![]() Médiathèque Jean-Quarré, ossature bois et éléments préfabriqués en terre coulée |
Dossier réalisé par . D'ARCHITECTURES Entretien avec Salim Boutrid, Alpes Contrôles De
nombreux architectes se plaignent des réticences des bureaux de contrôle quand
ils veulent utiliser de la terre ou des matériaux biosourcés. L’ingénieur Salim
Boutrid nous explique pourquoi et comment Alpes Contrôles accompagne des
projets avec des techniques « non courantes ». |
D’a :
Qu’est-ce qui pousse Alpes Contrôles à s’impliquer dans des projets
innovants ?
Salim Boutrid : Alpes Contrôles est un organisme de contrôle indépendant créé en 1988 à Annecy. Les 46 agences de cette entreprise familiale couvrent l’ensemble du territoire français, et ses 500 collaborateurs interviennent principalement dans le cadre du contrôle technique de la construction et de la coordination SPS. Alpes Contrôles s’inscrit dans une démarche de développement durable et participe à des projets en cohérence avec sa philosophie d’entreprise. Pour répondre aux attentes de nos partenaires, nous avons créé un pôle bois et matériaux biosourcés. Son responsable, François Brillard, s’appuie sur une équipe de huit spécialistes, dont Jean-Pierre Schwarz, notre référent technique pour les constructions en terre crue et en paille. La pleine confiance de notre assureur (Euromaf) nous permet de suivre sereinement ces projets classés en techniques « non courantes ».
D’a :
Avez-vous déjà accompagné des projets en terre coulée ?
Nous suivons actuellement la médiathèque
Jean-Quarré à Paris, qui a des voiles en terre coulée, mais nous travaillons
plus souvent sur des bâtiments avec des matériaux biosourcés ou d’autres
techniques de terre crue. En région parisienne, nous avons travaillé sur le
groupe scolaire Miriam-Makeba à Nanterre, qui a des murs en pisé, et sur
l’école des Boutours en bois et paille de Rosny-sous-Bois. Nous avons également
participé à la Maison pour Tous de Four, en Isère, construite intégralement en
pisé en zone sismique, et nous accompagnons le groupe scolaire Tristan-Bernard
en bois et terre à Besançon.
D’a :
Quels problèmes rencontrez-vous ?
Avec la terre
coulée, la problématique est liée à l’absence de textes de référence reconnus.
Chaque projet nécessite donc de qualifier le matériau, son usage et ses
éventuelles limitations. Cela demande du temps en phase préparatoire et de
nombreux échanges avec les acteurs du projet. Comme les exemples sont rares, il
manque un corpus d’analyse sur les pathologies et sur l’évolution du matériau
dans le temps. Dans certains cas, nous avons conseillé à nos clients de
recourir à des techniques éprouvées, comme celles qui figurent dans les Guides de bonnes pratiques de la
construction en terre crue.
D’a :
La technique de la terre coulée a-t-elle un avenir ?
La terre
coulée a un fort potentiel. Elle repose sur l’alliance de l’usage d’un matériau
abondant, la terre, et d’une mise en œuvre courante par coffrage, le béton.
L’idée générale est de proposer un matériau alternatif, en conservant ou en
adaptant la technique actuellement pratiquée par les entreprises de gros œuvre.
Pour avancer et progresser, il faut réaliser des opérations pilotes. En tant
que contrôleurs techniques et ingénieurs, nous évaluons les dossiers proposés
et tentons de prévenir les pathologies. Nous essayons de faire preuve de
pragmatisme pour garantir la solidité de l’ouvrage, fil conducteur de notre
évaluation technique.
D’a :
Quels sont les freins à la massification de cette technique ?
L’évolution
naturelle est de créer une base de références fiable et reconnue. Cela pourrait
commencer pour la terre coulée, comme pour d’autres techniques auparavant, par
un guide de bonnes pratiques qui déboucherait sur des réalisations évaluables.
Ensuite, la rédaction de règles professionnelles ouvrirait la démocratisation.
C’est ce qui s’est passé avec les Règles professionnelles
de la construction en paille, qui permettent depuis 2012 de réaliser de
plus en plus de bâtiments publics et d’immeubles résidentiels d’envergure. Le
Code de la construction n’impose pas de moyens pour atteindre la solidité
« à froid » d’un bâtiment. Par contre, le respect des exigences en
matière de stabilité au feu et de résistance au séisme peut être un frein au
développement de certains projets. Sur ces points, le dispositif ESSOC pourrait
s’avérer pertinent pour franchir certains obstacles. Mais en attendant la
reconnaissance de la terre coulée comme « technique courante », il
est impératif que l’ensemble des acteurs impliqués dans un projet souscrive un contrat
d’assurance spécifique. Certains assureurs peuvent refuser, d’autres proposent
des avenants, avec ou sans surprime.
D’a :
Peut-on utiliser des terres d’extraction pour construire en terre coulée ?
C’est le but
principal de cette technique. LÃ encore, il faut faire preuve de pragmatisme.
Toutes les terres ne sont pas idéales. Bien sûr, la tentation est grande d’en
modifier la composition par adjonction de différents ingrédients (ciment,
graviers, sables, etc.), mais il faut être vigilant sur la qualité des
matériaux à long terme, et s’assurer que des réactions chimiques ne pourront
pas se développer (ce type de problème sur des bétons a conduit à la démolition
de plusieurs bâtiments). Il est parfois préférable d’aller chercher la terre Ã
quelques centaines de mètres, voire quelques kilomètres du site.
D’a :
Vos confrères sont très frileux sur l’emploi de la terre et des matériaux
biosourcés. Pourquoi l’êtes-vous moins ?
Nous avons
dans l’entreprise des spécialistes qui connaissent bien ces sujets et sur
lesquels l’ensemble de nos ingénieurs peuvent s’appuyer. La pleine confiance de
notre assureur nous permet d’avoir les mains et la conscience libres pour prendre
position en l’absence de référentiel.
Au siècle
dernier, avec l’essor du béton et de l’acier, la construction a subi de
profonds bouleversements. Les ressources étant en cours de raréfaction, nous
pensons que le secteur va bientôt revenir à ses bases historiques, et recourir
aux matériaux disponibles à proximité du site. L’usage de bois, paille et terre
crue est déjà assez courant dans la région d’origine d’Alpes Contrôles, qui
dispose avec CRAterre d’un laboratoire de recherche sur les cultures
constructives internationalement reconnu.
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