Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ? - D'A n°227

Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ?
  1. Le décor de « Poubelle la vie », telenovela mettant en scène une famille de catadores, variante brésilienne contemporaine de nos chiffonniers d’antan.
  2. Chantier pilote de l’EMTP, L’École de la Malfaçon et des Travaux Publics, où l’on ne fait plus semblant d’enseigner aux futurs entrepreneurs le savoir mal construire. Bientôt accessible sur titre aux étudiants en architecture.
  3. Ultra-secret : le site d’entraînement aux levées de réserves de la section architecture des nageurs de combat de la marine nationale.
  4. La Fondation Francisco Lapeyre à Portes (30) : heureusement, il n’ y en a pas deux.

Réponse : Fondation Big Crunch : Raumlabor architectes, 2011, Darmstadt.

Après le gaspillage, la sobriété. Loin des projets iconiques du type Guggenheim de Bilbao ou musée des Confluences de la capitale des Gaules, surtout emblématiques d’une utilisation pas toujours regardante des deniers publics, voici venu le temps d’une architecture économe, basée sur les matériaux de récupérations À Darmstadt, c’est l’agence Raumlabor qui s’est faite le héraut de cette trashitecture, prenant virtuellement la tête de tous les collectifs de jeunes architectes se pressant aux portes du Pôle Réemploi, soit par sincérité, soit pour occuper une niche encore vacante – l’un n’excluant pas l’autre. Le projet Big Crunch, allusion à un scénario d’astrophysique prévoyant la fi n de l’univers par écroulement sur lui-même, consiste en une sorte de tourbillon apocalyptique de déchets divers faisant mine de s’avancer vers le Georg Büchner Anlage, complexe dédié au célèbre dramaturge allemand.

Raumlabor a choisi d’exploiter principalement deux matériaux, la fenêtre et la porte. Deux familles très riches, surtout en ce qui concerne la dernière : porte d’entrée, de garage, des toilettes et du cagibi, porte pleine, porte-à-faux, porte de frigo — un univers conceptuel s’ouvrait. Le gisement de matériaux était le site lui-même. On peut désormais rêver aux potentielles mines à ciel ouvert que sont les maisons dévastées par la crise des subprimes ou les immeubles de bureaux vidés par la récession, même si les employés furent invités à la prendre – la porte – depuis quelques années déjà. Si l’on peut redouter des dérapages inhérents à tout process expérimental, comme le prélèvement de portes et fenêtres sur des immeubles encore habités, regretter la conversion des architectes aux démarches de porte-à-porte, le chemin tracé par le Big Crunch ne peut qu’être salué. Une seule crainte : que le réemploi ne devienne une mode et que des bâtiments à peine livrés imitent le style de la ruine et de la poubelle sans assumer la dimension eco-constructive de cette technique. C’est ce que l’on a déjà pu observer à Valence, en Espagne, où le Palais des arts de la Reina Sofía, livré en 2004, s’est converti du barroco-high tech au technolépreux en faisant simplement chuter le carrelage qui revêtait ses façades bombées. Puisque tout, y compris les bonnes intentions, est toujours détourné, devra-t-on un jour se souvenir avec nostalgie de ces temps où le débris n’était pas un style, mais une cause ?

Olivier Namias

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