Wallonie-Bruxelles, une architecture de l'engagement. Un développement économique et culturel qui passe par l’architecture

Rédigé par Audrey CONTESSE
Publié le 10/12/2015

Le théâtre le Manège à Mons par Pierre Hebbelinck et Pierre De Wit

Dossier réalisé par Audrey CONTESSE
Dossier publié dans le d'A n°241

Si 2 millions de visiteurs ont cette année pu découvrir Mons regorgeant d’un patrimoine architectural rénové, d’architectures contemporaines et d’offres culturelles, il n’en était rien il y a dix ans. Cette réussite est le fruit d’une politique jouant habilement entre revitalisation urbaine volontaire, attraction d’acteurs économiques majeurs, financement Feder et labels culturels. Dans l’élan de Mons 2015, la ville peut ainsi poursuivre son déploiement en s’appuyant plus que jamais sur les synergies initiées entre technologie et culture.

À la fin des années 1970, Mons fusionne ses communes. Sa population passe de 15 000 à 90 000 et le centre-ville est délaissé. Un schéma de structure pour le centre-ville met alors en place des actions de reconquête et de création d’habitat. « La politique de recyclage du patrimoine par les institutions publiques a stimulé l’initiative privée, à la fois des promoteurs et des particuliers. Nous avons également bénéficié de la mise en place de la régionalisation de la Belgique (1981) pour construire ensemble les outils de rénovation urbaine et nous les avons activés entre autres par la création d’une régie foncière », explique Michèle Rouhart directrice du service de l’urbanisme de la ville de Mons depuis sa création, en 1978.

L’action concertée, soutenue par une stabilité politique, est renforcée dès 1993 quand la ville bénéficie de la première programmation du Feder (Fonds européen de développement régional). En dix-huit ans, la succession de trois programmations a injecté quelques centaines de millions d’euros dans le centre-ville et sa périphérie pour enrichir et compléter les actions architecturales et patrimoniales, puis culturelles. La Ville a ainsi pu réaliser de véritables actions de sens public, dont la dernière en date s’est étalée de 2000 à 2013 et concernait la rénovation de 150 façades privées dans le centre-ville. Une servitude architecturale perpétuelle sur les façades a été mise en place avec l’accord des propriétaires, permettant de financer leur rénovation à 90 % par le Feder. Le repeuplement du centre-ville de Mons est en marche, même si la population se paupérise et se sent parfois flouée par cette densification importante de logements s’opérant par la promotion privée.


Treize années de levier culturel

« Corps de ville Â», la dernière opération de logements neufs d’envergure implantée dans le centre-ville – 129 logements réalisés par l’Atelier Matador (2006-2014) –, s’inscrit dans la requalification urbaine de l’ancien quartier militaire entreprise depuis 2002 par la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). C’est en effet à cette date que Mons devient officiellement Capitale culturelle de la Wallonie et que le levier culturel est actionné pour requalifier la ville. Ces transformations patrimoniales sont aussi l’occasion pour la Cellule architecture de la FWB de mettre en place sa politique de promotion de l’architecture contemporaine de qualité. Le premier projet de cette requalification urbaine, à présent baptisée « kilomètre culturel Â», est la Maison Folie (Atelier Matador, 2002-2006). Le second est la réalisation du théâtre Le Manège, en 2006, par l’architecte Pierre Hebbelinck. L’opération est complétée en 2015 par L’Arsonic, un lieu d’écoute dédié à l’art sonore et aux musiques contemporaines (agences Holoffe & Vermeersch + Niget). S’en suivent la réhabilitation de l’École des beaux-arts pour abriter la Fondation Mons 2015 (architectes K2A, 2009-2013) et l’extension du Mundaneum (Coton_Lelion_Nottebaert architectes). « Parallèlement à ces investissements, la FWB nous a apporté une aide et une connaissance dans les procédures de marchés publics Â», souligne Michèle Rouhart. La Ville s’empare également de ce levier alors que l’offre muséale se limitait au seul et désuet musée des Beaux-Arts. « La deuxième programmation des fonds du Feder a permis en 2006 de le rénover et de le transformer, explique Xavier Roland, responsable du Pôle muséal. La troisième en 2013 de l’équiper pour qu’il soit en mesure d’accueillir toutes les plus grandes collections mondiales : les expositions Van Gogh et Andy Warhol qui ont ouvert Mons 2015 en sont la preuve. Â»Si la ville est quasi vide de musées en 2000, elle en ouvre cinq le même week-end en 2015.

Cette mutation est fondée sur trois actions majeures. La première est la création d’un Pôle muséal regroupant les douze musées actuels de la ville. Le partage des compétences est large puisqu’il concerne la gestion financière et administrative, le projet culturel et scientifique, et la communication. La seconde action est double et tient à la conjonction des plannings des Fonds Feder et du titre de Capitale européenne de la culture. L’ensemble des travaux pour Mons 2015 a ainsi pu bénéficier d’un budget cumulé de 190 millions d’euros. La troisième consiste à s’être appuyé sur le patrimoine mondial inscrit à l’Unesco entre 1999 et 2005 : le beffroi devient ainsi un musée et réouvre après trente ans (agence Dupire-François) ; l’accueil et la descente dans les minières néolithiques de Spiennes sont aménagés et deviennent le musée Silex’s (Holoffe & Vermeersch) ; la ducasse (une fête traditionnelle locale considérée comme patrimoine mondial oral et immatériel) est présentée dans l’ancien Mont-de-Piété transformé en musée du Doudou (Sofateliers architectes).

La logique de mise en valeur du patrimoine existant reste valable pour les deux autres musées : le Mons Memorial Museum s’insère dans l’ancienne Machine à eau (Atelier d’architecture Pierre Hebbelinck) pour présenter une partie de la collection du musée d’Histoire militaire de la ville de Mons, tandis que l’Artothèque (Atelier Gigogne + L’Escaut) regroupe les réserves des douze musées dans l’ancienne chapelle des Ursulines.

Le titre de Capitale européenne de la culture aura donc apporté à l’offre culturelle de Mons douze sites rénovés dans la logique du label : lier identité locale et public international pour assurer un développement sur le long terme.


Miser sur les industries culturelles et créatives

L’Artothèque incarne également la vision à long terme du développement de la ville. Son programme, fondé sur les synergies héritage/numérisation/médiatisation/innovation, fait écho au slogan de Mons 2015, « Where Technology meets Culture Â» et au récent développement économique que connaît la ville. La grande victoire de celle-ci a été d’attirer un des trois data center européen de Google, qui y a investi 550 millions d’euros. Ont suivi IBM, puis Microsoft et près de 80 entreprises consacrées à l’industrie du numérique. En s’alliant à ces industries, aux chercheurs des universités, aux développeurs culturels et aux artistes, le Pôle muséal souhaite que ses musées deviennent des acteurs du développement artistique de la ville et non plus de simples pôles d’attraction touristique. « Creative Valley Â», le projet Interreg (un programme européen de coopération entre régions) actuellement développé par la Ville, poursuit cette dynamique en se donnant comme ambition d’amplifier l’implantation d’industries culturelles et créatives. Face à ce développement économique, le centre-ville de Mons doit s’agrandir. Il vise depuis les années 1990 les Grands Prés, un territoire mitoyen aussi grand que lui mais séparé du centre par la gare et les voies ferrées, délimité par des rocades autoroutières et traversé par la rivière la Haine. Il aura pour vocation d’accueillir des fonctions économiques d’échelles régionales et du logement développé par les promoteurs sous la forme d’écoquartiers.

Pour réaliser la couture entre le centre patrimonial et ce territoire en devenir, deux bâtiments phares viennent se poser sur ou à côté des voies ferrées. Le premier est bien sûr la gare, dont le concours de 2006 a désigné Santiago Calatrava pour créer une liaison aérienne entre le centre-ville, la gare et les Grands Prés. Le second est le MICX, un Centre des congrès réalisé par Daniel Libeskind, qui vient d’être livré. « L’enjeu derrière le choix de l’architecture du Centre des congrès est également économique et stratégique, explique Xavier Roland. Voulant toucher le tourisme d’affaires et étant situé en marge du centre patrimonial, il était essentiel de créer une architecture emblématique pour attirer ce public cible. Quant à l’enjeu de la gare, il est majeur car il contient celui du développement de la ville. Il fallait une réponse à la hauteur de cet enjeu-là en termes de signe et de jonction entre le centre-ville et la ville en devenir. Â» Malheureusement, la gare n’a pas pu ouvrir pour les festivités de Mons 2015 et le chantier est actuellement à l’arrêt.


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