Architecte : Christian Pottgiesser Rédigé par Marie-Christine LORIERS Publié le 06/06/2011 |
La relation statique entre habitat et typologie est mise à mal
par Christian Pottgiesser. À Louveciennes, la Maison L plonge au plus
profond des archétypes de l'habiter : la grotte, la tour, la salle
commune. Et dans une singulière stratégie du doute, l'architecte en fait
jaillir quelque chose, quelque lieu, pour lesquels le terme usuel de «maison» paraît trop étroit. Christian Pottgiesser, pour
chaque projet, découvre avec une savante naïveté les attentes des
habitants, les fondamentaux du site et surtout, ajoutons-le, ceux de sa
propre démarche théorique et constructive : « Je revendique une
incompétence! À chaque fois, j'ignore le monde dans lequel je dois
intervenir, il me faut inventer la façon dont je vais le découvrir et
intervenir. Aucune connaissance a priori, je me laisse
surprendre par ce que je rencontre, par les désirs et les compétences de
ceux qui vont construire et habiter, par ce qu'ils se cachent eux-mêmes
parfois. »
Projeter est avant tout « un système dynamique loin
de l'équilibre ». Une pensée de l'incertitude qui s'opposerait aux
certitudes de la pensée fonctionnaliste, corsetée dans des statuts.
Christian Pottgiesser, avec sa structure Architecturespossibles, aime Ã
travailler avec des partenaires possédant un autre regard : ingénieur,
designer, rugbyman, plasticien, botaniste. Depuis quelques années, en
compagnie de la photographe Pascale Thomas et de l'artiste Pierre
Leguillon, il a par exemple créé « la Promesse de l'écran ». Ce
lieu/œuvre nomade où l'on questionne le statut de l'art est un bar
clandestin qui s'installe aussi bien dans un hôpital psychiatrique Ã
Lausanne qu'Ã Beaubourg, au CAPC ou dans la maison construite par
Koolhaas à Bordeaux. Une manière de créer « une fonction
incertaine », une mise en question permanente, base commune de projets «
suffisamment impossibles » : l'extension transparente et troglodyte
d'une maison rue Galvani à Paris, un espace de bureaux conçu comme un
meuble-territoire paysagé place de Stalingrad (voir le dossier Aménagement de bureaux, d'a-guide n° 200).
Des fonctions incertaines
Comment
partager avec les futurs habitants le positionnement théorique fort de
cette notion d'« incertitude », de « déséquilibre dynamique » ? Sur
un beau terrain à Louveciennes, en banlieue chic de l'Ouest parisien,
il s'agissait d'agrandir une maison aménagée dans une orangerie du
XVIIIe siècle en y ajoutant quelques chambres. Premier contact en 2004,
après la découverte de l'architecte dans une publication, puis deux ans
d'approche. « L'image de référence était pour ce couple une orangerie du
XXIe siècle. Nous avons clairement dit que nous allions faire leur
maison avec les moyens de notre architecture. Que ça serait long,
complexe, que des contradictions allaient apparaître, des non-dits
s'exprimer. Plus qu'un projet, c'est un scénario que nous proposons. Y
retrouveraient-ils ce qu'ils attendaient ? Au début, je ne crois pas,
reconnaît Pottgiesser. Ce que nous proposions dépassait ou passait Ã
côté des possibilités d'appropriation, ou bien au contraire, le désir
d'appropriation soulevait des contradictions matérielles en termes de
surface, d'orientation, de contraintes, de réalisme constructif. »
Les
possibilités d'extension, malgré presque 5 000 mètres carrés de
terrain, étaient somme toute limitées. Contraintes de hauteur à 8 mètres
en raison du classement en périmètre de monument historique, pas-sage
d'un conduit d'évacuation et d'un point de relèvement des eaux. À cela
s'ajoutait le désir des clients de construire en partie nord, afin de
tourner le dos à la parcelle mitoyenne et de jouir d'une vaste terrasse
tranquille et ensoleillée près de l'orangerie ancienne, où se trouve la
cuisine, pôle de convivialité. À ce jour, la partie ancienne est
également en cours de restructuration. « La notion de programme
n'a pas lieu ici, plutôt un processus itératif où le désir joue un rôle.
» Le projet a connu des attentes, des inquiétudes, des conflits. Mais
les accords profonds sur les fondamentaux et la démarche ont nourri le
scénario d'architecture à travers ses différentes expressions. D'abord,
un plan compact autour d'un jardin décaissé, puis une ligne rigide de
cinq volumes posés sur une nappe d'espaces de séjour. Pour finalement
faire émerger la forme actuelle : cinq petites tours de béton, les
univers privés verticaux (salle de bains et chambre) qui dominent un
jardin-terrasse méditerranéen. Dessous, se développe un espace commun
souple, accidenté, troglodyte et lumineux. Ce toit est la condition
fondatrice du projet. Le déséquilibre des désirs y trouve enfin sa
statique.
Construire
« Du point de vue
structurel [l'ingénieur est Joël Betito], ce toit est une dalle de
quelque 50 mètres de long qui tient plus du génie civil que de
l'architecture domestique. » Les parties pleines des façades en
périphérie portent et contreventent la dalle structurelle ferraillée.
Celle-ci trouve des points d'appui là où elle ne paraît que frôler les
tours. L'acrotère qui cerne le jardin-terrasse est de fait une poutre
porteuse.
Les détails de construction accentuent l'apparent
détachement des éléments. La dalle est séparée des tours par une fine
verrière, un dispositif qui exprime leur élan depuis l'ancrage au sol.
La lumière frise les veines ligneuses du béton décoffré. Les points de
contact structurels sont traités avec des engravures. Pour les
huisseries de métal et les verrières du niveau bas, pour les baies Ã
châssis bois des chambres et salles de bains, la liaison avec la
maçonnerie est discrète, absente ; les feuillures en creux dans le béton
brut sont dessinées et exécutées avec précision. La teinte vibrante du
béton est obtenue par un dosage précis de ciment et de sables clairs. Le
dialogue avec une entreprise artisanale motivée, le geste, le dessin Ã
main levée et le tracé in situ ont été les garants de l'idée.
Parcourir
La
maison L évoque les premières réalisations d'Àlvaro Siza où sur le
chantier, il avait calé la ligne d'horizon dans l'horizontale d'une
fenêtre. Un village italien avec ses tours qui rivalisent en harmonie.
Du Moyen-Orient, on retrouve la vie en terrasses, entre vigie et secret. Parcourir
une topographie dessinée par des murets de pierre de Cadaquès, passer
du sol naturel au jardin de toiture, lever les yeux vers les tours où le
calepinage du béton raconte les savoir-faire du dessin et du chantier.
Faire une halte entre les époques sur la dalle sombre de la terrasse où
s'articule l'extension. Hésiter, traverser la façade de verre et d'acier
de l'assise, retrouver la lumière là où on attendait l'obscurité.
Découvrir autrement les tours, leurs façades devenues ici texture
intérieure précieuse. Sommes-nous dans une rue ou dans une pièce commune
? Chaque tour est un microcosme vertical dans lequel l'escalier
traverse la salle de bains avant d'émerger, plein ciel, dans la petite
chambre à l'immense baie. Dormir, regarder, monter encore et surplomber
le jardin-terrasse aux parfums bleus, comprendre enfin le plan pourtant
si simple.
Maîtres d'ouvrages : Privé
Maîtres d'oeuvres : Christian Pottgiesser, Architecturespossibles; avec Pascale Thomas-Pottgiesser
Programme : Extension et restructuration d'une maison, 5 chambres, 5 salles de bain, espace séjour
Surface SHON : 870 m2, jardin et terrasses : 4 850 m2
Maître d’ouvrage : Municipalité de Laethem-Saint-Martin Maîtres d’œuvre : Off… [...] |
Maître d’ouvrage : Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) – Maîtr… [...] |
Maître d’ouvrage : Mairie de Paris SLA 20Maître d’œuvre : L’Atelier Senzu (arch… [...] |
Maîtres d’œuvre : FMAU, mission complète ; responsable projet, Frédéric Martinet&… [...] |
Maître d’ouvrage : NFU, ADIM Nouvelle AquitaineMaîtres d’œuvre : NP2F architectes… [...] |
Maître d’ouvrage : ministère de la Culture Maîtres d’œuvre : NP2F architectes… [...] |
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
Vous avez aimé Chorus? Vous adorerez la facture électronique!
Depuis quelques années, les architectes qui interviennent sur des marchés publics doivent envoyer leurs factures en PDF sur la plateforme Chorus, … |
Quelle importance accorder au programme ? [suite]
C’est avec deux architectes aux pratiques forts différentes, Laurent Beaudouin et Marie-José Barthélémy, que nous poursuivons notre enquête sur… |
Quelle importance accorder au programme ?
Avant tout projet, la programmation architecturale décrit son contenu afin que maître d’ouvrage et maître d’œuvre en cernent le sens et les en… |