Architecte : Atelier Martel Rédigé par Jean-François CABESTAN Publié le 03/09/2023 |
« Celui
qui, sans trahir les conditions modernes d’un programme ni l’emploi de
matériaux modernes, aurait produit une œuvre qui semblerait avoir toujours
existé, qui, en un mot, serait banale, je dis que celui-là pourrait se tenir
pour satisfait car le but de l’Art n’est pas de nous étonner ni de nous
émouvoir (…) ».
Auguste
Perret, Contribution à une
théorie de l’architecture, 1933.
Atelier Martel vient de livrer trois opérations de
logement dont le dénominateur commun est de se fondre sans heurt et de
revitaliser leur environnement respectif. La prise en compte de ce territoire polymorphe
qu’est le Grand Paris et la maturité d’une agence qui compte une quinzaine d’années
de pratique engendrent des réponses architecturales pondérées, inspirées de la
diversité des cas de figure abordés.
Depuis la création de l’agence en 2008 rue Martel, d’où
elle tire son nom, les trois associés – Stéphane Cachat, Marc Chassin et
Laurent Noël – ont
développé une pratique dont la modestie et l’efficience s’attirent les suffrages
des maîtres d’ouvrage. C’est dans le cadre général de la commande publique qu’ils
exercent, aux quatre coins de ce Grand Paris dont le concept élyséen original s’est
depuis morcelé en une multiplicité de stratégies communales. Dans la lignée d’un
Yves Lion ou d’un Jacques Lucan dont ils ont suivi les enseignements à l’École
de la ville et des territoires et à l’École polytechnique fédérale de Lausanne,
ils appliquent à chacun de leur projet cette discipline de la rigueur en
matière de composition du plan et de distribution des espaces. À l’écart
des excès d’une modernité essoufflée ou des effets de mode, ils puisent dans l’histoire
urbaine et l’expertise de l’existant des éléments d’architecture – au sens où l’entendent un Guadet ou
un Koolhaas – réinterprétés au cas par cas. C’est ainsi que la production
d’Atelier Martel échappe à toute forme d’historicisme, d’éclectisme ou de
pastiche, catégories propres à qualifier une appropriation superficielle des
formes architecturales. L’inscription dans le contexte réglementaire et
de la transition écologique de chacun
des bâtiments conçus par l’agence participe dès les premières esquisses
de leur qualité environnementale.
La visite du plateau qu’occupe désormais le trio au
premier étage d’un immeuble panoramique de la rue d’Annam à Paris, dans le 20e arrondissement,
illustre cette éthique qui imprègne chacun de leurs projets : une
texturation de l’espace qui tient à l’exploitation maximale des dispositifs
hérités d’une occupation antérieure et d’une dispensation raisonnée de la matière pour partie recyclée
et mise en œuvre. En entrant, on tombe sur une installation de l’artiste
Morgane Erpen – le simulacre de coulures de salpêtre tombées on ne sait d’où
imprégnant un ordinateur portable et une paire de lunettes abandonnée à côté –
qui reflète les convictions de l’agence. D’entrée de jeu, cette méditation sur
la durée, le vieillissement et l’obsolescence, mais aussi l’archivage et l’archéologie
d’un futur indéterminé, invite à réfléchir sur les fluctuations possibles entre
ce qui relève de la création architecturale et de l’invention plastique ;
une forme de synergie qui caractérise et nourrit le travail de l’agence.
Investir un carrefour / 201, rue Gallieni,
Boulogne-Billancourt (92)
Précédemment occupée par une maisonnette flanquée d’un jardin, la parcelle de taille
restreinte de ce premier projet se prête à une démonstration d’un art retrouvé
d’occuper un carrefour avec urbanité. Se démarquant de la récente architecture
à caractère balnéaire qui occupe deux des angles du carrefour, l’immeuble conçu
par Atelier Martel respecte l’alignement et le pan coupé avec la même
bonhomie que la maison à loyer du début XXe siècle qui lui fait
face, la rescapée d’une densification précoce du secteur. Adoptée à l’issue d’un
arbitrage inespéré, car finalement moins onéreuse que le béton, la pierre de
taille massive et porteuse – extraite comme pour Notre-Dame des carrières
du Clocher, dans l’Oise – a suscité une écriture architecturale inspirée
du meilleur répertoire. La logique de l’adoption du quadrillage des trumeaux
biseautés et des bandeaux d’étage d’une pierre plus dure des Pyrénées tient à l’orientation
des façades, toujours éclairées de manière rasante. L’ordre monumental qui en
résulte est exalté par le surgissement musclé de l’attique en retiré regroupant
deux duplex, sans transition ni effet de gradins. De même que les persiennes
rentrent dans les tableaux des baies, aucune émergence ne vient endommager la
cinquième façade.
Distribuer une parcelle profonde / 106, rue du Poteau,
Paris 18e
Partageant avec un immeuble placard d’avant 1914 une
portion congrue de l’angle coupé au débouché de la rue du Poteau sur le
boulevard Ney, la parcelle qui s’étend sur l’essentiel de sa mitoyenneté répond
à cette sorte d’invitation à le conforter tacitement contenue dans la fabrique
de la ville haussmannienne. L’épannelage des trois corps de logis et la
géométrie des cours successives s’appuient autant sur le contexte réglementaire
que sur les préexistences inscrites dans le tissu. La texturation des façades, cuirassées
de brique et de simples bandeaux de béton côté rue, puis simplement revêtues d’un
enduit blanc lumineux en cœur d’îlot, s’inscrit dans la tradition parisienne. De
même pour le séquençage des parties communes, dont l’échelle et la minéralité s’amenuisent
au fur et à mesure qu’on s’aventure dans la parcelle. La hiérarchisation de ces
dernières est indissociable de l’intervention de l’artiste plasticien Julien
Serve, dont les propositions s’inspirent d’un herbier de motifs recueillis aussi
bien dans la cour de Marbre de Versailles que sur les murs de l’Alhambra de
Grenade. Consubstantielles au résultat final, ces interventions s’inscrivent
dans le temps long de la genèse du projet.
Renouer avec la mémoire d’un passé industriel / 10, rue
Ternaux, Saint-Ouen (94)
Temporairement dévolu à
l’hébergement des sportifs pour les jeux Olympiques, l’édifice projeté par Atelier
Martel et avantageusement situé en bordure de Seine est une résidence étudiante.
Le plan-masse, la distribution et l’écriture architecturale de cet équipement sont
une réponse engagée tant au contexte de la consultation en conception-réalisation
qu’à la nature des intentions de Dominique Perrault sur le Village des athlètes,
peu tournée vers la mémoire du site. À la différence de
tout ce qui se construit dans le secteur, le bâtiment pourtant fraîchement
achevé semble avoir toujours été là. La structure poteaux-dalles, l’importance
des vitrages, les parements de briques en allège et l’usage de la couleur
renouent avec la physionomie des constructions industrielles. L’emprise au sol
et l’épannelage du bâtiment découlent d’une relation de connivence
volontairement entretenue par mutualisation des espaces extérieurs – notamment
d’un jardin situé à l’arrière – avec Supméca, l’institut d’ingénierie
voisin. La grande épaisseur disponible a suscité l’adoption d’un plan d’étage
inspiré du rationalisme le plus millimétré. Une distribution d’escaliers façon
Chambord, doublée d’un ascenseur, dessert d’amples paliers côté Seine, tandis
que les chambres tout en longueur bénéficient toutes d’orientations
intéressantes. Au cinquième, une terrasse panoramique s’offre aux futurs
occupants.
Maîtrise
d’ouvrage : Immobilière 3F
Maîtrise
d’œuvre : Atelier Martel ; EVP, BET structure ; Espace Temps, BET
fluides ; Cabinet Philippe Colas, économiste
Artiste :
Sandra Rocha
Mission :
complète
Programme :
construction d’un immeuble de 12 logements sociaux et d’un local d’activité
Surface :
917 m2 (SDP)
Coût :
2,44 millions d’euros HT
Calendrier : études 2018-2019 ; travaux, 2021-2023
Maîtres d'ouvrages :conseil départemental des Hauts-de-SeineMaîtres d'oeuvres : Mars archite… [...] |
Maîtres d’ouvrage : École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille, minist… [...] |
Maître d’ouvrage : Ville de Châtenay-MalabryMaître d’œuvre : a+ / Samuel Delmas ; responsabl… [...] |
Maître d’ouvrage : commune de MaîcheMaîtres d’œuvre : BQ+A (Bernard Quirot, Alexandre Lenobl… [...] |
Maîtrise d’ouvrage : Magnolia Media GroupMaîtrise d’œuvre : phase 1, Pedro Livni architecte ;… [...] |
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent. |
Quel avenir pour les concours d’architecture publique ? 1/5
Structure des procédures, profil des équipes à monter, références à afficher, éléments de rendus…, les concours publics connaissent depuis… |