Architecte : Atelier png, Atelier Julien Boidot, Émilien Robin Rédigé par Maryse QUINTON Publié le 18/10/2021 |
Que peut l’architecture à l’échelle d’un petit
village qui connaît une croissance impromptue ? Beaucoup si l’on en croit png,
Atelier Julien Boidot et Émilien Robin, qui livrent à Neuvecelle une opération
riche d’un point de vue spatial, dont les vertus essaiment sur l’ensemble de cette
commune de Haute-Savoie. Sur le site de l’école, qu’il s’agissait d’agrandir, viennent
se greffer nouveaux bâtiments et extensions, créant un centre-bourg augmenté Ã
la faveur d’une subtile intégration
dans le tissu existant.
Sur le
papier, le projet est modeste en termes de surface : 3 220 m2.
Mais son impact sur la physionomie est important et les usages de ce
village de 3 000 habitants s’en trouvent chamboulés. À proximité
immédiate d’Évian-les-Bains, perché à 770 mètres d’altitude au-dessus du lac
Léman, Neuvecelle appartient à ces
petites communes dont la population a explosé en raison de sa situation
frontalière. La Suisse ne connaît pas la crise et alentour la démographie
scolaire se fait galopante. Conséquence directe, à Neuvecelle comme ailleurs,
il faut pousser les murs de l’école pour répondre à la demande. Au cœur de la
bourgade, le site où se trouve le groupe scolaire Robert-Magnin jouxte les
commerces et les maisons individuelles et bénéficie de vues saisissantes, en
balcon sur le lac Léman.
La
nécessité d’agrandir l’école fut l’occasion pour Neuvecelle de s’interroger sur
ses nouveaux besoins et de s’engager sur un projet plus ambitieux en termes de
programme. En 2015, la municipalité organise un concours afin d’imaginer un
centre-bourg augmenté de nouveaux services : un gymnase, une bibliothèque,
un restaurant scolaire, une école maternelle de six classes, une école
élémentaire de neuf classes, des locaux périscolaires et un parking public. VoilÃ
pour la tranche ferme. Dans un esprit intergénérationnel, une tranche
conditionnelle, non réalisée à ce jour, prévoit une maison de soins et un
relais d’assistantes maternelles (RAM). Cette mixité d’usages invite à la
réflexion. Comment articuler tous ces équipements, les différents publics et
flux qu’ils brassent, les croisements possibles, ceux qui ne le sont pas, et autres
multiples questions inhérentes à cette mixité quand celle-ci est une réalité
concrète et non un argument commercial brandi par un promoteur ?
Une « famille » de bâtiments
Pour
la municipalité, la solution de facilité eut été de déplacer l’école en
périphérie et de construire un nouveau bâtiment correctement dimensionné sur un
terrain vierge moins contraint. Mais l’opportunité était trop belle de renforcer
la centralité élémentaire que représente depuis toujours « l’école du
village ». Pour autant, l’idée première du concours est celle d’un équipement
unique regroupant les différentes fonctions sous un même toit, ce qui aurait
impliqué une tout autre échelle, une intégration plus complexe. Le choix du
lauréat se porte sur une association d’AJAP 14 : png (Antoine Petit,
Nicolas Debicki, Grichka Martinetti), Atelier Julien Boidot et Émilien
Robin, associés à l’Atelier des Cairns, paysagiste local installé à Chambéry. La
fragmentation du programme, répondant à la nécessité impérieuse pour cette
équipe de se fondre dans le tissu du village, va faire la différence, convainquant
le jury à l’unanimité. Nadine Wendling, adjointe au maire de Neuvecelle, raconte que
la proposition lauréate était en effet la seule à préserver l’identité du
village. Le plan de situation au 1/5 000 suffirait presque à mesurer
la délicatesse
de l’inscription dans le site. Pas de bâtiment signal donc, qui, avec vraisemblablement trop de
grandiloquence, aurait raconté qu’il se passait quelque chose ; place
à l’architecture qui suture, qui agit avec humilité, multipliant les adressages
et les entrées dans une approche fine du territoire.
Lové dans la boucle d’une rue, le projet s’organise
dans la pente existante, de part et d’autre d’une rue intérieure qui articule
et dessert les différents programmes d’est en ouest. Il y a les bâtiments, mais
aussi les circulations, protégées ou à l’air libre, les espaces extérieurs, les cours de récréation, les accès intérieurs ou extérieurs,
l’ensemble formant un petit ballet urbain rondement mené et d’une grande
lisibilité. Les interactions sont favorisées entre les différents programmes,
entre le dedans et le dehors, toujours avec intention. Au point haut, Ã
proximité du parking et des commerces, le gymnase et la bibliothèque se font
face autour d’un parvis faisant office de place publique face au lac Léman. En
contrebas s’installent les salles de classe des écoles maternelle et
élémentaire, le restaurant scolaire. Décloisonnée et réhabilitée, l’école
originelle accueille désormais les locaux destinés aux activités périscolaires.
Intégration fine
À
Neuvecelle, le grand paysage a le premier rôle et il ne s’agit pas de lui faire
concurrence. Dans toute l’opération, la position de surplomb offre en continu
des points de vue sur le lac Léman. De cette déférence, juste sans être
surjouée, découle un sentiment étonnant que l’on pourrait formuler ainsi :
« Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. » La
citation de Samuel Smiles résume le sentiment qui domine lorsqu’on arpente
cette opération, ce que png dit à sa manière : « Le déjà -là est
valorisé, étendu, complété, adapté, parfois démoli. » Au cas par cas
pourrait-on ajouter. Chaque élément de programme est ainsi positionné avec
ténuité, de manière à tisser des liens étroits avec le voisinage, tandis qu’Ã
une échelle plus globale la parcelle s’ouvre sur la ville. Les bâtiments forment
« une famille », explique png. « Plus ils sont imposants, plus ils
sont transparents. Le regard circule. » Le lien de parenté est façonné par
les toitures à double pente, les matériaux utilisés et les ouvertures avec une
forme d’évidence. Les architectes ont misé sur une analogie avec les écritures
locales et des archétypes vernaculaires de Haute-Savoie. D’un point de vue
constructif, les ancrages sont en béton, recevant des charpentes en bois massif
et des façades tantôt en bois (gymnase), en moellons enduits (restaurant et
bibliothèque), en béton (extension de l’école maternelle). Chaque bâtiment est ainsi
une déclinaison de ce principe de structure mixte qui régit l’ensemble.
La
Suisse toute proche diffuse jusqu’à Neuvecelle. Les jeux dans la cour de
récréation sont permissifs, le ruissellement de l’eau devient pédagogique, l’enceinte
de l’école laisse celle-ci entretenir le dialogue avec la ville. On pourrait
même apporter un goûter oublié en tendant le bras par-dessus la clôture
plafonnée à 1,30 mètre : sommes-nous vraiment en France ? Une
qualité qui s’exprime aussi par le paysage. L’intervention de Jérémy Huet (Atelier des Cairns) n’est pas secondaire : il
y a autant d’espaces extérieurs qu’intérieurs. Il a mis en place un esprit de talus forestier favorisant une grande diversité d’usages
et privilégiant des matériaux locaux (pierre, concassé). Sans grand geste ni prétention, et parce qu’il concerne les
services du quotidien, ce projet se lit à l’aune de l’impact immédiat qu’il
crée sur son territoire. Il est un bel exemple de ce qui se joue actuellement
dans les territoires ruraux et de la part belle que, lentement mais sûrement,
parvient à s’y faire l’architecture contemporaine.
Maîtres d'ouvrages : commune de Neuvecelle
Maîtres d'oeuvres : Atelier png, associés à Julien Boidot, Émilien Robin, assistés d’Anne Klépal (architectes) ; Atelier des Cairns, Jérémy Huet (paysagiste)
Entreprises : Corealp, gros Å“uvre ;
Darvey, CBC ; Vergori, menuiseries intérieures et extérieures
Surfaces : 3 220 m2 SU (tranche ferme), 530 m2 SU (tranche conditionnelle), 2 680 m2 (espaces extérieurs) ; 375 m2 (parking)
Cout : 7,57 millions d’euros HT (tranche ferme), 1,05 million d’euros HT (tranche conditionnelle)
Date de livraison : 2021
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