[ CE QUE LA GUERRE FAIT À L'ARCHITECTURE ] La guerre au présent

Rédigé par DEPINCE ANNE CHARLOTTE ET ESSAÏAN ELISABETH
Publié le 29/06/2023

30 juin 2022, crématorium du cimetière de Baikove, Kyiv (Avraham Miletski architecte, construit entre 1968 et 1981). Des membres de la brigade d'Azov assistent aux funérailles d’un soldat de leur unité tué pendant le siège de Marioupol

Dossier réalisé par DEPINCE ANNE CHARLOTTE ET ESSAÏAN ELISABETH
Dossier publié dans le d'A n°309


La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine est arrivée depuis plus d’un an dans nos quotidiens. Cette « guerre au présent » – pourtant commencée en 2014, et précédée par celles de Tchétchénie, Géorgie et Syrie – nous est apparue, de par notre impréparation, d’une grande soudaineté. Elle est présente de plusieurs manières : par l’ampleur des destructions, des exactions et crimes de guerre ; par l’intensité du flux d’information ; par la diversité des formes que prend cette information. 

L’on a pu un temps penser que la guerre serait désormais différente. C’est ce que la couverture occidentale de la guerre du Golfe offrait à voir : des images techniques de « bombes intelligentes », de « frappes chirurgicales », sans hommes ni destructions, déréalisant et aseptisant le conflit, jusqu’à effacer la trivialité du réel. Mais à peine six mois plus tard allaient commencer les guerres d’ex-Yougoslavie… 

Si la campagne de frappes aériennes russes en Ukraine réactive des visions de destructions passées, parmi les images que nous croyions appartenir résolument au passé, il y a aussi celles de la campagne sur le front. Une guerre de position qui, depuis 2014, ravive nos imaginaires de tranchées de la Grande Guerre. 

Parler de la guerre en Ukraine, c’est donc aussi questionner la pertinence et les limites des comparaisons historiques. Dans quelle mesure convoquer les destructions, puis les reconstructions de Londres, de Varsovie, de Dresde, du Havre, ou plus récemment de Sarajevo, aiderait à penser le présent ? 

Parler de la guerre, c’est aussi questionner le rapport à la mémoire ou plutôt aux multiples mémoires, c’est questionner les formes et les conditions de leur expression et de leur cohabitation et, de ce fait, c’est élargir les définitions mêmes des notions de patrimoine et d’identité. 

 
Mise à l’abri ou masterplan ? 

La préoccupation première de celles et ceux qui sont restés ou de ceux qui reviennent déjà, c’est d’accéder au plus vite aux besoins primaires : se loger, se chauffer, avoir accès aux ressources et aux services. Les projections, souvent idéalisées, des lieux et des modes de vie futurs mettront des années à s’incarner dans le réel, si tant est que ce soit dans ce réel-là. Tout en créant un horizon d’attente désirable, ces projections peuvent aussi générer un profond malaise, par le décalage avec le réel du quotidien d’aujourd’hui. 

Dans cette phase temporaire, la question du sol, de son attribution et de son découpage, ainsi que du déplacement ou non des habitants, restent essentielles, autant que le choix des matériaux et des formes des architectures. Comment penser et intégrer ces découpages, ces formes bâties et le quotidien de vie de ce transitoire, dans les projets de reconstruction pérennes ? Comment penser aussi ces projets en réseau et non de manière autonome et concurrente pour chaque centre urbain ? 
 
Modèles de reconstruction 

Deux mois à peine après le début de l’invasion, Sir Norman Foster proposait un masterplan pour la ville de Kharkiv, sur invitation, il est vrai, du maire de la ville, Ihor Terekhov. Ce choix n’a (...) 

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