Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ? - D'A n°202

Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ?
  1. La bande-annonce du film Antoine et Cléopâtre contre docteur Spock, film d’un genre hybride mêlant science-fiction et péplum.
  2. Du jamais-vu : la première station de sports d’hiver sur sable en terrain plat.
  3. Merveille du recyclage : un ensemble immobilier construit avec les moules de l’'Azadi Monument de Téhéran (Hossein Amanat architecte, 1971) et de l’hôtel Méridien de Paris (Pierre Dufau architecte, 1974).
  4. Merveille des modèles : la réplique orientale de La Grande-Motte.

Photogrammes du film présentant Stone Towers, une
opération immobilière dans la banlieue du Caire. Un « projet iconique conçu pour inspirer », totalisant 500 000 mètres carrés de bureaux, dessiné par Zaha Hadid pour le promoteur Rooya Group visible dans sa version intégrale sur : <www.youtube.com/watch?v=FhBahz9xhSA>.
Péplum : le genre, tombé en désuétude depuis les années soixante-dix, renaît par la magie de la promotion immobilière et des outils de simulation 3D. Voici les premières images de Stone Towers, un film des studios Methanoia produit par le Rooya Group. L’action se déroule en terre égyptienne et les
décors sont d’une Pionnering International Architect, la Cléopâtre de la Tamise, l’Imothep du béton nouille, en deux mots Zaha Hadid qui, avec ce projet d’envergure et en attendant l’Oscar, remporte le Quèsaco ? du mois pour la seconde fois consécutive. Les acteurs sont tous des anonymes.
Le péplum appelle la démesure. Stone Towers ne fait pas exception à la règle et prend des allures pharaoniques : Ben Hur, du haut de son plateau de 73 000 mètres carrés, peut aller ranger ses chars ! Jugez un peu : 500 000 mètres carrés de bureaux (un million, selon le site du promoteur), dix-huit tours
(en pierre, d’où le titre du film), un hôtel 5 étoiles doté de 500 chambres, 20000mètres carrés de commerces, un milliard de dollars US d’investissement. Quels principes sous-tendent ce gros morceau d’urban design? Ainsi parlait Zahathoustra : « Je suis souvent allée en Égypte et j’ai toujours été fascinée par les mathématiques et les arts du monde arabe », proclame la chef déco, en débitant pour la énième fois son inusable équation qui sert si bien à chaque projet, de Marseille à Londres, pour Chanel comme pour Volkswagen : « culture arabe = mathématiques = module géométrique servant de concept qui en donne
pour son argent au client ». Et tant pis si les mathématiques arabes ont pris leur essor avec la civilisation islamique plutôt du côté de Bagdad que de Gizeh et si le promoteur tente surtout d’accrocher
ses pierres agrafées à la façade et à la civilisation égyptienne antique, qui vibrait davantage pour Pharaon que pour Mahomet ! Laissons ces querelles aux historiens pinailleurs et penchons-nous sur les vrais problèmes : la réalisation de ce « domaine des dieux » à l’ombre des pyramides. En 2009, date de lancement du programme, Hisham Shoukiri, PDG du Rooya Group, ressentait en Égypte « un besoin énorme pour des programmes immobiliers rencontrant les plus hauts standards internationaux, portés par le climat d’investissement favorable qui fait du pays une plateforme pour les multinationales de la région». FrèreHisham ne vit pas venir la tempête. Depuis, le vent a tourné et l’opération semble s’être enlisée dans les sables des révolutions arabes. Sur Google Earth, la parcelle supposée est un grand carré de désert. Sur le site de l’architecte, le projet porte la mention «TBC» – to be continued. À suivre... De Stone Towers, ne verra-t-on jamais autre chose que cette magnifique bande-annonce ?

Olivier Namias

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