Réutiliser,
transformer, restructurer, revaloriser… autant d’actions souvent recommandées
quand les enjeux de l’époque incitent à retravailler l’existant. Alexandre
Chemetoff, Grand Prix de l’urbanisme 2000, regrette que la destruction l’emporte
très souvent, entraînant des travaux de réaménagement urbain souvent
dispendieux et consommateurs de matière. |
D’a : Conserver plus que détruire semble aujourd’hui
faire consensus entre les architectes et les élus. Mais dans la réalité, la
destruction l’emporte. Qu’est-ce qui fait frein ?
Alexandre Chemetoff : Trois éléments : les coûts, le programme
et la notion d’invention. Beaucoup considèrent qu’il est moins coûteux de construire
que de réhabiliter. C’est le principal frein. C’est souvent faux, si l’on
raisonne en coût global en intégrant le prix de la démolition et le bilan
environnemental et que l’on accepte de faire du programme une variable d’ajustement
de l’état des lieux. Il est plus facile de changer une ligne sur un programme
que des murs de place. Une autre idée fausse très répandue est de penser qu’une
nouvelle architecture serait plus inventive qu’une œuvre « en
situation ». Intervenir sur l’existant requiert pourtant souvent plus de
créativité. Prêter attention à l’état des lieux en retenant l’hypothèse de la conservation
fait de l’existant une ressource qui invite à reconsidérer à la fois le projet et
le programme. Face à une volonté de changement, les qualités des lieux offrent
des réponses souvent pertinentes.
D’a : Quelle importance accordez-vous au poids des règles
et des normes ? Comment s’en affranchir ?
A.C. : Je ne connais pas de centres historiques qui
résisteraient à l’application des règles du PLU élaborées pour des quartiers
neufs. Il faudrait confronter l’excès de ces normes à la réalité et réfléchir Ã
la façon dont ces règles permettraient de reproduire des lieux auxquels nous
sommes attachés et où nous avons plaisir à vivre.
Paradoxalement, prendre en
compte l’état des lieux est un moyen d’échapper au caractère généraliste et
dogmatique des normes. Pour corriger le caractère hors sol des règles, la
fidélité à l’existant est une source de liberté. À observer la réalité, on y
trouve des dispositions souvent contraires aux règles en vigueur et qui
pourtant sont tout à fait enviables. Tout se passe comme si l’existant était
une source de liberté.
D’a : Vous êtes urbaniste, paysagiste et architecte. Quelle
méthodologie adoptez-vous lors d’un projet d’aménagement pour éviter une perte
de matière aboutissant à une uniformité des lieux ?
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