L'architecture funéraire, un savoir perdu ?

Rédigé par Emmanuel BRETON
Publié le 11/10/2023

extension du cimetière San Cataldo, Aldo Rossi & Gianni Braghieri architectes, 1971

Dossier réalisé par Emmanuel BRETON
Dossier publié dans le d'A n°311 " Il faut bien que le mort soit quelque part1 "


1. Jean-Didier Urbain, La société de conservation. Étude sémiologique des cimetières d’Occident, Paris, Payot, 1978, p. 317.

D’aucuns estiment que l’architecture funéraire, à l’image des rites, semble se perdre elle-même. Deux phénomènes peuvent être observés. La première forme de disparition, apparaissant dès les années 1960, est celle du déguisement. Les architectes contemporains participeraient activement à l’effacement de la mort en produisant des formes inspirées trompeusement des lieux de la vie. Le projet d’Aldo Rossi et Gianni Braghi pour l’extension du cimetière San Cataldo de Modène en 1971 subit ainsi ce reproche. La description encore neutre qu’en donne Henri Bonnemazou met en avant la distinction que le projet opère entre une ville des vivants et cette ville des morts qu’est le cimetière, en mettant en œuvre une forme d’inachèvement, suggérant la ruine, l’arrêt d’une vie en cours. Il souligne dans le même temps la manière dont le projet s’inscrit en miroir de cette ville moderne, bureaucratique, fonctionnelle : « Les monuments sont ici comme un rappel de la ville moderne, dont ils évoquent la vie2. » Jean-Didier Urbain, en revanche, retient de cette lecture l’aspect mimétique et le condamne : « Sous le couvert d’un souci d’intégration, l’architecte ne cherche pas autre chose qu’à cacher. Ce n’est plus uniquement l’espace des morts que l’on cache : c’est le cimetière lui-même. L’esthétique de l’architecture funéraire contemporaine trouve là son principe fondamental, la règle du simulacre qui organise la confusion des territoires3. » Il identifie également la typologie des cimetières-immeubles qui apparurent à la fin des années 1960, comme la cathédrale du Silence érigée dans le cimetière Saint-Pierre de Marseille, et celle des cimetières-jardins qui connaissent un engouement renouvelé également à cette période4, comme deux exemples de simulacres.

(...)

2. Henri Bonnemazou, « Ville des morts et ville des vivants » in Lieux et objets de la mort, revue Traverses n° 1, Paris, Centre de Création Industrielle-Centre Pompidou/Les Éditions de Minuit, 1975, pp. 75-79.
3. Jean-Didier Urbain, op. cit. p. 173.
4. L’ouvrage et les réalisations de Robert Auzelle en témoignent : Robert Auzelle, Dernières demeures. Conception, composition, réalisation du cimetière contemporains, Paris, Robert Auzelle/Imprimerie Mazarine, 1965.

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