Palais de justice de Lons-le-Saunier

Architecte : Vurpas architectes
Rédigé par les architectes
Publié le 24/09/2018

Réhabilitation de l’ancienne Ecole normale de filles en palais de justice, accueillant le tribunal d’instance (TI, le tribunal de commerce (TC), le conseil des prud’hommes (CPD°, le tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass) et le conseil départemental d’accès aux droits (CDAD)).

 

À Lons-le-Saunier, l’École normale de filles, bâtiment solennel ayant tous les attributs architecturaux de l’école de la Troisième République accueille le nouveau palais de justice. Le site dit Anne Franck, regroupe une partie des sept juridictions de l’arrondissement de Lons-le-Saunier. Le tribunal de grande instance reste au cœur du centre historique de la ville. Une mutation douce a été réalisée dans l’édifice pour rester au plus près de son passé tout en imaginant un palais de justice contemporain. Sans maniérisme ni effets stylistiques, l’utilisation maximale et rationnelle des espaces milite pour une spatialité claire et lisible, confortée par des ambiances intérieures sobres et nobles. La première École normale de filles s’installe à Lons‑le‑Saunier en 1842 dans l’ancien hôtel de Chassey, rue du Puits-Salé. En 1870, elle déménage dans des bâtiments neufs, construits par Pierre Paillot à quelques rues de là. L’édifice suit les principes des installations scolaires modernes et hygiénistes, issus d’un certain rationalisme et témoin de la République. Le plan s’organise en "U" de façon symétrique autour d’un corps central, avec une cour plantée sur la rue, fermée par des grilles, et un préau à l’arrière. Les grandes salles d’enseignement bénéficient de fenêtres en double orientation, faisant entrer l’air et la lumière naturelle. La façade est qualifiée par la variation des hauteurs d’étages et par la pierre. Les éléments de modénature restent sobres.

 

Les documents d’archives témoignent de l’existence d’une chapelle dans le corps central, disparue dans les différents réaménagements. Après de nombreuses années de bon fonctionnement, l’École quittera ce beau bâtiment. Deux incendies survenus dans le corps central exigeront une première campagne de travaux dans les années 2000. Depuis 2006, les ailes Sud et Ouest, à gauche de l’entrée principale, sont investies par l’Université de Franche-Comté. Autre élément déterminant pour le projet : une chaufferie bois communale construite récemment longe l’aile nord de l’édifice.

 

 

Une restauration soignée pour un tribunal contemporain :


Si l’intérieur de l’édifice a été chahuté par les épisodes cités, l’enveloppe reste intacte. L’intention est de se glisser dans le bâtiment existant, conserver sa structure autant que possible et profiter de ses volumes généreux. Les planchers endommagés sont déposés au prix d’un important travail de curage. Les nouveaux planchers utilisent une technique mixte, le SBB Système Bois Béton, avec des poutres en lamellé-collé de bois de châtaignier. En plus de retrouver des plafonds de qualité, ils participent à créer une ambiance apaisée et présentent des avantages techniques, mécaniques, acoustiques, de poids et de résistance au feu.

 


Les planchers mixtes : Système Bois Béton :


Les planchers mis en œuvre ont fait l’objet d’un important travail de mise au point en phase chantier. Les poutres ont une section de 16 cm de large et 46 cm de hauteur, pour un entraxe de 63 cm environ. Cette section assure inertie et stabilité au feu mais surtout ce profil étroit et « étiré en hauteur » participe à l’élégance de l’ensemble. Plusieurs prototypes ont été nécessaires afin de déterminer le profil exact de ces poutres. Un système d’entaille filant le long de chaque poutre assure la parfaite intégration des éléments de finition - dalles de faux plafond acoustiques et doublage placoplatre.

 

Le choix de l’essence définitive s’est porté sur le châtaigner pour son bel aspect et ses douces tonalités. Une huile ultramate est appliquée en amont en atelier afin d’assurer une bonne protection. Le résultat est à la hauteur des efforts! Ces plafonds, hautement qualificatifs, participent à la belle ambiance du lieu. La suite de la réhabilitation peut être alors d’une élégante sobriété...

 

 

Le parvis, jardin et cour, espaces essentiels :


Depuis la rue Georges Trouillot, une fois franchi le portail restauré et solennel, une place jardin accueille le justiciable dans un climat calme et rassurant. Jardin clos de forme carrée, il magnifie trois magnolias séculaires qui le jalonnent. Un quatrième arbre vient terminer le puzzle de cette géométrie léchée. L’espace se divise alors naturellement en quatre carrés occupés soit par des massifs  soit par des jardinières tapissés de couvre-sols. Pour absorber le dénivelé, deux parvis,  séparés par quelques marches, rythment l’arrivée au palais. Des jardinières de béton teinté servent d’assise provisoire aux visiteurs. Deux rampes bordent les limites extérieures dont une en pente plus douce adaptée à l’accès PMR. Devant le palais des bancs en béton et un stationnement-vélos améliorent le confort des usagers et créent des espaces d'intimité. La grille et le mur sont restaurés. L’entrée Est est réservée au personnel judiciaire avec une entrée piétonne, un parking de 15 places pour le personnel et un jardin d’agrément en lien direct avec la salle des pas perdus. Des grilles formées par des tiges métalliques verticales, sur un muret de béton, laissent passer le regard et clôturent discrètement l’ensemble de la parcelle.

 

Les façades sont restaurées au plus près des façades d’origine. Côté rue, les pierres nettoyées avec reprise des joints restent apparentes et les éléments de modénature, corniches, moulures, appuis, sont rénovés. Côté cour, un enduit de ton clair rappel l’ancienne école. Les fenêtres et volets sont remplacés à l’identique par des éléments en bois blanc. La toiture a fait l’objet d’une considérable rénovation avec la réfection des lucarnes (24), le remplacement des tuiles d’ardoise (25 300 ardoises déposées) et des chêneaux de zinc. La salle des pas perdus, autrefois galerie ouverte, est désormais fermée par de grands vitrages posés au nu intérieur de la façade. Les grandes arches épurées abritent des bancs depuis lesquels on profite des vues sur le jardin. Elles forment des alcôves dans lesquelles on peut s'isoler.

 

 

Une organisation claire, une distribution optimisée :


Les espaces prennent place naturellement dans la trame structurelle existante avec une organisation simple et lisible qui facilite un fonctionnement confortable et optimise les déplacements. La gestion des flux et des circulations est fondamentale et codifiée dans un lieu de justice. Le rez-de-chaussée accueille tous les espaces ouverts au public alors que les étages logent les bureaux destinés au personnel judiciaire. Le hall, accessible depuis le parvis et la porte de l’ancienne école, est le cœur du système. Il regroupe le Guichet Unique du Greffe et l’accueil des juridictions. Nœud central, il distribue l’accès aux différentes fonctions : box d’entretien, salles d’audience et salle des pas perdus. La salle des délibérés est au final, un espace à part et confidentiel.

 

En termes de flux, deux entrées différencient le parcours des justiciables et celui du personnel judiciaire. Le public entre par le parvis depuis la rue Georges Trouillot alors que le personnel accède au bâtiment par la cour et le jardin.

 


Un intérieur apaisé qui réinterprète les codes classiques :


Les matériaux choisis sont nobles, peu nombreux mais homogènes dans tout le palais : pierre, bois et verre. Les teintes claires de camaïeux de beige répondent à la couleur du bois. Dallage en pierre et plafonds de poutres en bois sont continus sur tout le rez-de-chaussée, créant une ambiance harmonieuse et douce. La lumière naturelle, généreuse et omniprésente, génère des espaces clairs, laisse filer les regards vers les jardins et la nature. Des rideaux créent un climat domestique. 

 

Circulation symbole du palais, la salle des pas perdus, installée dans l’ancien préau, forme un grand hall et se prolonge par un espace d’attente confortable par sa double hauteur et sa lumière naturelle généreuse. Avec son beau dallage de pierre conservé et les nombreuses vues sur la cour arrière, elle relie l'espace central du hall d'accueil aux salles d'audience. En termes de circulations verticales, un spectaculaire escalier en béton, coulé sur place, remplace l’escalier démoli et dessert les étages. Toutes les ouvertures conservées maintiennent des vues sur le jardin.

 

En extrémité de l’aile Nord, un deuxième escalier plus confidentiel relie les étages à la grande salle d'audience. Ainsi, la circulation des magistrats est soigneusement pensée. Chaque juge peut se rendre directement dans la grande salle d'audience ou accéder aux espaces tertiaires des étages sans croiser le public. Ce parcours différencié du public assure la confidentialité nécessaire et un réel enjeu symbolique. Le confort acoustique, l’équipement informatique et sécuritaire ont fait l’objet d’études spécifiques. Le bas‑relief de Marianne, symbole dont la présence est obligatoire dans un palais de justice, apparaît sur le mur de la salle d’audience. Un moulage de plâtre blanc, dessiné d’après un modèle puis réajusté in situ, tient une place d’honneur tout en douceur par le jeux des ombres portées. Les architectes ont conçu une partie du mobilier : le meuble d’accueil qui qualifie l’entrée, les bancs d’assises en chêne, les bancs de pierre et bois de la salle d’audience et la barre. La signalétique, imaginée par l’Atelier des (créations) fantasques, conserve un esprit sobre et discret mais dans un juste équilibre entre classique et design.

 

Les différents espaces tertiaires, bureaux et  lieux communs, se déploient dans les étages. Au R+1, le tribunal d'instance occupe la position centrale et le conseil des prud'hommes l'aile Nord. Au R+2, le tribunal de commerce et le greffe sont répartis dans les locaux sous les combles. Bureaux simples et doubles prennent naturellement place dans chacune des ailes, tandis que de grandes salles de réunion se logent à chaque extrémité de l'aile Nord. Elles bénéficient ainsi d'une double voire triple orientation. Les larges circulations le long des façades, côté cour, contribuent à créer une atmosphère sereine. Elles apportent lumière et vues sur le paysage. Le regard file sans véritable obstacle.



Maîtres d'ouvrages : APIJ - Agence Publique pour l'immobilier de la Justice AMO chanter: Arpère Ingénieurie

Maîtres d'oeuvres : Vurpas Architectes / BET structure, fluides et exploitation maintenance: AIA ingénieurie/ BET QEB: EODD/ Graphistes: Agathe Faure et Daphné Vurpas

Entreprises :  Entreprise générale : CUROT CONSTRUCTION Principaux sous-traitants : Démolitions : PENNEQUIN - Charpente, couverture : NOUVEAU SA - Façades : HORY MARÇAIS - Métallerie, serrurerie  : GUILLEMIN - Menuiseries extérieures et intérieures bois : SMI TREILLE - Platrerie, peinture : ALLOUIS - Faux plafonds  : C2P  - Parquet, carrelage pierre : SIA REVÊTEMENTS - Ascenseur  : ACREM SERVICES - Electricité, CF, cf : INEO - Chauffage, ventilation, plomberie : AXIMA - Mobilier sur mesure : BATIMOB - Mobilier d'archives : BRUYNZEEL - VRD  : FAMY - Espaces verts : IDVERDE

Surface SHON : 1 825 m²

Cout : 4,7 K â‚¬ 

Date de livraison : 2016

Salle d'audience<br/> Crédit photo : DOLMAIRE Kévin Vue de la façade de l'entrée principale<br/> Crédit photo : DOLMAIRE Kévin Salle d'attente<br/> Crédit photo : DOLMAIRE Kévin Circulations dans le prolongement de la salle des pas perdus<br/> Crédit photo : DOLMAIRE Kévin Salle de réunion<br/> Crédit photo : DOLMAIRE Kévin Salle de bureaux<br/> Crédit photo : DOLMAIRE Kévin Plan de masse<br/> Crédit photo : Vurpas architectes - Façade principale<br/> Crédit photo : Vurpas architectes - Façade de la cour arrière<br/> Crédit photo : Vurpas architectes - Croquis du mobilier<br/> Crédit photo : Vurpas architectes -

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