Architecte : Tank architectes Rédigé par Sophie TRELCAT Publié le 03/04/2016 |
Réunissant dans un même bâtiment un programme de ruche d’entreprises et de parkings – l’un et l’autre permutable –, la dernière livraison de Tank architectes à Tourcoing répond à une politique de la ville visant à réduire la place de l’automobile dans l’espace public. L’édifice joue avec les mêmes accords que les bâtisses voisines réhabilitées, héritage patrimonial de cette vaste zone industrielle caractéristique du Nord de la France.
Ce projet de ruche d’entreprises innovantes et de parkings se situe dans la ZAC de l’Union à Tourcoing, le plus grand chantier français de réhabilitation de friche industrielle, 80 hectares dont le plan d’urbanisme a été conçu par les architectes parisiens Reichen et Robert. La parcelle qui lui a été attribuée se situe sur l’emprise de l’ancien peignage du quartier de la Tossée, dont les activités liées au textile ont cessé en 2004. Ce territoire socialement sinistré, au passé industriel riche, conservera néanmoins quelques traces de son patrimoine bâti : des magasins, une chaufferie et une passerelle, tous réhabilités. Sur l’ensemble du territoire, un grand parc paysager réduira les nuisances d’une voie rapide qui le longe, l’idée étant de réduire la place de la voiture. À terme, le projet sera l’écoquartier pilote de la métropole lilloise et la proposition d’Olivier Camus et de Lydéric Veauvy de l’agence Tank s’inscrit dans cette ambition en rassemblant dans un unique bâtiment les bureaux et les stationnements.
Il aura fallu la force de persuasion de l’agence Tank – ici bien nommée – pour que cette fusion programmatique ait lieu : en effet, le concours stipulait l’édification de deux bâtiments pour chacune des fonctions. S’appuyant sur la perspective de réduction du nombre de voitures en ville, les architectes avaient proposé une seule construction pour deux programmes. Sa conception rendrait possible la permutation des parkings en superficie supplémentaire pour le secteur tertiaire.
Alvéoles hexagonales
La structure, rationalisée au maximum et mise au point spécialement pour le projet, est faite d’un exosquelette de béton. Celui-ci est visuellement mis en scène en périphérie extérieure du bâtiment, et il rappelle avec sa trame d’alvéoles hexagonales la forme d’un nid d’abeilles. Les plissements en façade servent de contreventement pour consolider l’ossature de l’ensemble de manière à libérer des espaces de travail de 16 mètres de profondeur, exempts de tout point porteur. Il est donc possible de recloisonner de manière totalement différente les plateaux de bureaux. Concrètement, si on voulait les transformer en parkings, il faudrait juste ôter une couche d’étanchéité au sol, poser un isolant dans les vides et combler avec un béton maigre ménagé à cet effet. À l’inverse, il suffirait de cloisonner et de poser des façades pour changer les places de stationnement en espace de travail. Flexibilité et mutabilité sont ici une réalité tangible, la transformation étant d’ailleurs envisagée en trois phases successives.
La structure de béton laissée brute libère de larges parties vitrées. Les cloisons vers les couloirs de circulation intérieurs sont aussi transparentes. La matière brute des murs et plafonds des bureaux est ainsi mise en valeur. On retrouve ici le credo d’Olivier Camus et de Lydéric Veauvy : celui de limiter le second œuvre et de laisser apparaître la vérité structurelle. Les architectes épurent au maximum le second œuvre des bâtiments qu’ils conçoivent, en évitant les faux plafonds et les habillages de toutes natures. Aussi un travail tout particulier a-t-il été effectué en ce qui concerne la qualité des bétons, objet de nombreux essais sur site, sachant que celui-ci resterait tel quel. Les poteaux ont été coulés sur place dans des moules métalliques et les éléments horizontaux préfabriqués leur ont été liaisonnés lors du coffrage.
Le fonctionnement de l’ensemble se donne à lire d’emblée par la volumétrie du bâtiment : en rez-de-chaussée, les ateliers sur double hauteur agrémentés d’une mezzanine s’organisent autour de la cour intérieure dans laquelle les camions peuvent pénétrer. Les bureaux occupent les trois étages supérieurs, tandis qu’une émergence à l’angle sud-est marque la présence des circulations verticales et l’entrée dans l’édifice en rez-de-chaussée.
Châteaux industriels
Largement vitré et perméable sur l’intérieur, ce hall est le cœur de la ruche. Il regroupe sur ses côtés les fonctions communes telles que l’administration, les salles de réunion, les archives et la salle de documentation. Accueillant un escalier monumental, son émergence en R + 4 aboutit à une cafétéria, à une grande salle de réunion ainsi qu’à un jardin planté.
Ce sont ces fonctions collectives qui peuvent apporter une plus-value au programme de bureaux, ce dernier ne permettant pas une marge de manœuvre énorme, selon Olivier Camus et Lydéric Veauvy. Ici, les circulations verticales sont flanquées à chaque niveau de paliers confortables fonctionnant déjà comme des lieux d’échange. De nombreux bureaux bénéficient d’un superbe panorama sur le parc, appréciable pour tous depuis le jardin et les espaces en toiture, sans conteste d’une grande convivialité.
La structure se mue en esthétique et cette logique constructive visant à reprendre les déformations horizontales renvoie à l’idée d’efficacité industrielle, en parfaite adéquation avec la fonction de ruche d’entreprises innovantes qu’accueille le bâtiment.
Malgré son inventivité, cette bâtisse de béton fait naître un sentiment de familiarité car elle rappelle les châteaux industriels de ces paysages du nord auxquels les gens sont ici particulièrement attachés, et ce n’est donc pas un hasard si, depuis 2014, cette ruche a sa place dans le parcours des Journées du patrimoine.
[ Maître d’ouvrage : Conseil Général du Nord & SEM Ville Renouvelée – Maître d’œuvre : Tank architectes – Programme du projet : parking silo et ruche d’entreprises – Entreprise générale ou de gros œuvre : Nord France Constructions – BET : PROJEX – Surface : ruche Shon : 7 170 m2, parking Shob : 9 167 m2, soit 380 places de stationnement – Coût : 13,7 millions d’euros HT (ruche : 9,16 millions d’euros HT ; parking : 4,8 millions d’euros HT) – Durée du chantier : 18 mois – Livraison : 2015 ]
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