Pour une architecture des milieux - Boris Bouchet en Auvergne

Rédigé par Soline NIVET
Publié le 31/08/2012

Equipement communal, Marsac-en-Livradois © Boris Bouchet

Dossier réalisé par Soline NIVET
Dossier publié dans le d'A n°211

Boris Bouchet, jeune architecte d'une trentaine d'années, est installé en Auvergne. Lauréat d'Europan 9 en Belgique avec le collectif Milieux, il cherche à multiplier les sujets, les échelles et les associations. Il vient de livrer, avec Simon Teyssou, l'extension d'une maison de retraite en bois dans le parc naturel du Livradois-Forez. De l'aménagement d'anciens terrains miniers dans un village creusois à la réalisation d'une fontaine dans un hameau, il s'appuie sur la notion de milieu pour définir son travail. (Propos recueillis par Soline Nivet)

« Je suis né à la campagne en 1980 et j'ai fait mes études d'architecture à Lyon et Clermont-Ferrand, tous mes ancêtres sont originaires de la vallée de la Dore. Mais ce n'est qu'un prétexte, car seules les singularités des territoires m'intéressent : proches ou lointains, villes ou campagne, peu importe.

Mais il est vrai que les petits projets publics, le manque de moyens techniques des maîtres d'ouvrage et la proximité entre les acteurs qui caractérisent les zones rurales sont parfois favorables à de jeunes agences comme la mienne. Avoir un bureau à Clermont-Ferrand et un autre à Arlanc, c'est reconnaître que tout n'est pas identique, continu, qu'il existe une différence entre une métropole régionale et un village dans un parc naturel : ces deux lieux sont des supports poétiques et culturels de mon architecture.


L'idée d'une "architecture des milieux" portée par Chris Younes et Frédéric Bonnet (dont j'ai suivi l'enseignement à l'école d'architecture de Clermont-Ferrand) replace l'architecture comme une discipline centrale et transversale de l'évolution de notre société. Aujourd'hui, les limites historiques sont devenues floues entre ville et campagne, industrie et artisanat, culture populaire et culture savante. Pourtant, des singularités persistent. Pour moi, il s'agit de reconnaître que nous construisons des lieux dont les caractéristiques préexistantes appartiennent à des territoires étendus sur le plan géographique et culturel. Le schéma de pensée est nécessairement fractal : à la fois l'ensemble et le particulier, l'idée de milieu permet de penser ensemble situation locale et culture moderne internationale. Ce que disent nos pères et ce que pensent nos maîtres !


Nous construisons par exemple actuellement un bâtiment en pisé. Bien que la technique du mur en terre soit ancestrale dans le Livradois-Forez, nous n'héritons pas de cette technique de manière linéaire. Si les pratiques vernaculaires des bancheurs de terre sont effectivement à l'origine, au début du XXe siècle, du développement du béton armé en France, notre architecture d'aujourd'hui est contemporaine, influencée par les maîtres modernes. Le mur en pisé que je construis aujourd'hui est à la fois vernaculaire et savant ! Il n'est plus suffisant de dire que le "lieu" porterait en lui-même le génie de son architecture, de sa transformation. C'est pourquoi nous parlons de "milieux" pour décrire ses interactions (à la manière d'un écosystème) avec d'autres phénomènes qui construisent notre pensée et façonnent nos environnements.


Je suis dans la nostalgie d'une époque où l'architecture n'était pas celle des catalogues, où la matière première était proche de la construction, où le produit était transformé par l'entreprise elle-même, où les lieux avaient du caractère. Pour retrouver cela, j'ai besoin de rencontrer des entreprises qui comprennent cette volonté dans nos dessins et reconnaissent la valeur de leur métier : un maçon sachant construire un coffrage et un menuisier sachant assembler trois pièces de bois sans vis. Simon Teyssou a réussi à mettre en place ce type de relations dans le Cantal, j'essaie de le faire dans le Livradois-Forez. Je travaille par exemple sur mes cinq chantiers en bois avec les établissements Veyrière, une entreprise locale assez singulière qui rassemble des acheteurs de bois sur pied, une grosse scierie, des usines de transformation (lamellé-collé) et des charpentiers. La relation est non seulement efficace économiquement, mais elle est également passionnante sur le plan architectural car elle offre une grande liberté dans le dessin, sans catalogue de mesures imposées : nos bâtiments en bois sont dessinés comme des objets de design, avec plusieurs types de bardage, des épaisseurs, des retraits et des assemblages complexes. Récemment, j'ai appris qu'ils gardaient la plupart de leurs mélèzes – une essence assez rare ici – pour faire mes bardages. J'aime penser qu'il y a en ce moment, pas très loin, un tas de grumes qui sèche doucement en attendant un éventuel prochain chantier… Â»


NB: En mai 2013, Boris Bouchet a remporté le Grand Prix du premier Palmarès national des architectures en terre crue pour l'Espace rural de services de proximité de Marsac-en-Livradois.

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