Reconnaître l’architecture dans l’ordinaire des situations post-anthropocène

Rédigé par CATHERINE BRETRAM, VIGINIE LAPIERRE, LUCAS MONSAINGEON ET CATHERINE SEYLER
Publié le 20/11/2023

Les étudiants de l'École nationale supérieure d'architecture et du paysage de Lille sur le terrain - ©Chaire Post-minier

Dossier réalisé par CATHERINE BRETRAM, VIGINIE LAPIERRE, LUCAS MONSAINGEON ET CATHERINE SEYLER
Dossier publié dans le d'A n°312

par Béatrice Mariolle, docteure en architecture, professeure d’architecture à l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille et codirectrice de l’agence Bres+Mariolle et associés

Chaque année, une cité minière nous accueille, mes étudiants de l’ENSAP de Lille et moi-même. Nous passons beaucoup de temps sur le site à la rencontre des acteurs politiques et techniques, mais surtout associatifs et citoyens. Cette approche est guidée par la nécessité de former des architectes de terrain, architectes du quotidien, capables de dialoguer et de saisir les situations présentes, de considérer un patrimoine ordinaire habité par des familles en grande précarité et de proposer des projets réalisables dans un cadre d’économie faible. L’adaptation énergétique devient une occasion d’inventer et d’expérimenter, au-delà des normes et des cadres technologiques.

On imagine mettre en œuvre des matériaux bios et géosourcés, comme des isolations en terre crue et fibres de lin ou chanvre. On teste également des rideaux hygrothermiques assurant un complément de confort dans les maisons. Terre et textile comptent parmi l’histoire industrielle et artisanale du territoire et des filières peuvent être réinventées. Le bailleur social Maisons & Cités a mis à notre disposition une maison vide qui devient le lieu de multiples chantiers collectifs avec les habitants et les étudiants. « La rénovation des logements miniers va-t-elle être révolutionnée à Harnes ? » tel est le titre d’un article de la Voix du Nord du 8 septembre 2022, relatant des ateliers en cours dans la cité d’Orient à Harnes, où des élèves en architecture, des locataires du quartier, des doctorants et chercheurs en architecture testent ensemble les valeurs esthétiques et thermiques de la terre crue.

En résumé, la chaire « Acclimater les territoires post-miniers », hébergée à l’ENSAPL, a pour mission de développer de la recherche dans et pour l’action. Mélusine Pagnier et Martin Fessard, tous deux en cours de thèse, en nourrissent les actions de terrain. La première, travaillant sur les pratiques collaboratives en architecture, a décidé d’habiter dans une cité minière pour programmer sa rénovation, au plus près des demandes des habitants. Le second interroge les techniques de rénovation en matériaux bios et géosourcés, en comparant confort ressenti et mesures instrumentales.

Ensemble, nous cherchons à prouver que l’architecture se cache dans l’ordinaire des situations post-anthropocène, prenant le terme « climat » au sens météorologique, mais également politique et social.


Une rencontre avec le territoire
Cet enseignement a commencé en 2016 lorsque je suis arrivée à l’ENSAPL. Fraîchement nommée professeure après avoir enseigné près de vingt ans dans plusieurs écoles parisiennes, mon idée était de profiter d’une école régionale pour m’inscrire véritablement et à long terme dans un territoire particulier. En effet, contrairement aux écoles parisiennes, les écoles régionales font partie des « notables » locaux. Véritables lieux d’expertise, de recherche et de création, elles sont reconnues pour leur capacité à jouer un rôle localement et beaucoup d’entre elles en font la preuve. Après un entretien avec le directeur de l’époque (...)

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