Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ? - D'A n°208

Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ?
  1. Le musée de la Momie au Caire.
  2. Un drame de l’ITE : trop exposée au soleil, la peau de métal a subi une dilatation excessive.
  3. Du jamais vu : la première façade en scoubidou.
  4. Un ruban d’acier déroulé par des ouvriers de la sidérurgie en colère.

Réponse : la liaison 2AC à Roissy-Charles-de-Gaulle, Aéroports de Paris.

« Plus de cathédrale » : c’était, selon Paul Andreu, le mot d’ordre d’Aéroports de Paris après que le polytechnicien se fut rangé des hélices. Ce vœu de modestie a été respecté à la lettre dans ce nouveau bâtiment, qui doit servir de porte d’entrée aux terminaux 2A et 2C, permettant ainsi de retrouver un peu d’espace dans des halls d’embarquement grignotés lentement mais sûrement par l’expansion constante des zones de contrôle. La liaison 2AC – tel est le nom de baptême de cette nouvelle brique du Lego de Roissy –, c’est d’abord un empilement de vastes surfaces de plancher entre des murs de béton.
Car il fallait loger douze ou quinze PIF (postes d’inspection aux frontières), et surtout les 2 300 mètres carrés de boutiques dont 1 000 mètres carrés dans une « rue du luxe » et ses treize commerces haut de gamme. Une façon subtile de rappeler que la France, si elle n’a toujours pas de pétrole et presque plus d’industries, est bien la patrie de ces produits qui font rêver les nouveaux riches, de Shanghai à Manaus. Et tant pis si parmi les enseignes se glissent des marques dont le suffixe en -ucci ou -rada a bien peu à voir avec l’Hexagone. Si, à près de quarante ans, un aéroport n’a pas son magasin au nom se terminant en -olex, c’est bien qu’il a raté sa vie.
Mais a-t-on jamais offert un carré Hermès dans un sac de ciment ? On peut délaisser le monumental des cathédrales de béton aéroportuaires et continuer d’aimer l’architecture parlante, celle qui donne au bâtiment une forme évoquant sa fonction. C’est sans doute pour mieux refléter l’aura des marques haut de gamme que la maîtrise d’ouvrage et le maître d’œuvre – ADP et Aéroports de Paris – ont choisi d’emballer les murs de béton dans un parement de façade nacré, une série de rubans qui serpentent en façade, ponctués de fenêtres laissant le passager apercevoir les pistes. La fluidité est également une valeur des transports et rappelle le liseré ondulant utilisé sur les plaquettes d’ADP.
De ce scoubidou censé évoquer la patte de Frank O. Gehry, la maîtrise d’ouvrage attend un mini « effet Bilbao ». Vue du ciel, la liaison 2AC devrait être la dernière image que les voyageurs étrangers conserveront de la France. S’ils reviennent, c’est qu’ils ne sont pas rancuniers ou qu’ils se sont eux aussi bien gondolés à la vue de ce bardage parti onduler bien loin de son support natal.

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