(Ultra) labellisée : la multiplication des labels patrimoniaux

Rédigé par Soline NIVET
Publié le 25/06/2018

Dossier réalisé par Soline NIVET
Dossier publié dans le d'A n°264

Le cumul des plaques et des labels patrimoniaux à l’entrée de certains villages – qui nous fait parfois sourire â€“ est en réalité devenu un vrai casse-tête : pour les élus et les habitants, pour les touristes qui n’y comprennent plus rien… et pour l’État qui cherche à simplifier le message de la marque France (sic) à l’international.

Le principe d’une labellisation est toujours un peu le même, qu’elle soit décernée par l’Europe, l’État, une association ou un organisme privé : en échange d’une appellation, d’un logo et éventuellement de subventions, une série de contreparties sont exigées, en termes d’aménagement et d’offre touristique et/ou culturelle.

Dans la course à l’attractivité, les labels sont brigués par des communes et les collectivités, qui comptent ainsi enrichir et valoriser leur CV territorial1. Dans un contexte de politique décentralisée, ils permettent en retour à l’État d’exercer à distance une pression sur les politiques locales, une forme de soft management vertical permettant de faire appliquer localement les « bonnes pratiques Â» en termes de valorisation patrimoniale et d’équipement touristique tout en s’appuyant à la fois sur la compétition entre les territoires (qui rivalisent pour décrocher ces labels) mais aussi ultérieurement sur leurs coopérations puisque les collectivités labellisées se fédèrent ensuite en autant de réseaux ou d’associations au sein desquels capitaliser autour de la marque ou simplement échanger à partir de leurs expériences.

À la fois incitatifs et restrictifs, ces labels peuvent se révéler parfois bloquants pour certaines communes qui souhaitent tout autant valoriser leur patrimoine que développer leur économie locale. Certains villages se sont ainsi délestés de lauriers trop lourds à porter, quittant le réseau des « Plus beaux villages de France Â» faute de moyens à consacrer à l’entretien ou à l’embellissement des espaces publics, ou tout simplement pour pouvoir aménager une zone artisanale ou un secteur pavillonnaire.

 

Brouillage

Du côté de l’État, on ne prend pas ces questions à la légère. Dans un rapport élaboré à la demande du précédent gouvernement2, Martin Malvy (ancien ministre et président de région et actuel président de Sites et Cités remarquables de France) insistait dès 2016 sur la démultiplication des initiatives et des labels patrimoniaux au risque d’un brouillage totalement contre-productif. Depuis, un groupe de travail interministériel « labels patrimoniaux et attractivité touristique Â» a été mis en place par l’exécutif actuel qui entend faire converger politiques culturelles et stratégies touristiques… ce qui ne manque pas de faire grincer quelques dents côté culture.

Très concrètement, on réfléchit à une unique marque ombrelle du type « Patrimoines de France Â», qui chapeauterait toutes les autres et permettrait de mieux valoriser la « Destination France Â» à l’étranger. Restera à mesurer si cette politique volontairement unificatrice en termes d’affichage à l’international et recentrée sur une acception générique du terme « patrimoine Â» n’impactera que les discours du marketing touristique, ou si elle ne contribuera pas à terme à un lissage des initiatives locales… jusqu’à mettre définitivement la France sous cloche.


1. Renaud Epstein, « Grâce aux labels, l’État continue de peser sur l’agenda urbain Â», La Gazette des communes, septembre 2016.

2. Martin Malvy, 54 suggestions pour améliorer la fréquentation touristique de la France aÌ€ partir de nos patrimoines, La Documentation Française, 2016.


 

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