Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ? - D'A n°242

Mais à quel usage ce bâtiment est-il destiné ?
  1. Réinventer Parly2 : la proposition lauréate de cette consultation innovante dote le centre commercial phare des années 1970 d’un bouclier antimissile sur sa façade principale. Général Alcazar architectures associé à Picaros&Tromblon promotion.
  2. Réinventer Mamie : l’immeuble de l’aïeule revisité, les fenêtres tordues offrent à grand-mère l’impression d’un déménagement malgré le maintien dans les lieux. Forever Young developers, avec Chaperon Rouge architectes.
  3. Réinviter Bali : offrir la silhouette d’une île indonésienne à 5 minutes de chez vous, Exotica building en collaboration avec l’agence « Dessine moi une Archi-pelle » et D Karaïbes ingénieries.

Réponse : immeuble « casa Hollywood », Turin, Luciano Pia architecte.

Jusqu’où aller trop loin ? Voilà une question essentielle que ne se sont pas posée les architectes et les promoteurs de cet immeuble, lorsqu’ils l’ont pompeusement baptisé du nom de « casa Hollywood ». Qu’allait donc faire en cette galère l’usine à rêve américaine, transposée sans ménagement sur les bords du Pô, avec le Piémont pour Californie ? La faute à la parcelle, occupée jusqu’à la construction de l’immeuble non par une usine de gomme à mâcher à la chloro exultant la fraîcheur de vivre, mais par un cinéma $a luci rosse,$ à lumière rouge, celle qui éclaire les salles abordant l’exploration du septième art par la lettre X. Adieu « maison du jouir », bonjour « joie du duplex », ciao « position : impossible », bienvenue « végétalise ma toiture », good bye « viol au-dessus d’un nid de cocus », welcome à « la baronne habite au troisième ». Les 26 logements de l’opération visent en effet une clientèle de luxe et, depuis la terrasse, nous relate une gazette italienne, « on jouit d’une vue à couper le souffle » et sûrement imprenable – un peu, sans doute, comme dans l’ancienne salle jusqu’à sa dernière séance. Trois penthouses en occupent désormais le volume sans pour autant rompre avec le monde du cinéma. « La forme choisie, explique l’architecte Pia, est celle d’une grande pastèque, qui tend à la sphère. » Pastèque, soit en italien $cocomero,$ hommage à l’inoubliable film de Francesca Archibugi sortie en 1993, $Il Grande Cocomero,$ improprement traduit en français par « La Grande Citrouille ». Au-delà de la référence cinéphile, pourquoi cet hommage au melon d’eau à peau verte ? « Parce que les lignes sphériques sont celles qui offrent les meilleures performances du point de vue énergétique », précise Luciano Pia, scellant au passage une réconciliation entre réglementation HQE et blockbusters. Devra-t-on désormais imaginer « La Tour infernale » censurée par la réglementation incendie IGH ? « Amityville, la maison du diable » piloté par une domotique environnementale ? « Le Piège de cristal » doublé en moumoute laine de verre ? La « Forteresse cachée » et sa maquette BIM géolocalisée par GPS ? Et « La Rivière sans retour » avec au bout du voyage un terminus de tram et un parking relais ? Impensable aussi, et c’est pourquoi nous nous permettrons de dire que la maison Hollywood promet plus qu’elle ne peut donner. Au dernier étage, toutefois, jouxtant la suite de luxe gérée par l’hôtel voisin, un verger équipé de ruches pour la production de miel. Pour des abeilles butinant les fleurs des fruits défendus, du moins l’espère-t-on, par nostalgie pour les écrans disparus.

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