tout point à celles, fragmentées, des deux équipes concurrentes. Ainsi Christian et Elizabeth de Portzamparc s’appuyaient sur la géographie pour proposer une île urbaine émergeant d’une mer de parkings plantés. Tandis que Valode et Pistre projetaient des pavillons aux vastes toitures en forme de cerfs-volants, lancées en quinconce autour d’une jetée surélevée.

BANDES ACTIVES
Pour des raisons budgétaires, le projet lauréat a été légèrement modifié et se divise désormais en trois bandes parallèles autonomes d’environ 700 mètres de long. Au centre, le parking silo flotte sur de hauts pilotis et peut accueillir jusqu’à 3 000 véhicules placés à proximité immédiate des salles d’exposition et de congrès. Ses quatre niveaux s’habillent de plaques de caillebottis en résine moulée vert clair qui renforcent son caractère technique.
Au sud, la halle des conventions se présente comme un hangar pour Airbus A380 ouvrant sa vaste porte coulissante sur une longue piste de même largeur. Sa structure porteuse détermine latéralement et zénithalement des plaques servantes de 6 mètres d’épaisseur occupées par les circulations verticales et les sanitaires comme par les gaines de ventilation. Quant à l’espace intérieur, il se subdivise en trois parties. Un alignement de salles de conférences séparées par des cloisons pivotantes file au-dessus de l’accueil connecté à la rue centrale. Tandis que la grande salle de congrès de 3 500 places se cale au fond du bâtiment, laissant au vide restant la possibilité de recevoir des événements libres de déborder sur la bande non Ã¦dificandi qui le poursuit à l’extérieur.
Au nord, le long rectangle de la halle d’exposition est ceinturé par des boîtes noires contenant les espaces techniques, les bureaux des commissaires et les toilettes destinées à soulager les milliers de visiteurs attendus chaque jour en période de salons et de foires. Les bandes de l’aire de manœuvres et du parc de stationnement des exposants, recouvert d’une caopée de panneaux photovoltaïques, parachèvent cette composition par strates.

POÉTIQUE DES FLUX
Vous avez deux manières de parvenir dans ce nouvel équipement. Par l’est, depuis les stations de tramway et de bus, d’où vous suivrez à pied un parcours initiatique qui s’enfoncera dans le sol en passant sous la Voie lactée et en ressortira pour cadrer en contre-plongée les extrémités du parking et de la halle d’exposition, étrangement monumentalisés. Puis vous rentrerez directement dans la halle par un grand escalier rouge menant à un belvédère, d’où vous serez stupéfait de découvrir une vaste galerie scandée par la succession de deux types de structure. Un espace qui évoque les corridors infinis peints par Hubert Robert tout en pouvant être divisé à l’envie par de grands rideaux en PVC tombant du plafond.
Par l’ouest, où votre voiture empruntera une rampe impressionnante connectant le réseau routier au premier étage du parking. Là, une fois votre véhicule garé, vous descendrez par des escalators jaune fluo dans la rue centrale et ses billetteries qui vous permettront d’accéder directement aux salles d’exposition ou dans la halle des conventions.
Des espaces gigantesques qui nous font ressentir la logique territoriale de l’édifice, activement renforcée par la mise en scène des flux. Les flux de voitures tournant sur les routes alentour pour pénétrer directement dans le bâtiment, comme les flux de piétons arrivant en procession saccadée, déversés par les transports en commun. Sans oublier les flux des véhicules de desserte qui alimentent les halls et dont le ballet mécanique occupe au nord la zone de manœuvre. Cette poétique des flux, qui n’est pas sans rappeler celle du Metropolis de Fritz Lang, se révèle de plus en plus présente dans les projets d’OMA, comme l’annonçait déjà le TGI de Lille où les superpositions des circulations spécifiques d’intensités différentes étaient poussées à leur paroxysme.

MISE EN ABÃŽME
Mais dans les projets de Rem Koolhaas, tout ne se résume jamais à une question de gestion des flux ou de structure. Ses constructions sont toujours empruntes d’une certaine nostalgie. On se rappellera que la Gare Lille-Europe, pourtant fondée sur une superposition de flux aléatoirement lancés dans les trois dimensions de l’espace – les TGV, le tramway, les piétons, les voitures â€“, était émaillée de citations extraites du Grand Central de New York : l’entrée sous l’axe d’un pont, comme les tours flottant au-dessus des voies.
Le MEETT ne se dépare pas de cette imagerie. On ne se sent jamais uniquement emporté par ses émotions quand on pénètre dans ses grands espaces, comme si la profondeur intellectuelle du sens – celle qui par exemple s’ouvre entre un mot et toutes ses significations â€“ devait toujours s’interposer. Comme si la simplicité et même l’ingénuité des grandes envolées des héros de la modernité – les structures cyclopéennes conçues pour l’US Air Force en 1953 par Konrad Wachsmann ou les voûtes des usines Ford réalisées par Albert Kahn à Dearborn en 1924 – ne suffisaient plus aujourd’hui.
Ainsi, dans la halle des expositions, au-delà du vertige provoqué par la perspective, alternent deux types de structures : l’une blanche et tridimensionnelle, portée par des potences ; l’autre, noire et présentant des poutres inversées pour intégrer dans la continuité de la toiture les extractions des ventilations. Elles font référence à deux projets distincts de Mies van der Rohe, respectivement le Convention Hall de Chicago (non réalisé, 1954) et le Crown Hall de l’IIT (1956). De l’autre côté du parking, dans la halle des congrès, trop pressée de se mettre en scène comme un hangar d’avion, les portes coulissantes qui montent et descendent – pour isoler l’accueil du rez-de-chaussée, occulter les ouvertures des salles de conférences en mezzanine ou disparaître en toiture â€“ semblent vouloir rappeler les volets de l’immeuble du square Mozart à Paris réalisé par Jean Prouvé. Tandis que l’escalier hélicoïdal bleu, faisant office de vomitoire, surjoue les toboggans de l’architecture industrielle.
Un effet qui parfois s’emballe pour produire de vertigineuses mises en abîme : comme ces pylônes totalement décalés qui scandent la bande d’activité. Ce sont des vestiges du projet du concours, prévus pour soutenir le vaste auvent protégeant les espaces ouverts. Une référence qui renvoie aussi en cascade aux sculptures de Sol LeWitt et aux carroyages universels de Superstudio. Ici se révèle la vraie nature de l’architecture de Rem Koolhaas, qui s’intéresse autant, sinon plus, à la profondeur du sens qu’à celle l’espace. Comme si le paradis en suspens du sens restait plus fort que tous les paradis que peuvent nous promettre ici et maintenant les espaces architecturés.



Maîtres d'ouvrages : Europolia
Maîtres d'oeuvres : OMA (Chris van Duijn, Rem Koolhaas, Ellen van Loon et Gilles Guyot chef de projet) + PPA Architectures/Taillandier Architectes Associés
Entreprises : Ingérop, Batlle i Roig, dUCKS Scéno, Royal HaskoningDHV, 8’18’’
Surface SHON : 155 000 m2
Coût : 311 millions d’euros
Date de livraison : juillet 2020

Parc des expositions de Toulouse<br/> Crédit photo : Cappelletti Mario Parc des expositions de Toulouse<br/> Crédit photo : Cappelletti Mario Parc des expositions de Toulouse<br/> Crédit photo : Cappelletti Mario Parc des expositions de Toulouse<br/> Crédit photo : Rault    Lionel

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