DA : Comment cet essai sur un sujet d'actualité, à la fois scientifique et politique, voire moral, s'articule-t-il avec votre pratique d'historien des techniques, particulièrement des XVIIIe et XIXe siècles ?

Antoine Picon : Cela relève d'une même réflexion sur les liens de la technique et de la société, dans une perspective de longue durée. Les moments les plus forts de l'histoire sont ceux que nous identifions comme des révolutions, mais en fait toutes les innovations n'apparaissent que dans un contexte très large, à la fois en termes de temporalité et de domaine. Les grandes mutations technologiques affectent les sociétés de manière similaire. Ainsi, la révolution numérique d'aujourd'hui n'est pas sans rappeler certains aspects de la révolution industrielle de la période 1750-1850. Les grands bouleversements techniques ne sont pas des ruptures soudaines, liées à quelques individus, événements et découvertes précis : ils se construisent toujours dans la longue durée, souvent dans des disciplines ou des domaines différents. La rupture supposée entre tradition et modernité est ténue, et son ancrage temporel est étiré.

Lire la suite de l'entretien dans le d'a n°221, Octobre 2013