Instituts d’urbanisme et de géographie alpine, Grenoble

Architecte : GBAU Architectes Urbanistes
Rédigé par Bénédicte CHALJUB
Publié le 04/04/2017

Livrée fin 2016, l’extension de la Cité des Territoires de Grenoble déploie une architecture radicale en béton et verre qui illustre rigueur et gageure constructives. Un fait exceptionnel dans ce quartier du sud de la ville remanié depuis une dizaine d’années, composé d’îlots de logements collectifs aux écritures banales. L’édifice est signé de l’agence GBAU, installée en Haute- Savoie, des architectes associés Philippe Guyard et Boris Bregman. 

Associé à Jeanine Fillion-Nicollet, Guyard Bregman Architectes Urbanistes gagne le concours sur esquisse lancé par l’Institut d’urbanisme de Grenoble (IUG) et l’Institut de géographie alpine (IGA) en 2010. L’opération s’implante au coeur de la ZAC Vigny-Musset et renforce l’ambition portée par Université 2000 dans les années 1990. Ce plan prévoyait en effet de créer à proximité immédiate de La Villeneuve un second campus, projet concrétisé il y a une quinzaine d’années par le déplacement de l’UFR de géographie, de l’Institut d’urbanisme, et par la naissance de la Cité des Territoires. Son agrandissement est l’occasion de rapprocher les deux disciplines axées autour des métiers de la ville avec un programme somme toute modeste : les 2 300 m2 comprennent un amphithéâtre, des salles d’enseignement, des bureaux pour les chercheurs et l’administration, des salles de réunion, une cafétéria. Sont envisagées la création d’une UFR unique et, dans une perspective de cinq ans, la constitution d’un cursus commun avec l’École nationale supérieure d’architecture voisine. Localisé en Haute-Savoie, à proximité de Genève, l’atelier GBAU est né de l’association en 2011 des architectes Philippe Guyard et Boris Bregman. Tous deux également enseignants en école d’architecture, ils partagent une culture du projet et une Â« volonté d’approfondissement théorique et pratique ». L’agence construit en Rhône- Alpes des équipements publics principalement, ainsi que des opérations privées, logements collectifs, bureaux, maisons individuelles. Leurs réalisations trouvent des affinités évidentes avec la modernité helvétique, proximité géographique oblige. Le parcours de Boris Bregman à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) confirme ensuite l’existence de ces influences. Sur des territoires ruraux pourtant peu ouverts à la culture architecturale moderne, l’agence affirme le dépouillement des formes et des façades, associé à une maîtrise constructive et une mise en oeuvre précise (voir leur parcours dans d’a n° 226, mai 2014). Ils bâtissent des édifices Ã  la plastique épurée qui exalte les qualités esthétique et sensuelle des matériaux, des bâtiments qui affirment une contemporanéité remarquable dans le paysage alpin (gymnase de Monéry à Rumilly en 2010, restaurant inter-administratif d’Annecy en 2010, restaurant d’altitude de la station de ski de Chamrousse en 2013, rénovation du presbytère et maison médicale à Thorens- Glières en 2015…). 

 

La modernité assumée du béton 

À Grenoble, les architectes s’inscrivent dans la culture locale du béton, marquée par des jalons importants de l’histoire de l’architecture moderne en France : la tour d’orientation des frères Perret (1925), l’Hô- tel de ville de Maurice Novarina (1967), l’école d’architecture brutaliste de Roland Simounet (1978)… En plan-masse, l’édifice referme presque entièrement l’îlot côté est, jusqu’alors composé par les deux instituts. Il raconte, à l’inverse des architectures voisines guidées par des solutions de revêtements isolants extérieurs, des histoires de portée, de rythme, et renverse les codes en matière de structure pour mieux en exalter les questions. Ainsi, au rez-de-chaussée, il forme un pont, ce qui permet d’offrir, par les grandes baies vitrées du hall, des vues traversantes sur le jardin arrière des Poètes. Les façades supérieures sont ensuite composées d’une répétition d’éléments verticaux suspendus, sans fonction porteuse. Leur hauteur par rapport au sol est variable, formant ainsi une ondulation qui interroge même la réalité de leur masse (13 tonnes par élément !). Sur chaque façade, ces 53 lames en béton sont préfabriquées avec le savoir-faire local du cimentier Vicat. Leur dimension, leur poids nécessitent des techniques de transport et de pose spécifiques. Implantées en biais selon un angle de 60 degrés, elles forment une épaisseur, posent un rythme, filtrent les vues et la lumière et constituent in fine l’ordre monumental de l’édifice. Ce dernier s’implante selon un rectangle de 66 mètres de long sur 13 mètres de large. Le rez-de-chaussée dessert également un amphithéâtre. Le premier niveau comporte les salles d’enseignement et les laboratoires ; le second étage comprend les bureaux des chercheurs. Dans cet intérieur, le dessin des prestations répond à une certaine frugalité minimaliste. Les matériaux sont montrés tels quels. Le béton est brut, le flocage reste apparent. Les couloirs de distribution sont marqués par le rythme de l’édifice qui correspond à celui des tableaux de baies traités à l’intérieur par des capots laqués blancs réfléchissant les rayons du soleil. Les contraintes de ventilation et de chauffage donnent aussi lieu à de l’architecture. Ainsi, le niveau des salles de cours des Ã©tages conduit à la fabrication de bancs qui camouflent le dispositif de reprise d’air et logent les radiateurs. La réflexion s’oriente enfin sur le dessin épuré et le calepinage des éléments techniques visibles (interrupteurs, prises, plinthes, luminaires, gaines). Le choix des couleurs – blanc, gris (béton), bleu foncé du plafond du hall – répond Ã  la même volonté d’épurer la plastique architecturale. Philippe Guyard et Boris Bregman se réfèrent volontiers au texte de Martin Steinmann « La Forme forte - En deçà des signes » (Faces, n° 19, 1991) pour souligner la nécessité d’une réflexion sur la forme et aboutir à une « expérience immédiate des choses ».



Maîtres d'ouvrages : Université Joseph Fourier et Pierre Mendès France
Maîtres d'oeuvres : GBAU - Guyard Bregman Architectes Urbanistes ; Fillion-Nicollet architecte associée - BET structures : Secoba - BET fluides : CET - Economie : EA2C - Acoustique : Rez'On
Programme : amphithéâtre, salles d'enseignement, bureaux des chercheurs, administration, salles de réunion, cafétéria
Surface : 2 331 m2 SDP
Coût : 4,3 millions d'euros HT
Date de livraison : 2016


Lisez la suite de cet article dans : N° 252 - Avril 2017

Les lames de béton forment la marquise du hall d’entrée de l’édifice.<br/> Crédit photo : VALLET Pierre Les lames de béton suspendues constituent l’ordonnance de l’édifice dans ce quartier aux architectures pour le moins banales.<br/> Crédit photo : VALLET Pierre Le rythme extérieur forme la grammaire interne de l’édifice, que ce soit dans le hall ou les étages.<br/> Crédit photo : VALLET Pierre Les lames filtrent la lumière, cadrent les vues et participent au confort thermique. Leur poids, 13 tonnes chacune, a nécessité une mise en oeuvre spécifique.<br/> Crédit photo : VALLET Pierre Les matériaux sont montrés tels quels (le béton est brut, le flocage reste apparent).<br/> Crédit photo : VALLET Pierre Les bancs cachent les clapets coupe-feu et permettent le passage de l’air de reprise de ventilation des salles de cours ; ils logent également des radiateurs plinthe pour le chauffage.<br/> Crédit photo : VALLET Pierre

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