Museum Aan de Stroom (MAS), Anvers

Architecte : Neutelings Riedijk Architects
Rédigé par Valéry DIDELON
Publié le 07/10/2011

Au printemps dernier, un important musée historique a ouvert ses portes à Anvers. La visite de ce bâtiment plutôt réussi met en lumière le rôle éminent que peut jouer l'architecture dans le renforcement de l'identité culturelle, sujet particulièrement sensible dans une ville et une région en proie au séparatisme.



La scène architecturale néerlandaise est, on le sait, particulièrement riche et vivante. Parmi les très nombreux anciens collaborateurs de l'OMA, Willem Jan Neutelings est l'un de ceux qui tracent les voies les plus singulières. À la manipulation koolhaasienne des données programmatiques, il ajoute un travail audacieux sur le symbolisme et l'ornementation, qui renvoie au meilleur du postmodernisme, façon Venturi ou Hollein. Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, l'agence Neutelings & Riedijk, basée à Rotterdam, imagine ainsi des édifices curieux, iconiques et mystérieux, amusants et intimidants, fantaisistes et rationnels. Sans jamais céder aux provocations gratuites, elle produit une architecture publique qui ne laisse personne indifférent.


En 1999, Willem Jan Neutelings et son associé Michiel Riedijk frappaient un grand coup en remportant le concours pour le MAS, un important musée historique à construire sur les bords de l'Escaut à Anvers. Le bâtiment vient d'entrer en service et s'impose déjà comme une attraction majeure de la ville. Installé sur un môle, au cœur du quartier portuaire d'Eilandje aujourd'hui en profond renouvellement, il prend la forme d'une structure de 65 mètres de haut de plan carré. Le principe en est très simple et repose sur l'empilement de dix boîtes rectangulaires et identiques qui pivotent d'un quart de tour à chaque étage. Les volumes pleins sont recouverts d'une pierre rouge orangé, tandis que les vides sont ceints d'un verre ondulé, le même que celui utilisé par l'OMA dans la Casa da musica à Porto. De près comme de loin, et grâce à l'étonnante transparence des parois vitrées, l'édifice se découpe spectaculairement sur le ciel anversois. La ville tient là son effet Guggenheim.

La visite du bâtiment consiste à cheminer à l'intérieur de cette structure spiralée grâce à des escalators qui se glissent entre les boîtes suspendues. Cette promenade – comme ce fut le cas à l'origine au centre Pompidou – est assimilée à un espace public et reste pour l'instant librement accessible du matin au soir. À chaque niveau, on peut pénétrer dans un espace d'exposition payant, tout comme contempler le paysage urbain sous un angle différent. L'enchaînement de ces belvédères manque cependant de diversité ; la même configuration spatiale se répète avec monotonie d'étage en étage et rien, si ce n'est la vue, ne distingue ainsi le deuxième du sixième. L'aménagement des espaces d'exposition, confié à B-architecten, est plus convaincant. La muséographie est riche et variée, quel que soit le thème abordé : le pouvoir, la métropole, le port, etc. Parvenu au sommet, le restaurant panoramique ne révèle guère de surprise.

La construction du bâtiment est parfaitement documentée dans un ouvrage récemment paru1. Autour d'un noyau creux en béton, un treillis de poutres en acier de 12 mètres de profondeur a été progressivement déployé. Des panneaux préfabriqués y ont été accrochés afin de former, avec des planchers coulés sur place, les boîtes d'exposition. L'ensemble de cette imposante structure en béton a été ensuite revêtu de dalles de pierre de sable rouge venues d'Inde. Les façades ont été complétées par l'installation de plaques de verre cintrées en S de 5,5 mètres de hauteur et dont les ondulations atteignent 60 centimètres. Poste lourd, vingt escalators ont été disposés dans le bâtiment. En ce qui concerne les finitions, deux éléments ornementaux sont à noter. D'une part, trois mille petites mains en aluminium ont été fixées sur la façade ; renvoyant à une légende locale, elles peuvent être acquises par ceux qui souhaitent sponsoriser le MAS et contribuent à rythmer les façades. D'autre part, on trouve à l'intérieur du bâtiment trois mille médaillons scellés dans la pierre rouge qui accompagnent la promenade publique et dissimulent nombre de dispositifs techniques. Au final, le budget dévolu à la construction de l'édifice n'a été que marginalement dépassé.


Willem Jan Neutelings, Belge originaire d'Anvers, livre donc ici une Å“uvre maîtrisée. Plus de vingt ans après avoir publié une étude iconoclaste sur l'autoroute qui ceinture la métropole2, il participe aujourd'hui à la reconquête de son territoire portuaire. De son intérêt pour la métropole générique, il semble être passé à un travail sur l'identité singulière de sa ville natale dont il n'a pas une vision étroite, comme certains acteurs politiques locaux. Comment construire des équipements culturels qui contribuent à renforcer les liens sociaux ? Voilà une question qu'il se pose en architecte et à laquelle il répond avec brio.


Notes

1. The Making of the MAS, Mas Books, 2011, 200 pages, 52 € env.

2. Willem Jan Neutelings, De Ringcultuur, Vlees en Beton Publishers, 1988.



Maîtres d'ouvrages :   Ville d'Anvers. Maître d'ouvrage délégué, AG Vespa. 
Maîtres d'oeuvres :   conception, Neutelings & Riedijk architecten ; exécution, Bureau Bouwtechniek nv ; muséographie, B-architecten.  
Entreprises :   construction, Interbuild (direction de chantier) ; gros Å“uvre, Cordeel ; installations techniques, Willemen.    
Surface SHON :   emprise au sol, 1 500 m; surface utile, 20 000 m; surface d'exposition, 5 700 m2    
Cout :   budget construction, 33,5 millions d'euros ; budget total, 56 millions d'euros.   
Date de livraison : mai 2011

 

Museum Aan de Stroom (MAS), Anvers <br/> Crédit photo : BLEE Sarah Vue générale intérieur vue plan de situation plan rdc plan r+1 plan r+9 coupe

VOIR ÉGALEMENT

>> Choix de d'a
>> Projets des abonnés

Les articles récents dans Publiés par d'a

Bibliothèque, Laethem-Saint-Martin, Belgique Publié le 01/04/2024

Maître d’ouvrage : Municipalité de Laethem-Saint-Martin Maîtres d’œuvre : Off… [...]

Tribunal de grande instance, Aix-en-Provence Publié le 01/04/2024

Maître d’ouvrage : Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) – Maîtr… [...]

Rassembler - Pavillon pédagogique Le Vau, Paris 20e Publié le 13/03/2024

Maître d’ouvrage : Mairie de Paris SLA 20Maître d’œuvre : L’Atelier Senzu (arch… [...]

Une maison de maître, Hôtel particulier, La Rochelle Publié le 12/03/2024

Maîtres d’œuvre : FMAU, mission complète ; responsable projet, Frédéric Martinet&… [...]

La colonne, l’haltérophile et l’étudiant en architecture - UCPA Sport Station, Bordeaux Brazza Publié le 12/03/2024

Maître d’ouvrage : NFU, ADIM Nouvelle AquitaineMaîtres d’œuvre : NP2F architectes… [...]

La colonne, l’haltérophile et l’étudiant en architecture - IMVT, Marseille 3e Publié le 12/03/2024

Maître d’ouvrage : ministère de la Culture Maîtres d’œuvre : NP2F architectes… [...]

.

Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :

Vous n'êtes pas identifié.
SE CONNECTER S'INSCRIRE
.
Gabriel DEGOTT   -  Web Agency le 15/12/2011

Superbe bâtiment

> L'Agenda

Avril 2024
 LunMarMerJeuVenSamDim
1401 02 03 04 05 06 07
1508 09 10 11 12 13 14
1615 16 17 18 19 20 21
1722 23 24 25 26 27 28
1829 30      

> Questions pro

Vous avez aimé Chorus? Vous adorerez la facture électronique!

Depuis quelques années, les architectes qui interviennent sur des marchés publics doivent envoyer leurs factures en PDF sur la plateforme Chorus, …

Quelle importance accorder au programme ? [suite]

C’est avec deux architectes aux pratiques forts différentes, Laurent Beaudouin et Marie-José Barthélémy, que nous poursuivons notre enquête sur…

Quelle importance accorder au programme ?

Avant tout projet, la programmation architecturale décrit son contenu afin que maître d’ouvrage et maître d’œuvre en cernent le sens et les en…