Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ? - D'A n°222

Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ?
  1. Le prix de l’Innovation 2013 au Salon des maires : un garage pour bâtiments municipaux.
  2. Le décor de la "Folie Belphégor" à Cinecittà, abandonné depuis 1985.
  3. Le « mausolée Lénine » de Georges Frêche, maire de Montpellier, décédé en 2010.
  4. La bulle du Prisonnier de la série culte échappé de Portmeirion, garée devant les studios Borehamwood de la MGM.

Il s'agit du théâtre de l’Archipel à Perpignan, Architectures Jean Nouvel.
Il ne reste sans doute plus que Jean Nouvel pour feindre de croire que le bâtiment qu’il a livré à Perpignan est une salle de spectacle. La véritable fonction du soi-disant théâtre de l’Archipel tient désormais du secret de Polichinelle. L’hétéroclite assemblage est bien évidemment la transposition de Portmeirion, le port gallois ayant servi de décor à “The Prisoner”, la célèbre série anglaise de Patrick McGoohan (1967-1968). La reconstitution est justifiée par la crainte d’une sécession du Royaume-Uni, qui menace à tout moment non de quitter la zone euro, qu’il n’a jamais adoptée, mais l’Europe des 28. Les contrôles aux frontières, déjà sévères, rendraient l’accès au site presque impossible. Certes, les bâtiments perpignanais ont troqué le look italianisant de sir Bertram Clough Williams-Ellis pour une esthétique post-punk moins policée.
La restitution ne concerne, faute de budget (43 millions d’euros HT tout de même), qu’une petite partie du site modèle mais l’essentiel est là. Réalisé avec les produits du catalogue, on retrouve le dôme, habitation du Numéro 2 de la série anglaise, la salle de spectacle où se déroulaient les interrogatoires de Numéro 6, sa maison, la cantine de l’équipe de tournage et bien sûr la fameuse grosse boule qui se jetait sur les hôtes voulant s’échapper de ce village factice. Originellement peinte en blanc, elle prend ici une teinte grenat – comme le grenat de Perpignan, un bijou qui fait la fierté de la joaillerie locale –, dont l’enduit a été supervisé par Jean en personne. Le soin apporté à la réalisation de cet élément confirme la vocation secrète de ce complexe pour prisonniers involontaires de la « starchitecture ». Il devrait bientôt accueillir les lauréats du Pritzker pour une nouvelle série sur D8, la chaîne qui monte : Qui est le Numéro 1 ?
Pourquoi Perpignan ? Parce que Salvador Dalí nous a révélé que la structure de la gare de la préfecture des Pyrénées-Orientales était en tout point semblable à celle de l’univers. Il aurait même dit que la ville serait le centre du cosmos, mais cela n’est pas attesté. Jean-Paul Alduy, sénateur et ancien maire de la commune, préfère y voir un nouveau centre de l’espace architectural. Enthousiaste et prophétique, l’ex-maire initiateur du projet promet que dans cinquante ans, « l’on viendra voir l’Archipel comme on visite l’abbaye de Ronchamp » et affirme que le bâtiment aura pour Perpignan le même effet que le Guggenheim sur Bilbao. Passé relativement inaperçu, il risque surtout d’être le énième avatar de ce que les urbanologues nomment le NEB, ou « Non Effet Bilbao ». ON

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