Architecte : Paul Vincent Rédigé par David LECLERC Publié le 06/01/2021 |
À l’heure où nos modes de
consommation changent rapidement, la vacance de nombreux espaces commerciaux
dans les zones périphériques des villes offre une opportunité de les utiliser pour
accueillir de nouveaux usages. Mais comment recycler ces boîtes dénuées de
qualités architecturales, construites à moindre coût, et abandonnées au milieu
de leur aire de parking bitumée ? Le projet de Paul Vincent de
reconversion d’un ancien supermarché en espace multifonction apporte une
réponse.
Châteaulin est situé au cœur du massif armoricain, lové dans un méandre de l’Aulne. À équidistance entre Brest et Quimper, la ville occupe une situation privilégiée dans le département qui lui permet d’attirer un grand nombre d’événements : salons, manifestations culturelles, événements associatifs et sportifs.( En 1988, la Mairie rachète un Intermarché abandonné quelques années après sa construction suite à l’implantation d’une nouvelle grande surface Leclerc en centre-ville. Elle décide de mettre ce volume de 1 700 m2, situé le long de la rocade, en bordure d’une zone résidentielle, à disposition des associations et d’y accueillir des événements. L’espace Coatigrac’h, du nom éponyme de la rue qui le jouxte, est né.
Durant
trente ans, il rencontre un franc succès au sein des associations locales qui
apprécient les possibilités qu’il offre pour organiser forums, concerts, spectacles, vide-greniers,
salons, etc. Mais la Mairie est
progressivement confrontée à différents problèmes : plaintes des riverains
en raison des nuisances sonores, manque de confort acoustique, problèmes de
sécurité et charges d’exploitation importantes car le bâtiment est une véritable
passoire thermique. En 2017, elle commande une étude de faisabilité à un bureau
d’études, puis organise une consultation pour choisir un maître d’œuvre. Une
rénovation est privilégiée à une reconstruction pour conserver une surface
équivalente à moindre coût. Le jeune architecte, Paul Vincent, AJAP 2018,
qui développe son activité entre Saint-Malo et Paris, propose un projet d’une
grande clarté qui fait l’unanimité au sein du conseil municipal.
Faire avec
L’architecte décrit son projet,
avec modestie, comme une série d’améliorations apportées au bâtiment : « Ici
le mot “architecture” correspond à une suite de décisions élémentaires,
stratégiques et strictement nécessaires. » Plutôt que d’effacer l’identité
commerciale de la boîte, il l’affirme en se débarrassant de différentes
protubérances et d’un grand auvent sur la façade d’entrée, pour simplifier son
volume et réaffirmer la forme élémentaire de son plan carré. Seul l’ajout d’un petit
volume sur l’une des façades vient interrompre la pureté du monolithe et signifier
l’entrée. « L’objectif est de ne pas chercher à faire semblant d’être
autre chose qu’un ancien supermarché », ajoute-t-il.
Pour donner à cette boîte une
nouvelle présence dans le paysage de la vallée de l’Aulne, située en contrebas
de la rocade, la rendre sensible aux lumières changeantes du ciel breton, sans
renier pour autant son passé industriel et commercial, Paul Vincent choisit une
tôle ondulée d’aluminium anodisé comme nouvelle vêture. En 2015, il s’est rendu
à Marfa au Texas pour recevoir un prix. Les 100 volumes en aluminium que Donald
Judd a installés à la Fondation Chinati semblent avoir influencé l’approche
esthétique du projet dans leur capacité à capter la lumière pour en transformer
la perception.
Économie savante
À l’intérieur, Paul
Vincent fait preuve d’ingéniosité pour transcender la banalité du bâtiment tout
en s’appuyant sur la réutilisation et la mise en valeur de ses composantes
existantes. Le programme demandait un espace multifonction modulable qui puisse
accueillir jusqu’à 1 200 personnes. Les nouveaux locaux (réserve,
local traiteur, loges), que le maître d’ouvrage avait prévu initialement
d’ajouter à l’extérieur de la boîte, sont réintégrés à l’intérieur du volume et
regroupés dans un angle pour conserver un maximum d’espace libre. Un second
volume existant, qui contenait le bloc sanitaire du supermarché, est conservé
et accueille à l’étage un local technique pour la nouvelle CTA.
Paul Vincent insiste sur
les logiques purement économiques et fonctionnelles qui ont guidé sa démarche. Cette
économie de moyens l’incite à se concentrer sur l’organisation des composantes et systèmes
techniques nécessaires au confort de la nouvelle salle, pour qu’ils participent
à ses qualités spatiales. La structure du supermarché est composée de poutres
treillis en bois d’une portée de deux fois 20 mètres, qui reposent sur une
ligne de poteaux en acier disposés au centre du plan carré. Isolation thermique,
gaines de ventilation, panneaux rayonnants, luminaires et réseaux électriques sont
implantés en plafond suivant un calepinage très précis, avec des modes de
fixation astucieux, pour ne pas perturber la lecture des poutres et mettre en
valeur leurs qualités architectoniques. L’utilisation de panneaux de fibres de
bois comme doublage en parois et en plafond permet d’obtenir un confort acoustique
supérieur aux exigences de la réglementation, la solution technique devenant
également esthétique, les panneaux faisant office de finition.
Mise en scène
Deux dispositifs offrent
un contrepoint à ce traitement sobre de l’espace intérieur en introduisant une
pointe de théâtralité au sein du grand volume. Le premier est un espace
d’accueil situé en face de l’entrée, qui réunit un bar et une billetterie. Composé
de panneaux grillagés qui peuvent s’ouvrir et se fermer en fonction des besoins,
ce kiosque est éclairé par des ampoules qui lui apportent une lumière chaude et
une ambiance festive. Deux rideaux coulissants sur des rails se déploient
suivant un parcours subtil pour subdiviser le volume en plusieurs zones, transformant
dans leurs courses la perception des espaces qu’ils enveloppent.
La célèbre série de photos
de Lewis Baltz, The New Industrial Parks near Irvine, California, avait su nous faire regarder
autrement l’architecture de ces zones industrielles et commerciales aux façades
énigmatiques et aux portes closes. Le projet de Paul Vincent à Châteaulin porte
la même
ambition. En regardant avec un œil neuf la banalité du réel, il produit une
architecture non dénuée de qualités, où l’attention portée à l’usage transforme avec frugalité l’ordinaire en
extraordinaire.
Maîtres d'ouvrages : Ville de Châteaulin
Maîtres d'oeuvres : Paul Vincent, IPH-Ingénierie Philippe Hennegrave
Entreprises : BET TCE ; Acoustibel, BET acoustique
Surface SHON : 1 745 m2
Cout : 1,35 million d’euros HT
Date de livraison : octobre 2019
Maîtrise d’ouvrage : Magnolia Media GroupMaîtrise d’œuvre : phase 1, Pedro Livni architecte ;… [...] |
Maîtrise d’ouvrage : ambassade suisse au Chili et Métro de SantiagoMaîtrise d’œuvre : UMWEL… [...] |
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