Architecte : Dominique Coulon & Associés Rédigé par Richard SCOFFIER Publié le 30/12/2021 |
Comment construire dans un paysage très malmené ? C’est la question que s’est posée Dominique Coulon en refusant de profaner une nouvelle fois le sol de Porto-Vecchio pour fonder son bâtiment.
Porto-Vecchio, un village fortifié qui s’étend le long d’une crête rocheuse et se glisse entre la montagne et la mer, dominant des marécages et des plantations d’oliviers et de chênes-lièges. Un territoire qui s’est urbanisé brutalement, en accusant le basculement rapide de pratiques agraires et pastorales à une économie essentiellement tournée vers le tourisme.
Ainsi les arbres ont-ils laissé la place à des hôtels et à des résidences privées qui tournent le dos à la ville et s’orientent vers la mer pour capter à leur profit des vues de carte postale sur les reliquats d’un paysage sauvage. Tandis que les marais salants, actifs depuis le XVIIIe siècle, ont cessé leur activité au début des années 2000 et tombent lentement en déshérence…
C’est dans cet écosystème profondément acculturé et même profondément blessé, dans un petit bois miraculé et oublié le long de la départementale qui mène au port de plaisance, que vient s’implanter le nouvel édifice de Dominique Coulon.
DESSINE-MOI UN JARDIN
Sa médiathèque refuse d’emblée de se fonder dans le sol et de se dresser comme un signe sur l’axe majeur qui la borde au nord. Elle abdique de sa fonction symbolique d’édifice public pour mieux se glisser respectueusement au-dessus du relief rocheux et s’immiscer entre des arbres, parfois sans âge. Comme s’il s’agissait de préserver et de conserver les reliques d’une culture ancestrale et millénaire. Comme si ce fragment de nature était déjà la médiathèque et qu’il fallait seulement le protéger des nuisances de l’axe principal à la circulation intense et le compléter, l’équiper…
Un ruban de béton ceinture ainsi cet espace sanctuarisé. Il porte, aidé de quelques poteaux cylindriques, une boîte en béton autonome composée de dalles et de murs-poutres. Cette structure se soulève parfois de quelques centimètres, parfois de quelques mètres, du sol accidenté avec lequel elle communique par un escalier et une longue rampe hélicoïdale. Ses murs en béton brut sont scarifiés d’anfractuosités et hérissés de saillies pour prendre la lumière et entrer en résonance avec les textures grises et striées des pierres et des rochers. Ils savent aussi se tatouer de l’ombre fugitive des feuillages pour mieux se camoufler et disparaître.
ENDLESS HOUSE
Mais engageons-nous dans le méandre qui se creuse face à l’antique voie romaine et esquisse un parvis. Une fois le seuil franchi, le volume – qui semblait très comprimé de l’extérieur pour laisser respirer la nature existante – apparaît maintenant singulièrement étiré, comme si nous étions entrés dans un autre monde, sans commune mesure avec celui que nous venons de quitter. Les grandes perspectives diagonales qui se perdent au loin dans les frondaisons des arbres à travers les grandes baies rectangulaires esquissent un espace tendant vers l’infini, comme celui imaginé par Frederick Kiesler pour sa Endless House.
Chacun des trois tentacules ouverts en éventail abrite l’un des éléments essentiels du programme. Le long de la voie romaine au-dessus des véhicules de fonction garés en contrebas se suivent « l’heure du conte », la salle informatique, les réserves, les ateliers de maintenance et les bureaux. De l’entrée vers l’axe routier : l’auditorium, un espace modulable équipé des très élégantes chaises pliables de David Chipperfield, puis la salle de lecture des adultes. Enfin, de l’autre côté s’étend celle plus ludique des enfants, occupée par un vaste salon au mobilier coloré donnant au nord-est sur le jardin à travers un mur de verre.
Au centre du sol en béton poli se dresse, tel un baptistère, un édicule circulaire qui contient de petites salles de lecture et qui se creuse de niches sombres où les lecteurs peuvent s’isoler. Les murs qui s’en approchent et dessinent désormais d’improbables volumes concaves accueillent jusqu’à leur mi-hauteur des rayonnages encastrés qui libèrent l’espace et en accentuent la fluidité. Tandis que le plafond se creuse d’oculus d’où tombe une lumière zénithale supplémentaire dans ce milieu déjà très éclairé.
Un livre à la main, poussons la porte métallique située à proximité de « l’heure du conte » et suivons la rampe hélicoïdale qui descend en pente douce, sans doute la pièce maîtresse du projet. Elle est entourée par un haut mur qui l’isole des bruits de la ville et par un mur bas qui l’ouvre au bois : le premier décroît jusqu’à n’être plus qu’un muret tandis qu’inversement le second se rehausse et se transforme en paroi au fil de la descente. Portée par un unique poteau, cette spirale s’affirme comme une sculpture monumentale entourée d’une végétation autochtone pigmentée çà et là par quelques essences importées, comme cet archaïque cédratier, ancêtre du citronnier. Et nous voilà replongés dans le jardin où se creuse un petit amphithéâtre, s’étend une ombre fraîche et régénératrice, pousse un arbre aux fruits étranges et défendus… Un milieu que chacun reconnaîtra, annoncé depuis longtemps par les paradis de la peinture occidentale et prophétisé par Jérôme Bosch comme par Henri Rousseau.
Maîtres d'ouvrages : Ville de Porto-Vecchio
Maîtres d'oeuvres : Dominique Coulon & associés, mandataire ; Amelia Tavella Architecte associé suivi de chantier ; Dominique Coulon, Ali Ozku, conception ; Ali Ozku, Hannes Libis, Hugo Maurice, études
Entreprises : Perez
Surface SHON : 1 200 m2
Coût : 4,5 millions d’euros HT
Date de livraison : 2021
Maître d’ouvrage : mairie de CoudouxMaîtrise d’œuvre : Atelier Régis Roudil Architectes, AmÃ… [...] |
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